« Après nous, c’est nous », il a fallu voir apparaître ce nouveau slogan dans le rang des partisans du chef de l’Etat pour que les Béninois qui doutaient encore, se rendent compte que le pouvoir Yayi est prêt à tout pour rester aux affaires après 2016.
Beaucoup encore en sont convaincus depuis que l’une des grandes figures de la politique béninoise, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle, Adrien Houngbédji a révélé les intentions du président de la République d’une manière qui laisse à penser qu’il était au cœur de son plan. Le leader du Prd a bien pesé ses mots.
Il a indiqué que le chef de l’Etat fait retarder le financement de la Lépi, parce qu’il ne compte pas organiser les élections (locales et communales, puis législatives). En se mettant dans un tel schéma, Yayi Boni est enclin à exploiter, à son profit, une imprudente décision de la Cour constitutionnelle qui a écrit noir sur blanc, qu’il n’y a pas élections au Bénin sans Lépi. Il y va de son intérêt de ne pas mettre de l’argent à la disposition du Cos-Lépi pour continuer les opérations de correction de la Lépi.
Le but final que Yayi Boni veut atteindre, c’est d’entraîner le pays dans un climat d’instabilité politique, histoire d’avoir assez de marge de manœuvre pour réaliser son rêve le plus ancien, c’est-à-dire la révision de la Constitution. Car, ce qui va se passer est ceci.
Le chef de l’Etat va continuer à tergiverser quant au décaissement des moyens pour corriger la Lépi jusqu’à conduire le pays dans un scénario « Wahala », où il serait impossible d’organiser les élections locales et communales cette année, puis législatives en 2015. Le contexte actuel s’y prête bien.
Avec le nouveau code électoral (article 60) qui indique que le corps électoral est convoqué par décret présidentiel 90 jours avant le thème du mandat en cours, et que la Lépi doit être établie 60 jours avant le vote (article 180), de même que la déclaration de candidature doit être déposée 45 jours avant la date fixée pour le démarrage de la campagne électorale (article 44), on voit mal comment le Bénin peut s’en sortir s’il tient à respecter rigoureusement ses propres lois.
A vrai dire, c’est déjà la zone rouge, puisque le facteur déterminant qui se trouve être la Lépi est toujours dans l’inconnu. C’est sur ce facteur que Yayi Boni est en train de jouer pour créer un environnement de grande incertitude quant à l’organisation des élections.
On ne peut pas prétexter d’un audit pour couper le financement au Cos-Lépi, si ce n’est pas que la mission d’inspection, en elle-même, constitue un iceberg qui cache les intentions réelles du pouvoir. Tout le monde en sait quelque chose.
Yayi consolide ses chances
Malgré l’ultimatum du 20 septembre 2014 fixé par le président du Cos-Lépi au gouvernement pour débloquer le reste des fonds destinés à la correction de la Lépi, on n’a pas eu de réponse. Le chef de l’Etat est resté indifférent. Pourtant, Sacca Lafia, président du Cos-Lépi a prévenu que, passé cette date, s’il n’y a aucune réaction satisfaisante, il faut considérer que la liste ne sera prête qu’en février 2015.
Ce à quoi on se dirige. Et si l’on considère février prochain comme la dernière chance pour établir la Lépi avant les élections législatives, le mauvais sort n’est toujours pas conjuré.
Les communales et les locales étant toujours mises entre parenthèses, on se retrouvera de plain pied dans les législatives, puisque le mandat de l’actuelle législature expire en avril 2015. Dans cette foulée, le chef de l’Etat, en vertu de l’article 60 du nouveau code électoral, devra convoquer, les électeurs, 90 jours avant, soit en fin janvier ou début février de l’année prochaine.
La Cena, quant elle, aura déjà reçu la liste 60 jours avant le vote, mais n’aura aucun temps pour vérifier la fiabilité des données. Ce qui risque de se passer, c’est le cafouillage. Il va s’en suivre des agitations qui déboucheront sur des troubles. Dans ces conditions, les chances que le Bénin organise les élections législatives en 2015 sont réduites.
En tout cas, les ingrédients qui se réunissent, de plus en plus, sont de nature à priver les Béninois des députations, comme c’est le cas pour les élections communales et locales. Sous Yayi Boni, les exemples d’élections manquées ne sont à citer. Mais jamais, ces cas précédents qui nous viennent tous à l’esprit n’ont pas suscité autant de craintes. Le scénario qui se profile à l’horizon pourrait bien se révéler catastrophique pour ce pays. Il pourrait l’amener à rompre avec sa légendaire tranquillité.
Le scenario cauchemardesque
Le fait de ne pas organiser les élections législatives, est une source d’instabilité politique, car l’Assemblée nationale se retrouvera dans l’illégitimité. Le mandat des députés n’étant pas renouvelé, la conséquence immédiate, c’est que le Bénin se retrouve dans un vide juridique, car l’Assemblée nationale ne fonctionnera pas.
Situation dont rêve Yayi Boni pour prendre des mesures exceptionnelles, une mauvaise exploitation de sa part de l’article 68 de la Constitution du 11 décembre 1990. Il prendra une ordonnance pour donner des orientations. Yayi Boni cherchera à faire aux députés, ce qu’il a donné aux maires, aujourd’hui dans l’illégalité. Mais avant de réussir ce pari, il doit toucher la Constitution.
Et l’on craint que dans cette optique, Yayi Boni réussisse à se frayer un passage pour élargir le champ de la révision aux articles 42 et 44 de la loi fondamentale.
Tout est alors calé pour sauter le verrou de la limitation de mandats et d’âge. C’est à partir de là que les forces politiques se réveilleront de leur sommeil. Elles appelleront à des manifestations massives pour affronter le chef de l’Etat. Les partisans de Yayi Boni chercheront, à leur tour, à répondre par des marches avec ce que cela comporte comme risque d’affrontement entre les camps opposés.
Le président va faire venir ses gens pour affronter les autres, les forces de l’ordre interviendront pour tenter de calmer la tension, mais c’est pour mater les opposants au troisième mandat de Yayi Boni. Il a le soutien d’une soixantaine de maires, prêts à se coucher au sol pour qu’il les écrase. Le chef de l’Etat a toujours reçu l’approbation des maires de la mouvance présidentielle quelque soit ce que cela leur coûte du point de vue dignité.
Même dans les délires du roi du Palais de la Marina, ils applaudissent et chantent sa gloire. Ces élus constituent les premiers soutiens de Yayi Boni et, tant que les élections locales resteront dans l’impasse, ils fileront toujours le parfait amour.
En cas de mobilisation pour cautionner telle ou telle forfaiture, rien ne les empêchera de se mettre dans la rue aux côtés de leurs administrés. C’est un militantisme aveugle et naïf qu’il faut décourager parce qu’il constitue un mauvais présage pour la démocratie béninoise.
Pas loin des maires, quand on s’arrête pour regarder ce qui se passe dans les chefferies traditionnelles, où le pouvoir de l’argent domine le trône, divise, et corrompt, les dérives du chef de l’Etat sont considérées comme une œuvre salvatrice. Les rois se déplacent avec leur trône au Palais de la présidence dans l’espoir de chanter les louanges du maître des lieux. En échange de leur allégeance, ils sont bien entretenus et retournent dans leurs palais, le visage rayonnant.
Comment voulez-vous que les rois mouillés jusqu’à la barbe ne se comportent pas comme des serviteurs du roi du Palais de la Marina. Celui-ci a surtout marqué des points auprès des gardiens de nos temples et attend que ceux-ci lui manifestent leur gratitude. Au-delà de ces atouts dont dispose le chef de l’Etat pour forcer la révision de la Constitution par un référendum, personne ne doute de ses soutiens au sein des institutions de la République. Il va organiser son « putsch » et la Cour constitutionnelle aura l’indulgence de le déclarer conforme à la Constitution.
Il y a déjà eu des exemples concrets : le chaos de 2011 qui reste triste souvenir dans la tête des Béninois. De même, les manifestations pacifiques tendant à réclamer le respect des libertés fondamentales et démocratiques, ou organisées pour dénoncer les dérives du pouvoir seront réprimées dans le sang par les forces de l’ordre, la Cour constitutionnelle se chargera de les encourager.
C’est ce qu’elle a montré dans sa décision Dcc 14-173 au sujet de l’usage de la force par la Police sur des travailleurs le 27 décembre 2013 à la bourse du travail.
Quant à la Haute autorité de l’audiovisuel et de la Communication (Haac), avec son président aux ordres du chef de l’Etat, elle est chargée de pratiquer une stricte censure des médias. L’heure est grave. En attendant, le président de la République soutient toujours qu’il a l’intention d’organiser toutes les élections.