On connaissait la commune de Banikoara comme premier producteur de coton au Bénin. Pendant des années, aucune commune du bassin cotonnier du Nord-Bénin ne lui a ravi la vedette dans la production de l’or blanc.
Aujourd’hui, en dehors de cette culture de rente, une autre activité semble occuper considérablement les populations. Il s’agit de la commercialisation de l’essence de contrebande communément appelée « essence Kpayo ».
Dès l’entrée de la ville, tout visiteur est frappé par des bidons jaunes et des bouteilles soigneusement alignés le long de la voie. Derrière ces étalages qui peuvent se compter par centaine se trouvent des femmes et des hommes prêts à servir tout premier venu.
« Nous n’avons pas le choix. Le Kpayo s’impose à nous. Plus aucune activité ne marche et c’est pourquoi vous avez constaté que beaucoup d’entre nous s’investissent dans ce secteur qui nous permet de nourrir notre famille », a confié avec un air très sérieux Bani, un des nombreux pompistes du secteur informel de distribution des produits pétroliers rencontré à l’entrée de la ville de Banikoara.
A 50 mètres de ce point de vente se trouve l’étage de Raoul fait d’environ 50 bidons de 25 litres et de plusieurs bouteilles d’essence Kpayo. Ce n’est pas encore la grande affluence. Mais Raoul ne désespère pas. Il compte liquider avant le soir 300 litres d’essence de contrebande vendue entre 450 et 475 F Cfa le litre. Pour lui, l’arrivée du Kpayo à Banikoara est une bonne chose car elle règle les pénuries auxquelles la ville était confrontée par manque de stations-services.
A Banikoara en effet, les stations-services peuvent être comptées au bout des doigts et elles sont plus portées vers la distribution du gas-oil très demandé par les camions gros-porteurs. « Ici, c’est le gas-oil qui marche. Si tu approvisionne ta station en essence, tu feras des pertes sèches », a confié un pompiste qui a préféré gardé l’anonymat. « L’essence Kpayo nous livre une concurrence farouche. Nous préférons vendre du gas-oil », a confié un autre.
Pas de répression
Contrairement au sud-Bénin où la répression contre l’essence de contrebande a déjà fait des dégâts énormes avec à la clé des pertes en vie humaine, le Kpayo est librement vendu au Nord et plus particulièrement à Banikoara. Aucun vendeur n’est inquiété. Et à en croire certaines indiscrétions, la répression contre l’essence Kpayo n’est pas envisageable à Banikoara. « Celui qui tente de nous réprimer brûlera », menacent déjà certains vendeurs qui pensent qu’il faut que le Gouvernement murisse profondément sa décision avant de lancer contre eux une quelconque action répressive.
En roue libre
En l’absence de toute répression, c’est donc en roue libre que les populations de Banikoara commercialisent l’essence Kpayo. Selon les renseignements que nous avons eus, la plus grande partie de ce produit de contrebande vient du Nigéria par Ségbana en transitant par Kandi où il se commercialise aussi en roue libre. Tout ceci malheureusement au nez et à la barbe de policiers, de gendarmes et même des douaniers.
De Banikoara, Affissou Anonrin