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Le Confrère de la Matinée N° 942 du 29/1/2014

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A Capella_ Chronique littéraire: Doguicimi : Empirisme de l’anthropologie féministe chez Paul Hazoumè
Publié le lundi 22 septembre 2014   |  Le Confrère de la Matinée




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Le vin acquiert sa valeur dans le temps, plus il est vieux, mieux il vaut sur le palais des connaisseurs. La qualité du vin s’inscrirait dans l’œuvre du vigneron achevée, la nature porte à un parachèvement qualitatif ce précieux et excellent breuvage. En 1938, le monde littéraire et intellectuel accueillait la naissance d’une œuvre majeure Doguicimi, qui fut sous l’inspiration profonde de son auteur Paul Hazoumè, le premier et le précurseur du roman historique en Afrique. Si l’avènement de ce roman fut autant salué par l’Afrique que par l’Europe, notamment la France, il ne manqua de mettre en exergue l’audace et la sagacité de l’auteur. Il survola avec mérite les méandres du colonialisme et ses malheurs lacérant pour focaliser son attention sur la femme, la femme africaine.

Stephens Akplogan, Ecrivain-Biographe

Commettre un ouvrage de cette envergure sur une femme presque au mépris des questions chaudes de l’heure aurait certainement paru à ses contemporains vain et impromptu. Ils se seraient attendus à le voir déverser sa bile et à dépeindre avec une élégance effrontée les malheurs de l’homme africain balloté entre esclavage et colonialisme. C’est sans connaitre le personnage, qui comme Paul de Tarse sait consacrer son ardeur et son talent à explorer les sentiers encore en friche. Consacrer son intelligence à faire le portrait d’une femme authentique, éprise d’amour et foncièrement amoureuse dans un royaume sanguinaire et machiste, lequel tomba d’ailleurs en ruine sous les manigances de l’envahisseur blanc était presque du délire. De plus originaire de Porto-Novo, royaume rival de celui de Danhomè, fils du Premier ministre du Roi Toffa 1er de Porto-Novo, d’une mère de l’aire mahi sinon mitoyen aux mahinous, l’entreprise de Paul Hazoumè ne doit pas manquer d’éveiller des soupçons. Le résultat est là, c’est une œuvre de controverse qui n’épargna dans ses envolées épiques ni le Blanc, perçu comme un rustre, ni l’Africain partagé entre devoir d’amitié et le sens de l’honneur.

Mais au-delà, la valeur inestimable d l’œuvre de Paul se révèle à sa postérité. Et plus de 75 ans après, Doguicimi est plus parlant, plus actuel que jamais. Devant une jeunesse écartelée par des vues sexistes, libertines, féministes, le devoir de vertu et la recherche effrénée de gain et de sensation forte, Doguicimi sonne comme l’écho d’un rêve prémonitoire, la sollicitude d’un ancêtre à l’égard d’une jeunesse dont il a pressenti la chute et l’irréversible déchéance. La dignité et la fidélité dans l’amour quelles qu’aient été les sollicitations sont les vertus qu’il propose à notre sensibilité.

La relative opacité de la raison politique qui fit engager les occidentaux dans leurs conquêtes de terre à coloniser, prétextant de la grégarité de l’esprit des hommes et femmes de ces nations considérées à tort comme barbares et à souhait comme étant sans civilisation n’a pas manqué d’être décelée par cet esprit perspicace qui sera, pour avoir apporté la lumière et donne l’exemple, la cause d’une fronde intellectuelle qui ne manquera d’être politique pour emporter dans ses rafales les colons, priés de vider les lieux. Paul Hazoumè ne dédouanant pas les royaumes traditionnels d’Abomey des crimes de sang qui ont jusque là fait la triste réputation du Dahomey a su avec adresse rebondir sur un pan de velléité, notamment l’infidélité qui était d’actualité dans les cercles européens, ce que plus tard révélera formellement Ferdinand Oyono dans son ouvrage Une vie de boy, pour mettre en évidence le gain des valeurs qui rythmaient le cœur et la conscience de nombre de Dahoméens. Mais à qui parlait-il ? A qui destinait-il l’écho de ces frustrations et désillusions dont-il fit porter la voix à Toffa dans son œuvre ?

Paul Hazoumè n’a pas manqué avec sa dialectique épique d’apporter une contradiction osée aux hypothèses des occidentaux sur les notions de civilisation et d’humanité. Avec une ingénieuse plaidoirie soutenue par un talent prodigieux de conteur, il sut se servir des adminicules de la raison et des faits de quotidien dans l’ancien royaume de Danhomè pour confondre ceux qui avec une habileté déroutante posaient de tout temps sur l’Afrique un regard réducteur, cause des actes avilissants auxquels sont confrontés ses fils.

Avec un peu de recul, on est tenté de dire que Doguicimi plus qu’un roman historique était voulu pour être une réponse aux occidentaux qui se méprenaient sur la culture africaine. S’il l’a voulu comme une réponse à ceux-ci, il n’était pas moins l’écho sonore d’une invite adressée aux Africains à se prémunir de toute tentative de suicide intellectuelle devant la campagne de d’intoxication engagée contre l’Afrique depuis l’arrivée des missionnaires. Pédagogue averti, Paul Hazoumè en célébrant l’impressionnante fidélité du sexe faible dans le contexte dahoméen a voulu Doguicimi comme une messe d’action de grâce pour une Afrique digne quoique dénigrée et l’a conçu comme une propédeutique de la raison.

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