On l’avait presque oublié ce communiqué pathétique de l’église catholique de janvier 2010 ; une sorte de béatification de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi)). Le timing, les mots choisis, le ton et les intonations ; les évêques n’avaient pas lésiné sur les formules afin que le fichier électoral de Bako, celui des K.O électoraux de 2011, parvienne à bon port. Les députés de l’opposition, majoritaire à l’époque au sein de l’hémicycle, avait reçu le document comme un coup de massue alors qu’ils s’apprêtaient à faire abroger la loi sur la Lépi. Ce qu’ils ont fini par faire. Mais, la Cour constitutionnelle, forte de l’onction des évêques catholiques, n’a manifesté aucun scrupule à faire annuler ce vote au motif que le processus de modernisation du fichier électoral était irréversible et qu’il était hors de question de revenir aux méthodes habituellement utilisées jusque là lors des recensements d’électeurs. Nous y sommes encore, avec l’impossibilité de tenir le moindre scrutin depuis lors.
Je nous laisse apprécier quelques morceaux choisis de la prose épiscopale : « coopératrice de vérité », « chemin de justice », « véritable instrument de paix », « gage de développement ». À peine si les partisans d’une pause, le temps d’harmoniser les points de vue, n’avaient pas été traités d’« ennemis de la transparence » à qui les pasteurs recommandent « un sursaut patriotique ». Après une telle sortie épistolaire fortement médiatisée, il n’était plus nécessaire de se demander de quel côté penchait l’église catholique dans cette guéguerre autour de la Lépi. J’avais signé une chronique le 4 février 2010 pour m’extasier devant ce « 11ème commandement ». Face donc à cet impitoyable rouleau compresseur conférence épiscopale-Fcbe-Ptf-Cour constitutionnelle l’opposition parlementaire n’avait aucune chance de faire prospérer ses prétentions. Tant pis si l’opération s’est finalement soldée par l’exclusion de plus de 2 millions de citoyen du processus électoral, une crise politique sans précédent et une contestation postélectorale plus virulente que jamais. L’église avait parlé.
Il serait très intéressant d’avoir à nouveau l’avis de Mgr Antoine Ganyé et de ses ouailles maintenant que le fichier électoral se retrouve dans l’impasse et que le Cos/Lépi manque cruellement d’argent pour parachever la correction entamée. Un seul mot de l’église catholique pour en rappeler une nouvelle fois au « sursaut patriotique » de ceux qui devraient débloquer les derniers 3 milliards attendus pour lancer l’organisation des municipales. Il est inimaginable que les évêques puissent abandonner un bébé pour lequel ils s’étaient tant investis au nom de la transparence, de la justice et de la paix. Un mutisme qui ne se comprend pas lorsqu’on constate toute la fougue du clergé à s’attaquer aux non-lieux, au Pvi ou à la grève des enseignants.
Beaucoup de Béninois s’étaient étonnés des motivations de la lettre de janvier 2010. On se demandait si la démarche était mue par une forte pression des fidèles sur leurs pasteurs afin que ces derniers apportent leur caution à Bako et complices à l’époque. Le comble c’est la frénésie avec laquelle les prêtres s’associent désormais avec ferveur aux séances de prières aux relents politiques qui s’organisent chaque week-end dans le pays. Jamais au cours d’une de ses séances, un évêque ne s’est donné pour mission de sensibiliser son auditoire sur la nécessiter de faire tenir les élections dans les délais. Parfois certains prêches semblent ouvertement prêter flanc aux appels à un troisième mandat des demandeurs de ces messes d’action de grâce. Comme si la fameuse coalition conférence épiscopale-Fcbe-Ptf-Cour constitutionnelle était de retour.