Confronté à la fièvre de fin de mandat, Boni Yayi doit également résoudre les équations générées par certains dossiers rebelles. La gouvernance incandescente a semblé déboucher sur la tempérance des ardeurs, mais le dégel théorisé n’a véritablement pas eu l’impact espéré. Sur le coton et le Programme de vérification des importations, souffle un vent de l’impasse. Le pont de discorde entre le chef de l’Etat et l’homme d’affaires Patrice Talon résiste au pardon. La vaine réconciliation met l’avenir de l’or blanc et du Pvi en péril.
La dernière campagne cotonnière a été marquée par l’exclusion. Le pouvoir cauri n’a pas abandonné la politique du pire en frappant sa traditionnelle cible. Ecartées des champs de coton, les usines du groupement des industries cotonnières associées (ICA) de Talon, ont vu, comme la Nation béninoise, l’historique désastre cotonnier. Le spectacle offert au balcon de la refondation est affligeant. Du coton mouillé, abandonné puis destiné à la voirie. Point d’orgue des scènes de l’amateurisme, le SOS lancé pour la levée en masse des volontaires en vue de sauver le coton en ruine. La médiatisation de la ruée désespérée vers les lieux du crime cotonnier a achevé de mettre à nu les errements des soi-disant champions de l’émergence. Les incendies dans les entrepôts de coton relèvent plutôt d’une inédite incurie qui apporte une preuve supplémentaire du chaos. L’impéritie est dans l’air du temps.
Le déploiement des hommes en uniforme pour le ramassage, convoyage et stockage a ajouté son grain d’anecdotes au feuilleton du sinistre.
Yayi a beau s’ériger en cotonculteur à la Marina et obtenir le prix du meilleur exploitant du coton ; l’intrusion massive et spectaculaire de certains ministres dans l’or blanc a beau assurer l’ostentatoire, l’exhibition gouvernementale n’a pas empêché le drame cotonnier. La propagande politique dans les champs a abouti à l’illusion. Pour la prochaine campagne cotonnière, il faut quitter l’obstination ruineuse de l’exclusion et associer les usines d’ICA. Le pardon tarde à produire ses effets. Les faux-fuyants et le dilatoire sont revenus au galop.
Et le dossier Pvi rappelle à tous que Yayi, l’homme du pardon, semble encore coincé dans les tunnels du bras de fer. L’affaire étant pendante devant la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA), on devrait attendre son dénouement avant d’arracher définitivement le Pvi à Talon et d’en confier la gestion à un « vertueux » de l’ère cauri. Toute maladresse fera peser sur l’Etat le risque d’une pluie de dédommagements. D’abord à la victime Talon et ensuite au nouveau bénéficiaire du Pvi dont le contrat serait résilié par un gouvernement post Yayi. Le pays économiquement anémié va-t-il encore s’autoriser une hémorragie financière découlant d’une querelle inutile entretenue par ses gouvernants ? Le contribuable béninois est-il condamné à porter le fardeau du jusqu’au-boutisme fatal ? La vocation d’émergence proclamée n’est-elle alors qu’une farce ?
L’enjeu, c’est la portée du pardon. La crédibilité du Président est mise en jeu. Quel est ce pardon qui tarde à s’accompagner de la vraie réconciliation ? Il risque de stagner dans l’artificiel et de passer pour un geste opportuniste, dicté par la ruse et la diversion. Avec un pardon sans saveur, la vertu escomptée pourrait n’être qu’une des manifestations vicieuses de la gouvernance cauri. Un pragmatisme salvateur devrait permettre de dépasser la simple intention du bien.
Finalement, le pardon est chargé de défis pour Boni Yayi. La seule voie vertueuse reste le retour au dialogue pour renégocier le Pvi et donner vie au coton. En clair, l’avènement de la paix des braves devrait mettre fin à la double crise du coton et du Pvi. Il faut véritablement se débarrasser de ce que Victor Hugo appelle les « colères glacées, des haines mornes, des emportements sans émotion, qui prennent feu sans s’échauffer, dont la capacité de calorique est nulle ».
Triste évidence. Le bras de fer Yayi-Talon semble s’éterniser malgré les effets d’annonce et les gestes d’éclat. Le coton fait les frais de cette destruction de l’attelage. L’économie nationale s’écroule. Le pardon traîne ses absurdités. Et on s’embourbe dans la grande hypocrisie. Mais Yayi, père de la nation, peut encore donner un sens à cette initiative positive dont l’écho a traversé les frontières nationales. L’avenir du Coton et du Pvi dépend de la conversion du pardon en actes concrets inscrits dans la logique de la réconciliation.