DURBAN (Afrique du Sud) - L'entraîneur français du Mali Patrice Carteron, nommé en juillet 2012 s'est totalement dévoué pour la cause des Aigles, qualifiés pour les demi-finales de la CAN-2013, alors que le pays est actuellement le théâtre d'un conflit armé.
Si Seydou Keita incarne à merveille le rôle d'ambassadeur de son pays en guerre et ne manque jamais une occasion d'avoir une pensée pour son peuple, le technicien de 42 ans n'est pas en reste et a vite compris qu'en ces temps troublés, politique et football étaient indissociables.
Dès sa nomination, Carteron a su parfaitement utiliser le contexte militaire et le conflit maliens comme leviers pour motiver ses troupes, arrivés en Afrique du Sud comme investis d'une mission patriotique.
Il a lui-même donné l'exemple en s'installant au Mali puis en décidant d'effectuer la première partie de la préparation pour la Coupe d'Afrique à Bamako pour que les joueurs, dont la grande majorité évolue à l'étranger, "ressentent l'engouement autour de l'équipe" et gardent en tête "la réalité" malienne.
"Cela a été pour moi un choix très fort d'accepter ce poste et d'habiter dans la capitale alors que le pays était en difficulté (au moment de sa nomination en juillet, ndlr), a-t-il déclaré dimanche à l'AFP au lendemain du quart de finale victorieux contre le pays organisateur (1-1 a.p., 3 t.a.b à 1). Il y avait beaucoup de craintes de la part de mes proches mais ma démarche est la même que celle qui a été adoptée par le gouvernement français avec cette intervention. Je suis très fier d'être Français et très heureux de cette
solidarité."
"On est intimement lié"
"Savoir que le Président de la République François Hollande (en visite au Mali, samedi, ndlr) avec son homologue malien ont regardé le match ensemble hier, c'est une grande fierté, a-t-il poursuivi. Il y a des liens très forts entre les deux pays, beaucoup de similitudes dans les mentalités. On est intimement lié."
Bien avant que l'intervention française ne resserre encore un peu plus les relations entre les deux pays, Carteron souhaitait "s'imprégner" de l'ambiance locale et "d'aider au développement du football malien". Pas question pour lui d'effectuer des allers-retour entre la France et l'Afrique, Bamako, épargné par l'avancée des combattants islamistes, restant le centre névralgique du football malien avec 11 clubs en 1re division sur les 16 engagés.
Dimanche, son émotion était palpable à l'évocation des scènes de joie dans le pays et notamment à Tombouctou, ville martyre libérée du joug des islamistes.
"C'est merveilleux de savoir que le jour où Tombouctou a été libéré, les gens ont pu regarder pour la première fois la télévision depuis un an et du coup voir notre match contre le Congo (décisif pour la qualification en quart de finale, ndlr), a-t-il indiqué. Quand les gens ont été frustrés pendant autant de mois, ils ne peuvent qu'avoir envie d'exprimer beaucoup de choses.
Le foot et nos résultats les aident dans ce cas."
Cette guerre est ainsi devenue une source de "motivation naturelle supplémentaire pour les joueurs".
"Les joueurs vivent bien la situation. Elle n'est pas récente, cela fait plus d'un an que ça dure, mais elle s'est améliorée depuis quelques semaines. Forcément beaucoup d'entre eux étaient perturbés par ça mais aujourd'hui ils sentent qu'ils peuvent apporter encore un peu plus de bonheur à ce pays", a-t-il expliqué
"Dégoûté et écoeuré" après la fin de son expérience à Dijon à l'été 2012 et peu enclin à reprendre du service en France, Carteron, "sollicité" par les autorités maliennes, a découvert en Afrique un "continent qui a beaucoup d'attraits, vraiment séduisant". "Un passage en Afrique fait gagner 10 ans d'expérience, je trouve ça vraiment passionnant", a-t-il résumé.