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Fraternité N° 3699 du 24/9/2014

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Proposition de loi sur l’interdiction du droit de grève aux magistrats/ La Cour constitutionnelle tranche : Nago a violé le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale
Publié le jeudi 25 septembre 2014   |  Fraternité


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Installation des Membres de la Commission Electorale Nationale Autonome
Mercredi 02 Juillet 2014, Cour Constitutionnelle, Cotonou : les membres de la Commission Electorale Nationale Autonome prêtent serment devant les membres de la Cour Constitutionnelle Photo: Les membres de la Cour Constitutionnelle


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La Cour constitutionnelle saisie d’une requête du 11 août 2014 par laquelle l’honorable Valère Tchobo forme un recours en inconstitutionnalité contre la procédure suivie par le président de l’Assemblée nationale, Mathurin Nago pour l’examen de la proposition de loi portant modification de l’article 18 de la Loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin a tranché. Dans la décision Dcc 14-179 en date du 22 septembre, les sept sages tenant également compte des recours de la même nature formulés par les honorables Emile Tossou et Bida Yessoufou ont indiqué que le Président de l’Assemblée nationale a violé l’article 42 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Ceci au motif qu’il s’est attribué le pouvoir délibérant de l’Assemblée plénière en décidant à sa place. En plus clair, pour la Cour constitutionnelle, le président Nago n’ayant pas soumis les questions au vote comme l’y invite l’article 42 sus-cité du Règlement intérieur de l’institution ne saurait conclure que la proposition de loi n’a pas abouti. Et pour conclure, la Cour constitutionnelle a notifié au président Nago que le défaut de consensus sur une question en débat ne saurait être assimilé à un rejet de la question qu’après un vote par la plénière.
(Lire ci-dessous l’intégralité de la décision Dcc 14-179 du 22 septembre 2014)

DECISION DCC 14-179
DU 22 SEPTEMBRE 2014
La Cour Constitutionnelle,

Saisie d’une requête du 11 août 2014 enregistrée à son Secrétariat à la même date sous le numéro 1481/106/REC, par laquelle Monsieur Valère TCHOBO, député à l’Assemblée nationale, forme un recours en inconstitutionnalité de la procédure suivie pour l’examen de la proposition de loi portant modification de l’article 18 de la Loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin ;

Saisie en outre de deux requêtes des 06 et 08 août 2014 enregistrées à son Secrétariat sous les numéros 1482/107/REC et 1483/108/REC, par lesquelles Messieurs Emile TOSSOU et Bida YESSOUFOU, députés à l’Assemblée nationale, forment un recours en violation des dispositions de la Constitution et du règlement intérieur de l’Assemblée nationale relativement à la procédure suivie pour l’examen de la proposition de loi portant modification de l’article 18 de la Loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin ;

VU la Constitution du 11 décembre 1990 ;

VU la Loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour Constitutionnelle modifiée par la Loi du 31 mai 2001 ;

VU le Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle ;

Ensemble les pièces du dossier ;

Ouï Monsieur Simplice C. DATO en son rapport ;

Après en avoir délibéré,
CONTENU DES RECOURS

Considérant que le requérant Valère TCHOBO expose : « …Nous avons l’honneur de déférer devant la haute Juridiction :
- la violation par la Présidente de la Commission des lois de la procédure législative ;
- la violation par le Président de l’Assemblée nationale des
articles 87.3, 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur de l’Assemblée
nationale et … 103 et 105 de la Constitution.
L’article 105 alinéa 1 de la Constitution dispose : "L’initiative des lois appartient concurremment au Président de la République et aux membres de l’Assemblée nationale ".
Sur ce fondement, 45 députés ont déposé sur le bureau de
l’Assemblée nationale, une proposition de loi portant modification de l’article 18 de la Loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin.
Cette proposition de loi accompagnée d’un exposé des motifs est ainsi libellée : "Titre : Proposition de loi n°... portant modification de l’article 18 de la Loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature.
Article 18 : Les fonctions judiciaires sont incompatibles avec tout mandat électoral politique. Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. Les magistrats sont inéligibles aux assemblées politiques.
Les magistrats, même en position de détachement, n’ont pas le droit d’adhérer à un parti politique. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions.
Les magistrats ne peuvent se constituer en syndicat, ni exercer le droit de grève. Il leur est interdit d’entreprendre toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer.
Tout manquement par un magistrat aux dispositions du présent article est sanctionné par une mise à la retraite d’office".

Les auteurs de la proposition ont accompagné leur initiative d’une demande d’étude en procédure d’urgence conformément aux dispositions des articles 78 et 79 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Le 19 juin 2014, le Président de l’Assemblée nationale a saisi la Commission des lois quant au fond et la Commission de l’éducation pour avis de cette proposition de loi.
Au mépris des exigences indiquées en matière de procédure
d’urgence, la Commission des lois n’a été convoquée que les 7, 10 et 11 juillet 2014.
Au cours de ces réunions, la Commission des lois a eu à connaître de deux amendements à la proposition de loi soumise à son étude.
Le premier amendement à la proposition de loi fait par le député Eric HOUNDETE n’est rien d’autre qu’une reprise exacte de l’article 18 de la loi en vigueur sur le statut des magistrats. Il est ainsi libellé : "Titre : Loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature.
Article 18 : Comme citoyens, les magistrats jouissent de la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion. Ils sont libres de se constituer en association ou en toute autre organisation ou de s’y affilier pour défendre leurs intérêts, promouvoir leur formation professionnelle et protéger l’indépendance de la magistrature.
Toutefois, dans l’exercice de leurs droits, les magistrats doivent se conduire de manière à préserver la dignité de leur charge et à sauvegarder l’impartialité et l’indépendance de la magistrature ".

Le second amendement à la proposition de loi déposé en commission par le député Lafia SACCA est ainsi libellé :"Nouveau titre : Proposition de loi modifiant et complétant la Loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature.
Article 18 : Comme citoyens, les magistrats jouissent de la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion. Ils sont libres de se constituer en association pour promouvoir leur formation professionnelle et protéger l’indépendance de la magistrature.
Toutefois, les fonctions judiciaires sont incompatibles avec tout mandat électoral politique.
Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. Les magistrats sont inéligibles aux assemblées politiques.
Les magistrats, même en position de détachement, n’ont pas le droit d’adhérer à un parti politique. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions.
Les magistrats ne peuvent se constituer en syndicat, ni exercer le droit de grève. Il leur est interdit d’entreprendre toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer.
Tout manquement par un magistrat aux dispositions du présent article est sanctionné par une mise à la retraite d’office ". » ; qu’il poursuit : « La Commission a adopté le premier amendement, c’est-à-dire, celui devant conduire à adopter un texte déjà en vigueur et rejeté le second visant à modifier le texte en vigueur.
Ayant constaté que le délai de 30 jours demandé par la Présidente de la Commission pour étudier la proposition de loi dépassait la fin de la première session ordinaire de l’année, 43 autres députés ont demandé la convocation d’une session extraordinaire pour étudier le dossier.
L’ordre du jour de cette session en son point 1 est ainsi libellé :
1- "Examen de la proposition de loi portant modification de
l’article 18 de la Loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin ".
A l’ouverture de la session extraordinaire, le mardi 29 juillet 2014 et après la présentation du rapport sur la proposition de loi ainsi que des débats, la Présidente de la Commission des lois, se référant à l’article 75-1 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, annonce au nom de la Commission, le retrait du rapport soumis à l’appréciation de la plénière afin de l’améliorer.
La séance fut donc suspendue le 29 juillet 2014 à 22 h 39 mn.
A la reprise, le mercredi 30 juillet à 01 h 37 mn, la Présidente de la Commission informe la plénière que la suspension a permis à la Commission de rédiger un rapport verbal qu’elle invite le rapporteur à présenter.
Le rapport indique en substance que la majorité des députés de la Commission a décidé du retrait du rapport et de la constitution d’une commission d’information temporaire de 7 jours ouvrés pour approfondir la question afin de proposer à la plénière un texte de loi "conforme à l’arsenal juridique en vigueur".
Après débats, le rapport verbal de la Commission a été rejeté par un vote de la plénière, 39 voix pour le rejet et 34 contre.
A cette étape, le Président de l’Assemblée fait savoir à la plénière que la base de discussion est désormais le texte de la proposition de loi.
Une suspension de 30 mn est observée pour permettre à la
Commission d’étudier les amendements à la proposition de loi.
A la reprise, la Présidente de la Commission annonce que le seul amendement déposé par le député CHABI SIKA a été rejeté par la Commission par 8 voix contre 3.
Ledit amendement était ainsi libellé :
"Article 18 nouveau :
Comme citoyens, les magistrats jouissent de la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion. Ils sont libres de se constituer en association pour promouvoir leur formation professionnelle et protéger l’indépendance de la magistrature. Toute manifestation d’hostilité aux principes ou à la forme du gouvernement de la République, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur impose leur fonction est interdite. Les magistrats ne peuvent exercer le droit de grève. Il leur est interdit d’entreprendre toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer. Tout manquement par un magistrat aux dispositions du présent article est passible de l’une des sanctions du deuxième degré prévu à l’article 58 de la Loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin.
Article 2 : La présente loi qui abroge toute disposition contraire sera exécutée comme loi de l’Etat".
C’est alors que le député DEBOUROU dépose en plénière un autre amendement tendant à modifier le titre de la proposition de loi. Ledit amendement est libellé comme suit : "Loi n° 2014 ... modifiant et complétant les dispositions de l’article 18 de la Loi 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin". Soumis au vote, l’amendement est adopté par 46 voix pour, 02 contre et 30 abstentions. Dès lors, le député CHABI SIKA soumet à la plénière son amendement portant sur le contenu de la proposition de loi. La Présidente de la Commission des lois déclare l’amendement irrecevable au motif que cet amendement avait déjà été rejeté par la Commission. Certains députés soutiennent l’amendement tandis que d’autres se prononcent contre. C’est dans ces conditions que profitant d’un vacarme, le Président de l’Assemblée suspend la séance ce mercredi 30 juillet 2014 à 07 h 02 mn. Les travaux en plénière n’ont été repris que le lundi 04 août 2014 à 16 h 55 mn.
A cette occasion, le Président de l’Assemblée annonce à la plénière que la Conférence des présidents suggère la constitution d’un groupe de travail composé des deux tendances et des représentants des deux commissions saisies au fond et pour avis. Ledit groupe devait rendre compte à la plénière, le mardi 5 août.
Le rapport dudit groupe conclut à l’échec de la tentative de
rapprochement, chaque camp étant resté figé sur sa position. C’est ce rapport qui a été soumis à la Commission pour lui permettre de faire un rapport à la plénière. La Commission en arrive à la même conclusion. Des interventions indiquent qu’à défaut de consensus, les deux positions doivent être soumises au vote pour permettre à la plénière de trancher. C’est alors que le Président de l’Assemblée déclare : "La proposition de loi a été déposée certes par une majorité de députés, mais au regard de la loi et en appliquant nos dispositions légales, le dossier n’a pas pu prospérer. C’est la conclusion à laquelle nous sommes parvenus. Par conséquent, nous sommes obligés de considérer que le dossier que nous avons commencé à traiter jusque-là n’a pas abouti... Au niveau de l’Assemblée nationale, je constate que nous ne sommes pas arrivés à trouver une solution. Il y a probablement des institutions qui peuvent nous aider à trancher la question. Il revient aux uns et aux autres de tirer les conclusions et de prendre les initiatives afférentes".
C’est dans ces conditions que le Président de l’Assemblée nationale a levé la séance » ;

Considérant qu’il affirme : « Ces faits explicitement exposés révèlent la violation flagrante du droit d’initiative et d’amendement du député garanti respectivement par les articles 105 et 103 de la Constitution ainsi qu’un abus de pouvoir du Président de l’Assemblée nationale au regard de l’article 42 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
I) La violation du droit d’initiative du député
Selon le dictionnaire constitutionnel (ouvrage collectif, édition PUF, 1992, p. 510), l’initiative législative est le droit de soumettre soit au parlement, soit au référendum un texte qui, s’il est adopté, deviendra loi.
La mise en œuvre du pouvoir de proposition des lois est traduite dans la Constitution béninoise de 1990 par l’article 105 qui dispose que l’initiative des lois appartient aux députés.
Sur ce fondement, une proposition de loi déclarée recevable par le Président de l’Assemblée nationale est affectée à la Commission des lois pour examen conformément à l’article 29 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Il revenait à la Commission d’étudier ladite proposition de loi et de faire un rapport.
Il est évident que la proposition de loi affectée à la Commission a été initiée pour modifier, compléter ou abroger l’article 18 actuellement en vigueur.
Or, l’adoption éventuelle par l’Assemblée nationale de l’amendement proposé par le député Eric HOUNDETE à la proposition de loi aurait eu pour conséquence de remettre en cause le droit d’initiative puisque c’est le texte en vigueur qui serait adopté sous prétexte de modification ou d’amendement.
Le Parlement aurait donc légiféré pour rien puisqu’il s’agit d’un faux amendement. L’adoption d’un texte déjà en vigueur est en effet un détournement du droit d’initiative qui procèderait d’une non-législation ou d’une législation inutile. Ce type d’amendement a pour fonction, objectif et vocation de vider le droit d’initiative de son contenu. Le fait pour la Commission des lois de recevoir et d’adopter comme amendement à la proposition de loi un texte qui n’est rien d’autre que l’article 18 de la loi actuellement en vigueur revient à annihiler le droit d’initiative et par conséquent à violer l’article 105 de la Constitution.

Il) La violation du droit d’amendement du député

Selon le dictionnaire constitutionnel (ouvrage collectif, édition PUF, 1992, p. 29), l’amendement est une proposition de modification d’un texte à la délibération du parlement.
Le droit d’amendement est le corollaire du droit général d’initiative, selon l’expression d’Eugène Pierre et reprise par le Conseil constitutionnel français. Il est inhérent et consubstantiel à la fonction législative du député.
Conformément au droit parlementaire béninois, le pouvoir d’amendement du député peut s’exercer dans les conditions ordinaires ou d’urgence.
Dans le cas d’espèce, l’urgence a été requise par les députés
signataires de la proposition de loi.
Malgré la demande d’examen en procédure d’urgence, la proposition n’a été étudiée en session extraordinaire que 37 jours plus tard.
La Présidente de la Commission a fait montre d’un dilatoire contraire à l’article 35 de la Constitution.
Finalement, l’amendement déposé par le député CHABI SIKA a été rejeté par la Commission des lois.
En plénière, le même député dépose le même amendement rejeté auparavant par la Commission. C’est alors que la Présidente de la Commission des lois déclare l’amendement irrecevable sur le fondement de l’article 83.3 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui dispose : "Elle (la Commission) examine les amendements postérieurs pour déterminer si elle en acceptera la discussion en séance".
Il y a lieu de préciser que cette disposition est relative à la discussion en commission et non à la plénière.
En effet, le paragraphe 2 consacré à la discussion ordinaire est divisé en trois parties : le point A qui concerne la discussion en commission comporte les articles 80 à 83, le Point B relatif à l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée comporte l’article 84, le point C relatif à la discussion en plénière comporte les articles 85 et suivants.
L’article 83.3 est à l’évidence logé dans les dispositions relatives à la discussion en commission. Le fait de l’invoquer pour s’opposer à l’examen en plénière relève d’un détournement de procédure et de pouvoir.
A fortiori, l’article 87.2 inséré dans les discussions particulières indique qu’"après l’ouverture du débat (donc en plénière), la Commission saisie au fond peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui ne lui a pas été antérieurement soumis ...". Or, dans le cas d’espèce, cet amendement déclaré irrecevable a bel et bien été soumis à la Commission qui l’a rejeté.
Dès lors, l’on ne peut se prévaloir d’aucune disposition du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ni de la Constitution pour empêcher la plénière de connaître d’un amendement rejeté par la Commission.
La position soutenue par la Présidente de la Commission et le Président de l’Assemblée nationale est d’autant plus incohérente que l’amendement du député DEBOUROU modifiant et complétant le titre du texte soumis et adopté par la plénière n’avait jamais été soumis ni étudié en commission.
Le paradoxe est le suivant : un texte non étudié en commission peut être adopté en plénière alors qu’un texte étudié en commission est déclaré irrecevable en plénière pour avoir été étudié et rejeté en commission.
En l’espèce, et à l’évidence, l’irrecevabilité décrétée par la
Présidente de la Commission fondée sur l’article 83.3 et soutenue par le Président de l’Assemblée nationale qui estime que cette
disposition s’applique à la plénière, revient à rendre la Commission des lois souveraine et supérieure à la plénière.
Cette interprétation et l’irrecevabilité qui s’en est suivie doivent être déclarées contraires à la Constitution.

III) L’abus du pouvoir du Président de l’Assemblée nationale

Le but poursuivi par la constitution du groupe de travail était d’accélérer ou de faciliter la procédure législative qui devait se solder par un vote en faveur ou en défaveur du texte soumis à la plénière.
Mais contre toute attente, constatant l’échec du groupe de travail, le Président de l’Assemblée nationale conclut : "Il ne s’agit pas d’un débat. Le débat qui doit être fait est fait ".
Sur ce, il lève la séance, sans avoir soumis au vote les deux positions en présence.
Cela revient à indiquer clairement que la plénière n’est pas
compétente pour trancher lorsqu’il y a deux positions contradictoires. Or, l’article 42 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale confère au Président de l’Assemblée nationale le pouvoir de "mettre les questions aux voix". Ne l’ayant pas fait avant de clôturer le dossier et de lever la séance, le Président de l’Assemblée nationale a manifestement violé l’article 42 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale alors qu’il est chargé par le même article d’assurer le respect dudit Règlement.
Il s’agit là d’une utilisation abusive ou à tout le moins détournée des prérogatives de direction de l’Assemblée nationale et partant de la violation par le Président de l’Assemblée nationale des articles 96 et 97 de la Constitution » ; qu’il conclut : « Au regard de tout ce qui précède, je vous prie …de constater la violation des articles 96, 97, 103 et 105 de la Constitution d’une part et des articles 29, 42, 79, 83, 87 et 88 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, d’ordonner la mise aux voix des questions conformément à l’article 42 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale… » ;

Considérant que pour sa part, Monsieur Emile TOSSOU fait état des mêmes faits et soumet « à la censure de la haute Juridiction :
- la violation par la Présidente de la Commission des lois des articles 35 de la Constitution et 79 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ;
- la violation par la Commission des lois des articles 35 et 105 de la Constitution ;
- la violation par le Président de l’Assemblée nationale des articles 87.3, 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale et …103 de la Constitution » ; qu’il ajoute : « Outre les violations dénoncées ci-dessus, nous soutenons que nulle part, il n’est dit dans le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Bénin que ce sont les conclusions du rapport de la commission des lois qui s’imposent à l’Assemblée nationale siégeant en plénière comme organe délibérant. Une commission permanente, n’est qu’un organe technique de l’Assemblée nationale qui a vocation à apporter son éclairage sur la question à soumettre aux débats
Le pouvoir délibérant de l’Assemblée nationale est consacré par l’article 58 du Règlement intérieur ainsi que l’exprime son alinéa 4 en ses termes : "L’Assemblée nationale a adopté..." ou " l’Assemblée nationale n’a pas adopté ...".
Nulle part également, dans le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, il n’est dit qu’en cas de désaccord entre les députés à l’Assemblée nationale au sujet du rapport d’une commission, il faut suspendre les travaux parce qu’aucune décision ne peut être prise dans ce cas par la plénière ; de même, ne figure nulle part dans la Constitution du Bénin tout comme dans le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, que le vote d’un projet ou d’une proposition de loi doit se faire par consensus et que faute de ce consensus, l’institution parlementaire ne peut délibérer sur le projet de loi ou la proposition de loi querellée.
Or, la démarche actuelle suivie par le Président de l’Assemblée nationale, la Présidente de la Commission des lois et les députés opposants à la proposition de loi querellée tend à cette fin.
Nous soutenons qu’une telle démarche est contraire au droit
parlementaire. La structure de la procédure législative dans le
système français qui est également celle de l’Assemblée nationale
du Bénin se présente comme suit : "une phase préparatoire qui appartient aux commissions et une phase de discussion et de décision, qui se déroule exclusivement en séance plénière dans les Assemblées …" (Cf. Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, Droit Parlementaire, 4ème édition, Monchrestien, p.178).
Moi, député signataire du présent recours, soutiens que la séance plénière est bien le seul organe de décision de l’Assemblée
nationale du Bénin ; nous soutenons à bon droit que la démarche
du Président de l’Assemblée nationale tend à priver la plénière de
notre Assemblée nationale de cette prérogative constitutionnelle en limitant les droits des autres membres de notre Assemblée nationale signataires de la proposition de loi querellée. Une telle démarche viole les droits d’initiative et d’amendement prévus par les articles 103 et 105 de la Constitution du Bénin et a été dénoncée comme telle par la Cour constitutionnelle dans sa décision DCC-046 du 28 décembre 1995 en ces termes : "Considérant que l’Assemblée nationale peut, en toute liberté, prendre toutes mesures et décisions d’ordre intérieur ayant trait à son fonctionnement ; que les seules limites à l’exercice de ce pouvoir sont le respect de la Constitution et la garantie des droits de tout membre de l’Assemblée nationale " » ;

Considérant qu’il affirme : « Il résulte suffisamment de cette motivation qu’en agissant ainsi qu’ils le font, le Président de l’Assemblée nationale, la Présidente de la Commission des lois ne font que porter atteinte aux droits des signataires de la proposition de loi querellée en leur qualité de député. Cette atteinte viole la Constitution. Le Président de l’Assemblée nationale et la Présidente de la Commission des lois ne peuvent substituer leur "règlement intérieur" au Règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Bénin et à la Constitution du Bénin.
Nous soutenons aussi que les suspensions successives ordonnées par le Président de l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen de la proposition de loi querellée ont perturbé le fonctionnement régulier de l’Assemblée nationale et ont constitué un obstacle au vote de ladite proposition de loi. Il revient à la Cour constitutionnelle, conformément à l’article 114 de la Constitution, de faire cesser ce dysfonctionnement malicieusement entretenu par la Présidente de la Commission des lois et le Président de l’Assemblée nationale.
Dès lors que la proposition de loi a été examinée par la Commission des lois, quelle que soit la conclusion de ladite commission, rien ne peut, a posteriori, empêcher la plénière d’exercer sa prérogative en amorçant les débats et en s’exprimant par le vote individuel de chacun de ses membres ; le fait pour le Président de l’Assemblée nationale et la Présidente de la Commission des lois d’interférer en tout temps dans les prérogatives de la plénière en suscitant des obstacles de tout genre, alors qu’ils ont pour obligation de faire poursuivre les débats jusqu’à l’exercice complet du droit de vote par les députés siégeant en plénière, constitue une entrave au bon fonctionnement de l’institution parlementaire ; la Cour constitutionnelle par ses décisions DCC 03-77 du 7 mai 2003 et DCC 03-78 du 12 mai 2003 a eu à affirmer sa compétence à faire respecter par le Président de l’Assemblée nationale le fonctionnement régulier de l’Assemblée siégeant en plénière en lui rappelant ses pouvoirs qu’il ne saurait outrepasser » ; qu’il conclut : « De tout ce qui précède, je vous prie de constater les multiples violations qui vous sont dénoncées dans le présent recours et d’instruire le Président de l’Assemblée nationale de faire poursuivre le vote en plénière de la proposition de loi portant modification de l’article 18 de la Loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la Magistrature en République du Bénin » ;

Considérant que Monsieur Bida YESSOUFOU quant à lui, après un exposé des mêmes faits fait observer : « … Selon le Président de l’Assemblée nationale, son institution est bloquée, se trouve dans l’impossibilité d’accomplir l’une de ses deux missions fondamentales fixées par l’article 79 alinéa 2 de la Constitution qui dispose : "II exerce le pouvoir législatif et contrôle l’action du gouvernement".
Dans ce cas, il doit être fait recours à la haute Juridiction en vertu des dispositions de l’article 114 de la Constitution qui dispose : " La Cour constitutionnelle est la plus haute Juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. ....Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics".
Le problème qui se pose est donc pleinement de la compétence de la haute Juridiction » ; qu’il développe : « DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 103 DE LA CONSTITUTION
Aux termes de l’article 103 de la Constitution : " Les députés ont le droit d’amendement".
La brièveté de cet article ne lui ôte en rien sa nature, celle de la définition d’un droit constitutionnel. C’est en vertu de ce droit constitutionnel que le député Karimou CHABI SIKA a introduit un amendement tendant à modifier la proposition initiale de la loi, notamment l’article 18 nouveau… C’est d’ailleurs en vertu des mêmes dispositions que le député Djibril MAMA DEBOUROU a soumis son amendement en séance plénière relatif au titre de la loi. Ce dernier amendement a été adopté par 46 voix pour et 34 voix contre.
Dans ces conclusions plus haut citées, le Président de l’Assemblée nationale a répété à plusieurs reprises que la proposition de loi n’a pas pu prospérer, qu’elle n’a pas abouti. En réalité, il aurait pu dire qu’elle a subi la stratégie de l’obstruction parlementaire. La minorité a usé d’interprétations erronées des dispositions du Règlement intérieur d’une part, de positions stratégiques au sein des organes dirigeants de l’institution d’autre part, pour réussir à ne pas faire aboutir l’initiative de la proposition de loi. La stratégie de blocage de la loi a payé. Cette stratégie avait avec elle, tant la loi, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur les droits de grève que la pratique parlementaire. Cet exploit est réalisé grâce à l’usage simultané du perchoir et de la présidence de la Commission des lois.

2.1. De la structuration du titre III du règlement intérieur du parlement
Les procédures législatives sont définies par le titre III du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale…
Le chapitre 1 de ce titre définit la procédure législative ordinaire. Ce chapitre est subdivisé en trois sections, à savoir :
Section 1 : Initiative des lois
Section 2 : Discussion législative
Section 3 : Promulgation
C’est le deuxième paragraphe de la section 2 qui traite des questions en débat, à savoir, la procédure relative aux amendements. Ledit paragraphe est divisé en trois parties :
Partie A, composée des articles 80 à 83, pour la discussion en commission ;
Partie B, composée de l’article 84, pour l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée ;
Partie C, composée des articles 85 à 91, pour la discussion en séance plénière.
Alors que l’amendement à l’article 18 nouveau a été présenté à l’étape de la discussion des amendements en séance plénière et non en commission, la présidente de la commission des lois rejette à tort ledit amendement sur le fondement de l’alinéa 3 de l’article 83.
En effet, l’alinéa 3 de l’article 83 dispose : " … Elle examine les amendements postérieurs pour déterminer si elle en acceptera la discussion en séance.
Dans l’affirmative, elle délibère sur le fond conformément à l’alinéa précédent".
Pour fonder son refus, la Présidente de la Commission se réfère aux dispositions de l’article 83.3 du Règlement intérieur qui concerne les discussions en commission. Il est évident que ce refus est une violation de l’article 103 de la Constitution qui donne à tout député le droit d’amendement.
Selon la Présidente de la Commission des lois, la faculté d’accepter ou non la discussion en séance doit s’entendre en séance plénière.
L’article 83.3 est bien dans la partie A du paragraphe 2. Cette partie ne traite que de la discussion en commission et non en plénière.
A dessein, la Présidente de la Commission des lois ne veut pas agir sur le fondement des articles 87.2, 88.4 et 88.5 qui organisent les discussions particulières et les discussions des amendements. Pourtant, elle sait que l’amendement du député Karimou CHABI SIKA a été déposé à la phase de la discussion en séance plénière, avant même que le député Djibril MAMA DEBOUROU ait déposé son amendement. » ; qu’il ajoute : « 2.2. De la pratique parlementaire
Certains députés hostiles à la proposition de loi soutiennent, aussi à tort, qu’il est de la pratique constante de notre parlement, que les Présidents des Commissions usent de leur droit de véto pour déterminer en séance plénière, les amendements qu’ils voudraient soumettre à la plénière.
Il existe dans notre parlement des précédents qui confirment que la plénière peut passer outre le rejet d’un amendement par une Commission permanente saisie quant au fond. En passant en revue quelques comptes-rendus intégraux des débats parlementaires de notre auguste Assemblée dans la période 2011 à 2013, on note plusieurs cas d’application non constante des dispositions de l’article 83. J’ai retenu à titre d’exemples, les cas d’examen du rapport relatif au projet de loi portant code de procédure pénale en République du Bénin, puis l’examen relatif à la proposition de loi portant code électoral en
République du Bénin…. On rencontre aussi à profusion, divers exemples de situations d’amendements acceptés par la commission et repoussés par la plénière ou d’amendement repoussés par la commission ou le Président de la Commission et finalement acceptés par la plénière. Un autre exemple d’application contrastée de l’article 88, est le compte rendu intégral des discussions en séance plénière du vendredi 15 février 2013 lors de la poursuite de l’examen de la proposition de loi portant création, attributions, organisation et fonctionnement des unités administratives locales en République du Bénin.
Une limitation au principe constitutionnel du droit d’amendement ne peut être qu’explicite et figurer elle-même dans la Constitution ou à tout le moins dans le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. On ne saurait donc fonder une privation ou une limitation du droit constitutionnel d’amendement sur une pratique parlementaire inconstante et fluctuant au gré des intérêts politiques en jeu et des rapports de force en présence. Par cette tentative d’usage du droit de véto de la Présidente de la Commission des lois sur la …plénière, la Présidente de la Commission des lois viole l’article 103 de la Constitution et ses corollaires, notamment la mise en œuvre des articles 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

2.3. De la jurisprudence de la Cour constitutionnelle

Comme il a été plus haut mentionné, un groupe de travail relatif à la modification de la Loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature a été constitué. Une tendance majoritaire au sein de ce groupe de députés dont la Présidente de la Commission des lois, soutient à tort que l’article 31 de la Constitution fait du droit de grève un droit absolu. En effet, le rapport de ce groupe de travail …, dans sa page 1…, il est écrit en substance : "Selon cette proposition, l’article 31 de la Constitution ayant garanti le droit de grève, et autorisé le législateur à organiser l’exercice de ce droit, il convient de maintenir ce droit et de l’encadrer".
En d’autres termes, la Présidente de la Commission des lois feint de méconnaître l’autorité de la chose jugée attachée à la décision DCC 11-065 du 30 septembre 201l, en contestant subrepticement le caractère non absolu du droit de grève.
Dans un régime démocratique, c’est la majorité qui décide à la place de la minorité. L’opposition qu’organise la Présidente de la Commission des lois sur le fondement que le droit de grève est un droit absolu et que le législateur ne peut à travers sa majorité parlementaire interdire le droit de grève aux magistrats est une violation des alinéas 2 et 3 de l’article 124 de la Constitution aux termes desquelles : " les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.
Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles".

DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 105 DE LA
CONSTITUTION

Dans son rapport présenté par le député Grégoire AKOFODJI, …la Commission des lois a eu la malencontreuse idée de déni de droit d’initiative de loi conféré par l’article 105 alinéa 1er de la Constitution aux termes duquel : " L’initiative des lois appartient concurremment au Président de la République et aux membres de l’Assemblée nationale".
En effet, la seule prérogative qui est accordée aux Commissions permanentes, c’est d’étudier les affaires dont doit connaître l’Assemblée nationale en séance plénière, ceci en vertu des dispositions de l’article 29 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Cette prérogative est un corollaire de l’alinéa 3 de l’article 105 de la Constitution qui dispose : " Les projets et propositions de loi sont envoyés avant délibération en séance plénière, à la Commission compétente de l’Assemblée nationale pour examen".
Au lieu de s’en tenir à cette attribution, la Commission des lois décide par 06 voix pour et 02 voix contre de substituer à la proposition de loi qui lui a été affectée, le texte en vigueur et soumis à modification de l’article 18 de la Loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin. Elle a donc substitué à la proposition de loi qui lui a été affectée la loi en vigueur. La commission dénie de fait aux initiateurs de la proposition de loi, le droit d’initiative attaché à l’article 105 de la Constitution. En procédant comme elle l’a fait, la Commission a violé l’article 105 de la Constitution. » ;

Considérant qu’il fait observer : « VIOLATIONS DE L’ARTICLE 42 DU REGLEMENT INTERIEUR
Les pouvoirs que la loi donne au Président de l’Assemblée nationale sont fixés de façon limitative par l’article 42 du Règlement intérieur en ces termes : " Le Président de l’Assemblée nationale :
- dirige les débats ;
- donne la parole ;
- met les questions aux voix ;
- proclame les résultats des votes ;
- fait observer le Règlement intérieur et maintient l’ordre ;
- suspend ou lève à tout moment la séance ;
- indique, après avoir consulté l’Assemblée, la date et s’il y a lieu l’ordre du jour de la séance suivante ;
- arrête toute intervention soit de sa propre initiative ou soit sur une motion de procédure ou d’ordre soulevée par un membre de l’Assemblée nationale".
Le législateur n’a pas établi une règle élastique dont l’application par le Président est susceptible de modalités variables. Au lieu de s’en tenir à l’application stricte du Règlement intérieur, notamment de l’article 42, le Président de l’Assemblée nationale déclare :
" La proposition de loi qui a été déposée, certes par une majorité de députés, mais au regard de la loi et en appliquant nos dispositions légales, le dossier n’a pu prospérer. C’est la conclusion à laquelle nous sommes parvenus…. Par conséquent, nous sommes obligés de considérer que le dossier que nous avons commencé à traiter, jusque-là, n’a pas abouti. Je demande donc que ce dossier soit repris et que des dispositions soient prises pour éventuellement chercher d’autres solutions.
Au niveau de l’Assemblée nationale, je constate que nous ne sommes pas arrivés à trouver une solution. Il y a probablement des institutions au-dessus de l’Assemblée nationale qui peuvent nous aider à trancher la question. Donc, il revient aux uns et aux autres de tirer des conclusions et de prendre des initiatives à cet effet. Par conséquent, je vais devoir lever la séance pour que chacun prenne des initiatives à cet égard pour nous permettre d’avancer dans ce dossier. Il ne s’agit pas d’un débat. Le débat qu’on doit faire est fait. Et je considère que la proposition n’a pas prospéré"…
Pour notre part, le Président de l’Assemblée nationale est tenu par la règle de droit et quand il n’y a pas de solution pour un problème qui est posé, le Président de l’Assemblée nationale peut combler la lacune. Or, dans le cas précis, la solution existe. Elle est prévue par l’article 42 du Règlement intérieur qui demande au Président d’engager le débat et de mettre aux voix les deux propositions :
- soit celles contenues dans le rapport de la commission ;
- soit les deux propositions du groupe de travail.
Les dénégations de choix d’un camp contre un autre ne résistent pas aux faits. Aussi, l’exercice du pouvoir législatif ne saurait se réduire à la volonté du Président de l’Assemblée nationale de choisir à la place de la plénière et pour la plénière. De ce fait, il confisque la souveraineté de la plénière.
Il aurait dû soumettre aux voix les deux alternatives qui s’offraient. Il aurait ainsi respecté la souveraineté de la plénière.
Ayant manqué de le faire, il tombe sous le coup de la violation de l’article 42 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale » ; qu’il conclut : « Lors de l’examen de la loi des finances 2014, le Président de l’Assemblée nationale a déclaré en substance : "Nous sommes arrivés, malgré tous ces efforts, tous ces sacrifices, à un blocage, à une situation inédite parce que pour le vote des projets de loi de finances, le mode de votation utilisé était toujours à main levée.
C’est au nom d’une volonté d’apaisement, au nom d’une volonté de trouver une solution consensuelle que j’ai décidé de suspendre la séance comme les dispositions du Règlement intérieur m’en donnent le droit. Cela a été diversement interprété. Sachez tout simplement que ma seule motivation est de favoriser un terrain d’entente, le dialogue pour que nous pussions très bien terminer ce qu’on a commencé pendant deux mois.
... Nous avons eu 24 heures pour échanger entre nous, pour poursuivre les débats, pour tenter des rapprochements. Je m’attends que l’on puisse débloquer la situation et qu’on avance au prix d’une volonté de servir le peuple béninois.
Nous avons demandé aux deux groupes d’aller échanger entre eux et de revenir nous dire la solution consensuelle.
Je constate que l’objectif poursuivi en faisant la suspension n’est pas atteint... Je constate malheureusement que les deux groupes ne sont pas arrivés à un consensus.
Il est de la responsabilité du Président de l’Assemblée nationale de dire ce qu’il faut faire. Le Président de l’Assemblée nationale ne fuira pas ses responsabilités ....
Je constate qu’il y a deux requêtes :
1° - le scrutin secret ;
2°- la seconde qui souhaite un scrutin public ordinaire.
..... Par conséquent, la suggestion du Président c’est de faire en sorte que cette avancée soit acceptée et je demande que la plénière accepte le scrutin secret tel qu’il est proposé. L’essentiel c’est que chacun de nous puisse utiliser son bulletin dans l’intérêt de la Nation béninoise.
... Nous avons des textes, nous devons respecter les textes pour chercher le consensus. Si on ne trouve pas un consensus, c’est les textes qui parlent.
Si nous ne voulons pas que les dispositions soient appliquées, changeons-les.
Nous devons à présent procéder à l’adoption de ces parties".
Qu’est-ce qui explique que dans les circonstances actuelles la même décision de passer au vote ne puisse pas être appliquée ? Est-ce parce que la majorité a changé de camp ? Mystère ! Toujours est-il qu’il faut sortir de l’impasse et faire adopter ou rejeter la proposition de loi à la majorité simple en vertu des dispositions de l’article 97 de la Constitution.
A cet effet, qu’il plaise à la haute Juridiction de dire et juger :
- que le Président de l’Assemblée nationale a violé l’article 42 du Règlement intérieur ;
- que la Présidente de la Commission des lois a violé les articles 103 de la Constitution 87.2, 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ;
- que la Commission des lois a violé les articles 103 et 105 de la Constitution.
Il est de la jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle, que le consensus est un principe à valeur constitutionnelle. Toutefois, le défaut de consensus ne doit faire obstacle à l’application des principes démocratiques dans la conduite des affaires du Parlement. » ; qu’il conclut : « Par conséquent, il est demandé à la haute Juridiction d’appeler le Président de l’Assemblée nationale au respect du Règlement intérieur de son institution, en passant au vote par la plénière, de la deuxième proposition de la Commission des Lois, ou des deux propositions de principe du groupe de travail. Cela va de la crédibilité et du rétablissement du fonctionnement régulier de l’institution parlementaire » ;

INSTRUCTION DES RECOURS

Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction diligentée par la haute Juridiction, le Président de l’Assemblée nationale, le Professeur Mathurin Coffi NAGO, écrit : « …Vous m’avez transmis ensemble les divers recours des députés Valère TCHOBO, Emile TOSSOU et Bida YESSOUFOU sur l’inconstitutionnalité de la procédure suivie pour l’examen de la proposition de loi modifiant l’article 18 de la loi sur le statut de la magistrature.
Dans le cadre de l’instruction desdits recours, vous m’avez demandé de faire parvenir à la haute Juridiction, mes observations sur les faits invoqués dans les meilleurs délais possibles.
A ce sujet et considérant que les trois (03) recours portent sur le même objet et tendent aux mêmes fins, j’ai l’honneur de vous soumettre les observations ci-après :

I- LE RAPPEL DES FAITS

I-1.- Dépôt de la proposition de loi et saisine de la
commission compétente
Sur le fondement de l’alinéa 1er de l’article 105 de la Constitution, quarante-cinq (45) députés ont déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, une proposition de loi portant modification de l’article 18 de la Loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin…. A la séance du 17 juin 2014, elle a été affectée à la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’Homme quant à l’étude au fond et à la Commission de l’éducation, de la culture et des affaires sociales pour avis.
Certains auteurs de la proposition ont déposé dès le 20 juin 2014, une demande d’étude en procédure d’urgence conformément aux dispositions de l’article 78 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Interrogé sur le délai du dépôt du rapport, la Présidente de la Commission des lois a suggéré un délai d’un (01) mois pour déposer le rapport au motif, entre autres, qu’elle sera absente du territoire national et a suggéré en cas de nécessité, qu’une session extraordinaire soit convoquée.
Sans prendre en compte cette préoccupation de la Présidente de la commission des lois et après avoir échangé avec cette dernière avant son voyage, le Vice-président a pris à son niveau, la responsabilité de convoquer par des moyens propres, les membres de la Commission et les membres du Gouvernement. Comme l’illustre le rapport issu de leurs travaux, les membres se sont réunis les 7, 10 et 11 juillet 2014...
Ledit rapport a été soumis à l’examen de la séance plénière du 29 juillet 2014 après l’ouverture d’une session extraordinaire demandée par 43 députés et dont l’ordre du jour comportait ce point.

1.2 Déroulement des travaux en plénière

Les séances plénières consacrées à l’étude de cette proposition de loi ont donné lieu à l’examen de trois (03) rapports successifs de la Commission des lois.
a) Présentation du premier rapport et débat général
Comme indiqué ci-dessus, le rapport issu des travaux de la Commission des lois des 7, 10 et 11 juillet 2014 a été présenté en séance plénière du 19 juillet 2014. A la suite de cette présentation…, le député Kolawolé A. IDJI a fait une motion de procédure tendant à relever que le contenu du rapport ne reflète pas les conclusions issues des travaux de la Commission. En réponse, le député Grégoire AKOFODJI, rapporteur a rejeté lesdites affirmations en rappelant les différentes étapes qui ont conduit à l’élaboration du rapport. Sur ce, le député Kolawolé A. IDJI a par la suite sollicité une suspension de séance conformément aux dispositions de l’article 46 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Soumise au vote, ladite demande de suspension a été rejetée par quarante-deux (42) voix pour et vingt-cinq (25) voix contre.

Dans le débat général, les députés ont diversement apprécié l’initiative de cette proposition de loi. Certains ont regretté que le rapport ait conclu sur le fait que les commissaires n’ont pu s’accorder en commission sur les deux propositions d’amendement. La conséquence est que le texte proposé dans le rapport de la commission n’est qu’un tableau en trois (03) colonnes comportant : "le texte initial de la proposition de loi", "la proposition d’amendement n° 1" et " la proposition d’amendement n° 2".
Ayant jugé le rapport mal présenté et conformément aux dispositions de l’article 75.1 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la Présidente de la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’Homme a, au nom de la Commission, demandé le retrait du rapport soumis à l’appréciation de la plénière aux fins de l’améliorer.
Les débats qui ont suivi plusieurs heures durant cette demande de retrait du rapport ont mis en évidence, deux positions contradictoires. Pour certains, la Présidente de la Commission n’ayant pas signé le rapport, elle ne saurait se prévaloir d’en être l’auteur et demander son retrait sur la base des dispositions sus-évoquées. Pour d’autres, le rapport est fait au nom de la Commission que la Présidente représente valablement. De même, la pratique parlementaire, plusieurs fois utilisée, permet aux Présidents des Commissions permanentes, de demander le retrait du rapport au nom de la Commission. C’est dans ce contexte que j’ai suggéré à la plénière qui l’a accepté, une suspension pour permettre à la Commission de revoir son rapport. Sur ce, la séance a été suspendue à vingt-deux heures trente-neuf minutes (22 h 39 mn). A la reprise, le mercredi 30 juillet 2014 à une heure trente-sept minutes (01 h 37 mn), j’ai invité la Présidente de la Commission et son rapporteur à reprendre leur place pour la présentation du rapport issu des travaux de la Commission pendant la suspension.
b) Présentation du second rapport verbal et débats sur les amendements
Prenant la parole, la Présidente de la Commission a fait savoir que la suspension observée a permis de rédiger un rapport verbal de consensus. A cet effet, le Président de séance a invité le rapporteur à présenter ledit rapport…
De cette présentation, il ressort que la majorité absolue des députés de la Commission ont décidé du retrait du rapport et de la mise sur pied d’une mission d’information temporaire de sept (07) jours ouvrés pour approfondir la question afin de proposer à la plénière un texte de loi conforme aux dispositions de
l’arsenal juridique en vigueur. Les députés ont, dans leur intervention, diversement apprécié le rapport et surtout les propositions suggérées par la commission. Certains ont souhaité que lesdites propositions soient soumises au vote de la plénière. Après la synthèse du Président de séance, les propositions contenues dans le rapport verbal ont été soumises au vote de la plénière qui les a rejetées par trente-neuf (39) voix contre trente-quatre (34).
J’ai, au regard du vote émis par la plénière et tenant compte des premières conclusions de la Commission, fait savoir que la base de la discussion particulière devient le texte de l’amendement n°1 adopté après le vote par la Commission. Cette conclusion a été approuvée par la plénière.
Pour permettre à la Commission d’étudier les amendements déposés, j’ai fait observer une suspension de séance.
A la reprise, le rapporteur de la Commission a fait le point de la discussion des amendements reçus, notamment celui relatif à l’article 18 nouveau du texte de la Commission. Il a précisé qu’il a été rejeté par la majorité des membres de la Commission présents, soit huit (08) voix contre trois (03) voix.
Certains députés ont demandé la parole pour faire observer que conformément aux dispositions de l’article 88 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la plénière a le droit d’examiner les amendements même ceux ayant fait l’objet d’étude en commission. D’autres ont estimé le contraire en se fondant sur les dispositions de l’article 83.3 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. A la suite de la synthèse des interventions, le Président de séance a soumis à la plénière le texte amendé représentant le nouveau titre de la proposition de loi, après l’avis favorable de la Commission sur l’amendement proposé. Ce nouveau titre est : "Loi n°2014-...modifiant et complétant les dispositions de la Loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin". Soumis au vote, ce texte amendé a été adopté par quarante-six (46) voix pour, deux (02) contre et zéro (00) abstention.
Abordant le deuxième amendement au texte de la proposition de loi relatif à l’article premier intitulé : "L’Assemblée nationale a délibéré et adopté en sa séance du 30 juillet 2014, la loi dont la teneur suit :
Article 18 nouveau : Comme citoyens, les magistrats jouissent de la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion. Ils sont libres de se constituer en association pour promouvoir leur formation professionnelle et protéger l’indépendance de la magistrature.
Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du Gouvernement de la République, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions est interdite.
Les magistrats ne peuvent exercer le droit de grève. Il leur est interdit d’entreprendre toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer.
Tout manquement par un magistrat aux dispositions du présent article est passible de l’une des sanctions du deuxième degré prévues à l’article 58 de la Loi n°2001-
35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin ".
Cet amendement ayant été rejeté par la Commission, plusieurs députés ont demandé la parole pour proclamer la souveraineté de la plénière et exiger que l’amendement soit soumis au vote de la plénière. Pour d’autres, soumettre cet amendement au vote serait une violation du règlement intérieur qui donne le pouvoir à la Commission d’accepter ou de rejeter les amendements proposés en plénière. Du reste pour ce groupe, c’est une pratique parlementaire régulièrement utilisée. Ils soutiennent par ailleurs que ledit amendement est un recul de notre démocratie qui pourrait faire embraser le pays.

J’ai invité sans succès, les députés à rechercher un consensus autour dudit amendement. Face au vacarme et dans l’impossibilité de faire régner le calme au sein de l’hémicycle et usant de mon droit de police des débats, conformément aux dispositions des articles 42 et 73.8 du Règlement intérieur, j’ai
suspendu la séance le mercredi 30 juillet 2014 à sept heures deux minutes (07 h 02 mn).
Dans ce contexte et dans le souci de trouver une porte de sortie pour la poursuite de l’examen du dossier, j’ai convoqué une réunion de la Conférence des Présidents le lundi 04 août 2014 à onze heures (11 h) avant la plénière qui a eu
lieu à partir de seize heures cinquante et cinq minutes (16 h 55 mn). Au cours de sa rencontre…, la Conférence des Présidents a suggéré la mise en place d’un Groupe de travail. » ;

Considérant qu’il poursuit : « c) Les raisons de mise en place du Groupe de travail
Au cours de la séance plénière du 4 août 2014, j’ai fait savoir que la Conférence des Présidents s’est réunie pour rechercher une approche de solution permettant de concilier les différentes positions prises au cours de la séance précédente sur l’amendement à l’article 18 de Loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin. J’ai également ajouté que les membres de la Conférence des Présidents ont suggéré de mettre sur pied, conformément aux dispositions de l’article 19.2, un groupe de travail composé des deux (02) tendances "Majorité" et "Minorité" et des représentants des deux (02) commissions saisies aux fins de réfléchir sur la question et de proposer un amendement de consensus. Cet amendement sera ensuite affecté à la commission des lois et suivra la procédure parlementaire conformément aux dispositions du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Enfin, j’ai informé la plénière qu’un consensus s’est dégagé au cours de la réunion pour tenir une séance plénière la mardi 05 août à quinze heures (15 h) pour la poursuite des travaux.
Face aux diverses préoccupations des députés, j’ai apporté des éclaircissements et n’ai pas manqué de rappeler les dispositions du Règlement intérieur qui autorisent la démarche, ainsi que certains dossiers qui ont été traités par le passé de la même manière, à savoir les propositions de loi relatives à
l’actualisation de la LEPI et au code électoral. La plénière n’y a trouvé aucune objection. C’est donc sur ce consensus que la plénière a été suspendue pour être reprise le mardi 05 août 2014 à quinze heures (15 h).
d) Débats sur le troisième rapport et les conditions de la levée de la séance.
A la séance du 5 août 2014, j’ai fait savoir que le groupe de travail a déposé son rapport… Pour permettre la reprise de la procédure, ce rapport a aussitôt été affecté à la commission des lois, de l’administration et des droits de l’Homme pour étude et proposition conformément aux dispositions de l’article 48.2 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Une suspension de séance de trente (30) minutes a été suggérée par le Président de séance à l’effet de permettre à la commission de se réunir pour produire un rapport qui sera soumis à l’appréciation de la plénière dès la reprise de la séance.
A la reprise, le mercredi 06 août 2014 à une heure vingt-deux minutes (0l h 22 mn), après avoir rappelé les raisons qui ont été à la base de la suspension, j’ai invité la Présidente de la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’Homme et son rapporteur à prendre place pour la présentation du rapport de la Commission élaboré à partir des travaux du groupe de travail… Il ressort de cette présentation que les points de vue sont restés divergents au sein des membres de la Commission. Les débats qui ont suivi la présentation du rapport peuvent se résumer ainsi qu’il suit :
Après avoir félicité la Commission pour la qualité du rapport, les intervenants ont, pour la plupart, loué le mérite du rapporteur d’avoir produit un rapport qui reflète fidèlement les points de vue de chaque tendance au cours des travaux en commission et ont confirmé que les membres de la Commission n’ont pas pu réaliser le consensus recherché. Pour certains intervenants, le consensus étant un principe à valeur constitutionnelle, le Président de séance doit poursuivre les concertations jusqu’à l’obtention de ce consensus. Pour d’autres, les deux (02) propositions d’amendement contenues dans le rapport doivent être soumises au vote de la plénière, car "la démocratie, c’est la loi de la majorité". Selon eux, faire autrement serait contraire aux dispositions du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Faisant la synthèse des interventions, j’ai rappelé les différentes démarches entreprises par les organes dirigeants de l’Assemblée nationale pour l’aboutissement consensuel de la procédure législative sur la proposition de loi.
La situation ainsi présentée me conduit à apprécier et analyser les points de violation soulevés. » ;

Considérant qu’il développe : « II- LES POINTS DE VIOLATION SOULEVES PAR LES REQUERANTS
Dans leur requête, les députés allèguent de la violation des articles 103 et 105 de la Constitution et des articles 42, 83.3, 87.3, 88.4, 88.5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale à divers niveaux de responsabilité tant par le Président de l’Assemblée nationale que par la Présidente de la Commission des lois.
S’agissant des dispositions du Règlement intérieur, l’un des requérants estime que "l’amendement à l’article 18 nouveau a été présenté à l’étape de la discussion des amendements en séance plénière et non en commission, la Présidente de la
Commission des lois rejette à tort ledit amendement sur le fondement de l’alinéa 3 de l’article 83". Un autre soutient que "l’amendement proposé en séance plénière, à l’étape de la discussion en séance plénière aurait été en violation des dispositions des articles 88.3, 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur et de la pratique parlementaire ...". Il affirme que "les pouvoirs que la loi donne au Président de l’Assemblée nationale sont fixés de façon limitative par l’article 42 du Règlement intérieur ..." et poursuit que "le Président de l’Assemblée nationale est tenu par la règle de droit et quand il n’y a pas de solution pour un problème qui est posé, le Président de l’Assemblée nationale peut combler la lacune. Or, dans le cas précis, la solution existe. Elle est prévue par l’article 42 du Règlement intérieur qui demande au Président d’engager le débat et de mettre aux voix les deux propositions :
- soit celles contenues dans le rapport de la Commission ;
- soit les deux propositions du groupe de travail...".

Il conclut "qu’ayant manqué de le faire, il tombe sous le coup de la violation de l’article 42 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ".
Si la haute Juridiction devrait recevoir les requêtes des députés Valère TCHOBO, Emile TOSSOU et Bida YESSOUFOU, il y a lieu qu’elle se prononce d’abord sur sa compétence à examiner ledit recours.

III- SUR L’INCOMPETENCE DE LA HAUTE JURIDICTION
Pour solliciter de la Cour l’annulation de la procédure ayant conduit au renvoi sine die de la proposition de loi modifiant l’article 18 de la loi portant statut de la magistrature au Bénin, les députés Valère TCHOBO, Emile TOSSOU et Bida YESSOUFOU indiquent dans leur requête que cette décision est intervenue en violation des articles 87.3, 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Or, la Cour n’a admis la recevabilité des recours fondés sur la violation du Règlement intérieur qu’avec une grande nuance. La Cour précise, en effet, que "les articles du Règlement intérieur ne font partie du bloc de constitutionalité que s’ils constituent la mise en œuvre d’une disposition constitutionnelle ou à valeur constitutionnelle" (décision DCC 01-013 du 29 janvier 2001, Sanny Babatoundé).
La jurisprudence constitutionnelle n’ayant pas formellement établi que les articles 42, 83.3, 87.3, 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale constituent la mise en œuvre d’une disposition de la Constitution du 11 décembre 1990, lesdits articles ne sauraient faire partie du bloc de constitutionalité. Il convient pour la haute Juridiction de se déclarer incompétente pour apprécier la violation desdits articles.

Mais si la Cour devrait retenir sa compétence, elle constatera que lesdits recours ont pris en compte les articles 103 et 105 de la Constitution relatifs respectivement au droit d’amendement et à l’initiative des lois.
S’agissant des autres points soulevés, ils sont évoqués au niveau de la discussion des violations alléguées.

IV- DE LA DISCUSSION DES VIOLATIONS ALLEGUEES
A l’analyse des dispositions querellées, il ressort que trois (03) problèmes fondamentaux sont posés. Il s’agit :

- du droit d’initiative du député avec le pouvoir d’une commission permanente au cours de la procédure parlementaire ;
- du droit d’amendement des députés tant en commission qu’en plénière, avec le pouvoir d’une commission permanente au cours de la procédure parlementaire ;
- du rôle du Président de l’Assemblée nationale (Président de séance) lors des plénières.

1. Sur la violation du droit d’initiative législative du député.
Les requérants soutiennent "qu’il revenait à la Commission d’étudier ladite proposition de loi et de faire un rapport. Il est évident que la proposition de loi affectée à la Commission a été initiée pour modifier, compléter et abroger l’article 18 actuellement en vigueur. Or, l’adoption éventuelle par l’Assemblée nationale de l’amendement proposé par le député Eric HOUNDETE à la proposition de loi aurait eu pour conséquence de remettre en cause le droit d’initiative puisque c’est le texte en vigueur qui serait adopté sous prétexte de modification ou d’amendement (…). Le fait pour la Commission des lois
de recevoir et d’adopter comme amendement à la proposition de loi un texte qui n’est rien d’autre que l’article 18 de la loi actuellement en vigueur revient à annihiler le droit
d’initiative et par conséquent à violer l’article 105 de la Constitution ... ".
Il est ainsi fait grief à la Commission des lois prise en la personne de sa Présidente, de violer l’article 105 de la Constitution en recevant et en adoptant comme amendement à la proposition de loi, un texte qui n’est rien d’autre que
l’article 18 de la loi actuellement en vigueur, ce qui annihile et par conséquent viole le droit d’initiative du député.

En application des dispositions légales en vigueur, le droit d’initiative est admis et consacré en République du Bénin. Un député peut donc prendre l’initiative d’une loi. Toutefois, l’exercice de ce droit n’implique pas forcément le vote de la loi, objet de l’initiative du député. En matière législative, le droit d’initiative peut être mis en œuvre par le dépôt d’un projet de loi s’il émane du Gouvernement ou d’une proposition de loi s’il émane d’un parlementaire (article 105 de la Constitution). Dans le cas d’espèce, il ressort de façon constante des recours, que les députés signataires de la proposition de loi ont régulièrement déposé leur proposition qui a été affectée par le Président de l’Assemblée nationale à la Commission des lois le 19 juin 2014. Nulle part dans les recours déposés par les requérants, ils n’ont fait état d’un éventuel refus du Président de l’Assemblée nationale de transmettre la proposition de loi à la Commission permanente concernée ni de l’introduire en Assemblée plénière. Il convient de distinguer entre le droit d’initiative d’une loi et son examen en plénière. L’initiative de la loi couvre la phase allant de la conception de son texte par l’initiateur au dépôt du projet ou de la proposition au Président de l’Assemblée nationale. La phase suivante qui part de l’appréciation de la recevabilité par le Président de l’Assemblée à son examen par la plénière en passant par son étude en commission permanente compétente, n’est donc pas incluse dans l’initiative de la loi.
Violer le droit d’initiative du député reviendrait soit à l’empêcher de concevoir le texte qu’il envisage de soumettre à l’Assemblée nationale, soit à l’empêcher de déposer le texte conçu au Président de l’institution pour son annonce et son affectation. Un texte initié et déclaré recevable par le Président qui l’a transmis à une commission permanente comme c’est le cas dans les faits de l’espèce, ne saurait conduire à une violation du droit d’initiative comme le prétendent les auteurs des recours sus indiqués. C’est ce que précisent les articles 74 à 76 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui n’a nulle part subordonné le droit d’initiative du député à l’adoption obligatoire de la proposition de loi.
Il ressort de ce qui précède que la haute Juridiction devrait conclure que l’article 105 de la Constitution n’a pas été violé et, en conséquence, rejeter le moyen résultant de la violation du droit d’initiative du député par le Président de l’Assemblée nationale. » ;

Considérant qu’il ajoute : « 2. Sur la violation du droit d’amendement
D’entrée, il est à préciser que la Commission parlementaire reste et demeure l’organe essentiel du fonctionnement de l’Assemblée nationale. Elle permet aux parlementaires d’exercer pleinement leur rôle de législateur et de contrôler l’action gouvernementale. En conséquence, aucune délibération de
l’Assemblée plénière ne peut se faire sans un rapport de cette dernière. C’est ce que conforte l’article 48.2 lorsqu’il dispose que : "Aucune affaire ne peut être soumise aux délibérations de l’Assemblée Nationale sans avoir, au préalable fait l’objet
d’un rapport écrit (ou verbal en cas de discussion immédiate) de la commission compétente au fond ".
Si l’importance de la commission a été évoquée et organisée par le législateur, le droit d’amendement du député qui est le droit de soumettre au vote des modifications aux textes dont l’Assemblée nationale est saisie, qu’il s’agisse de projets de loi ou de propositions de loi, a été également encadré par le Règlement intérieur dans ses dispositions 83.1, 83.2 et 83.3.
Selon lesdits articles " ... Le jour de la séance à laquelle est inscrit l’examen d’un projet ou d’une proposition, la Commission saisie au fond se réunit pour examiner les amendements déposés.
- Elle délibère au fond sur les amendements déposés avant l’expiration des délais fixés par l’Assemblée nationale et les rejette ou les accepte sans les incorporer à ses propositions, ni présenter de rapport supplémentaire.
- Elle examine les amendements postérieurs pour déterminer si elle en acceptera la discussion en séance.
Dans l’affirmative, elle délibère sur le fond conformément à l’alinéa précédent… ".
L’article 87.2 précise clairement que "Après l’ouverture du débat, la Commission saisie au fond peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui ne lui a pas été antérieurement soumis, à l’exception des amendements dont l’objet est la reprise
d’une disposition du projet de loi soumis à la commission".
La lecture combinée des dispositions ci-dessus montre clairement que l’amendement qui peut faire l’objet de débat au cours de l’Assemblée plénière reste et demeure celui qui "est la reprise d’une disposition du projet de loi soumis à la commission". C’est ce que la Présidente de la Commission des lois a fait en acceptant de soumettre ou vote de l’Assemblée plénière l’amendement du député Djibril DEBOUROU qui demande d’incorporer à la proposition de loi en étude, la notion "et complétant".
Quant à la proposition du député Karimou CHABI SIKA, elle a été déjà rejetée par la Commission et ne saurait faire l’objet de délibération en Assemblée plénière. L’article 83.3 étant bien explicite sur la question. Accepter que cet amendement fasse l’objet d’une nouvelle étude de l’Assemblée nationale en Assemblée plénière revient à contourner la délibération effectuée par la commission permanente au cours de ses travaux et présentée par le rapporteur en séance plénière. Accepter de le faire comme il est demandé, c’est violer l’article 83.2 qui dispose que "Elle (la Commission) délibère au fond sur les amendements déposés avant l’expiration des délais fixés par l’Assemblée
nationale et les rejette ou les accepte sans les incorporer à ses propositions, ni présenter de rapport supplémentaire ". C’est à bon droit que la Présidente de la Commission des lois se réfère aux dispositions de l’article 83.3 du Règlement intérieur pour rejeter la prise en compte de l’amendement du député Karimou CHABI SIKA.
Sur la violation alléguée des articles 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur, il convient de souligner que l’argumentaire soutenu par les requérants tend à s’interroger sur le sens profond desdites dispositions. En effet, l’article 88.4 dispose : "Dans la discussion des amendements, seuls peuvent intervenir l’auteur, un orateur d’opinion contraire et la commission". L’article 88.4 consacre ainsi le rôle prépondérant de la commission permanente lors de la discussion en séance plénière des amendements sur un texte. Par contre, l’article 88.5 dispose : "Les amendements ayant un objet identique ne donnent lieu qu’à un seul vote". Cela signifie que tous les amendements portant sur le même objet doivent, lors de la discussion, être pris en compte dans un article qui est soumis à validation par un vote unique en séance plénière. En clair, il ne s’agit pas ici d’offrir la possibilité de soumettre au vote en séance plénière des amendements ne faisant pas partie intégrante d’un article.

3. Sur la violation de l’article 42 du Règlement intérieur
A l’appui, les requérants allèguent que le Président de l’Assemblée nationale est tenu par la règle de droit et quand il n’y a pas de solution à un problème qui est posé, le Président de l’Assemblée nationale peut combler la lacune, mais lorsque la solution existe, le Président doit engager les débats et mettre aux voix les deux propositions ; que faute de l’avoir fait, il aurait violé l’article 42 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Mieux, ces requérants estiment que le Président de l’Assemblée nationale aurait exercé un abus de pouvoir à travers les suspensions opérées dans l’étude de cette proposition de loi.
Sur cette question, il convient de préciser l’objectif poursuivi par les multiples initiatives que j’ai prises. En effet, en cherchant une approche de solution permettant de concilier les différentes positions prises au cours de la séance précédente sur l’amendement à l’article 18 de la Loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin, la Conférence des Présidents a mis sur pied un groupe de travail aux fins de réfléchir sur la question et de proposer un amendement de consensus. Contrairement aux allégations des requérants qui y voient une violation des textes et une obstruction à la règle du jeu démocratique, il convient de rappeler que les dispositions de l’article 19.2 du Règlement intérieur autorisent la démarche.
Il ressort de la présentation du rapport du groupe de travail ad hoc que les points de vue sont restés divergents au sein des membres de la Commission. A cet égard, la conclusion de la commission est sans équivoque : "La Commission constate alors qu’aucune évolution n’ayant pu intervenir, le statu quo ante doit
prévaloir"…
Faisant la synthèse des interventions, j’ai rappelé les différentes démarches entreprises par les organes dirigeants de l’Assemblée nationale qui ont conduit malheureusement au blocage de l’examen de la proposition de loi, et invité les
différents protagonistes à continuer les négociations afin d’aboutir aux résultats escomptés. Voici in extenso mes propos conclusifs : "La proposition de loi qui a été déposée, certes par une majorité de députés, mais au regard de la loi et en appliquant nos dispositions légales, n’a pu prospérer. Nous sommes obligés de considérer que le dossier que nous avons commencé à traiter jusque-là n’a pas abouti. Je demande donc que ce dossier soit repris et que les dispositions soient prises pour éventuellement chercher d’autres solutions. Voilà ce que je dois dire. Par conséquent, je vais devoir lever la séance. Je déclare donc la séance levée".
En quoi cette conclusion peut-elle être traitée ou retenue comme une violation du Règlement intérieur ?
A ce sujet, il y a lieu de rappeler que la décision DCC 09-016 du 19 février 2009 de la Cour constitutionnelle affirme que : "la démocratie pluraliste ne saurait être de manière absolue et exclusive la loi de la majorité, mais la protection de la minorité ; qu’en effet, si la règle démocratique exige que la majorité décide et que la minorité s’incline, dans l’exercice de ce pouvoir de décision, la majorité doit cependant s’imposer à elle-même, le cas échéant, une limite qu’elle ne saurait transgresser sous
peine de devenir tyrannique, à savoir, le respect des droits de la minorité". De même : "S’il est exact que le Parlement a le pouvoir de voter une loi, puis de l’amender ou de l’abroger par la suite, l’exercice de ce pouvoir ne peut se faire au bon vouloir et au gré des intérêts d’une composante (fut-elle majoritaire) de l’Assemblée nationale ; qu’un pouvoir conféré par la Constitution ne peut s’exercer que dans le cadre des règles posées par ladite Constitution" (décision DCC 10-046 du 05 avril 2010). S’il est incontestable que la prérogative première d’un député est de voter la loi, il y a cependant lieu d’observer que l’usage abusif de ce droit peut être sanctionné par la Cour constitutionnelle. Selon l’article 17 du Règlement intérieur, "le Président de l’Assemblée
nationale dirige l’Assemblée nationale, la représente dans la vie politique nationale et internationale. Il préside les séances plénières de l’Assemblée nationale, les réunions du
Bureau et de la Conférence des Présidents. Il a la haute direction des débats et est le Chef de l’administration de l’Assemblée nationale et l’Ordonnateur du Budget. Il a la police
intérieure et extérieure de l’Assemblée nationale ..."
L’article 42 du même Règlement intérieur ajoute que "le Président de l’Assemblée nationale dirige les débats, donne la parole, met les questions aux voix, proclame les résultats des votes, fait observer le règlement intérieur et maintient l’ordre.
Il peut à tout moment suspendre ou lever la séance ... ".
En clair, le Président de séance a, entre autres, le pouvoir de police des débats. Ce qui lui confère le droit d’ouvrir les débats et d’apprécier le moment d’y mettre un terme, sans aucune condition, sauf à préciser tant que cela est possible la date et l’ordre du jour de la prochaine séance. S’il est vrai que ce
pouvoir du Président ne lui est pas attribué aux fins d’en faire un usage arbitraire, il est d’autant plus vrai qu’un tel pouvoir doit être exercé en bon père de famille, dans la recherche de la cohésion et en respect des principes démocratiques et
de l’Etat de droit.
Il ne s’agit donc pas de l’abus de droit ou de l’arbitraire. En effet, la décision DCC 10-049 du 5 avril 2010 conclut qu’il "découle de la lecture croisée et combinée de ces dispositions (préambule, articles 35 et 79 de la Constitution) que d’une part, l’arbitraire s’entend de l’exercice d’un pouvoir non fondé en droit, que d’autre part, l’abus de pouvoir consiste en l’usage non approprié d’un pouvoir régulièrement conféré par la loi". Par conséquent, il est spécieux qu’en panne de soutenir légalement leur recours, les requérants s’emploient à induire en erreur votre auguste juridiction en excipant grossièrement de l’arbitraire qui caractériserait ma recherche du consensus. » ;

Considérant qu’il explique : « En effet, la Cour constitutionnelle impose la règle du consensus, érigée en principe à valeur constitutionnelle, à la fois au législateur ordinaire et au pouvoir constituant dérivé. Alors qu’on n’en trouve aucune mention dans les textes du bloc de constitutionalité, la Cour constitutionnelle en fait une norme supra- constitutionnelle (décisions DCC 06-074 du 8 juillet 2006, DCC 10-049 du 5 avril 2010, DCC 10-050 du 14 avril 2010 et DCC 10-117 du 08 septembre 2010).
En conséquence, on ne peut plus appliquer le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale dans le cas d’espèce sans se référer à cette jurisprudence de la Cour constitutionnelle. Le juge constitutionnel a, à juste titre, précisé le sens de ce principe dans la décision DCC 10-049 du 5 avril 2010 en ces termes : "le consensus, loin de signifier l’unanimisme, est d’abord un processus de choix ou de décision sans passer par le vote ;
qu’il permet sur une question donnée, de dégager par une voie appropriée, la solution satisfaisant le plus grand nombre de personnes". Dans sa mise en œuvre, le législateur est astreint non pas à une obligation de résultats en termes d’univocité, mais une obligation de moyens, en termes de concertation, de
dialogue constructif avant la prise de décision. Alors, le consensus peut être recherché au sein de l’Assemblée nationale. Il ne signifie ni unanimisme ni unanimité et s’accommode bien de dissensions ou même d’affrontements des idées et des approches, ce qui est de l’essence du pluralisme. Il décrit plutôt une procédure préalable. Si le consensus devient réalisable, le recours au vote majoritaire pourrait avoir lieu. Mes multiples tentatives pour que la proposition de loi soit adoptée dans un esprit consensuel en vue d’en assurer la légitimité sont restées sans écho favorable.
Le consensus recherché se fonde sur le fait que la proposition de loi tient à retirer un droit à un corps de l’Etat à qui la Constitution reconnaît ce droit en son article 31 qui dispose que "L’Etat reconnaît et garantit le droit de grève ... ".
C’est donc à tort qu’il est fait grief au Président de l’institution parlementaire de violer l’article 42 du Règlement intérieur surtout que celui-ci, qui avait l’opportunité d’apprécier la recevabilité de la proposition l’a reçu et transmis à la Commission des lois, sans l’avoir sanctionné.
S’il est constant que l’Assemblée plénière reste le dernier stade pour le vote de loi au niveau de l’Assemblée nationale, il n’est pas superflu de rappeler la décision DCC 09-016 du 19 février 2009 de la Cour constitutionnelle qui a affirmé que : "la démocratie pluraliste ne saurait être de manière absolue et exclusive la loi de la majorité, mais la protection de la minorité ; qu’en effet, si la règle démocratique exige que la majorité décide et que la minorité s’incline, dans l’exercice de ce pouvoir de décision, la majorité doit cependant s’imposer à elle-même, le cas échéant, une limite qu’elle ne saurait transgresser sous peine de devenir tyrannique, à savoir, le respect des droits de la minorité ".
Ayant la direction des débats, il était nécessaire pour moi d’assurer la présidence de l’Assemblée plénière dans le respect des textes en vigueur, notamment en tenant grand compte de la jurisprudence sus-rappelée qui m’impose de respecter les lois en vigueur au parlement et d’aider à un consensus dans l’étude des dossiers dans le respect de l’intérêt de tous.
A ce sujet, votre haute Juridiction ne se laissera pas abuser par de tels moyens qualifiés "d’abus du pouvoir du Président de l’Assemblée nationale" ou "de confiscation de la souveraineté de la plénière" et devra donc les écarter purement et simplement.
Il convient donc de dire que le Président de l’Assemblée nationale n’a pas violé l’article 42 du Règlement intérieur et de rejeter en conséquence, la demande tirée de ce moyen. En conclusion, c’est à tort que les requérants arguent de la violation des articles 103 et 105 de la Constitution, 42, 83.3, 87.3, 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale » ; qu’il conclut : « …Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de dire :

A- AU PRINCIPAL :
- que la haute Juridiction n’est pas compétente pour apprécier la violation des articles 42, 83.3, 87.3, 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale en ce qu’ils restent des dispositions internes à la procédure parlementaire applicable à l’Assemblée nationale, ne faisant pas bloc de constitutionnalité ;

B- AU SUBSIDIAIRE :
1- que la recherche du consensus dans le cadre de l’examen de la proposition de loi modifiant l’article 18 de la Loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature au Bénin est conforme à la pratique parlementaire, au Règlement intérieur et à la Constitution du 11 décembre 1990 et s’impose à la plénière en ce qu’il est un principe à valeur constitutionnelle ;
2- qu’en conséquence, la demande de mise aux voix de la deuxième proposition de la commission des lois ou des deux propositions de principe du Groupe de travail est sans objet et donc irrecevable ;
3- que le Président de l’Assemblée nationale n’a violé ni la Constitution du 11 décembre 1990 ni le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale dans la conduite des débats, lors de l’examen de la proposition de loi modifiant l’article 18 de la loi portant statut de la magistrature au Bénin.
C’est pourquoi, la haute Juridiction devra dire et juger non fondés les recours introduits par les députés Valère TCHOBO, Emile TOSSOU et Bida YESSOUFOU » ; qu’il a joint à sa réponse, la proposition de loi déposée, les différents rapports produits sur le sujet et le compte-rendu intégral des débats des séances plénières du 29 juillet et des 4 et 5 août 2014 ;

ANALYSE DES RECOURS
Considérant que les trois recours portent sur le même objet et tendent aux mêmes fins ; qu’il y a lieu, de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;
Considérant que les requérants s’accordent à demander à la haute Juridiction de constater la violation par le Président de l’Assemblée nationale et la Présidente de la Commission des lois, de la procédure législative lors de l’examen de la proposition de loi portant modification de l’article 18 de la Loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin ; que les griefs portent, d’une part, sur le refus opposé par la Présidente de la Commission des lois à l’examen en plénière d’un amendement qui a déjà fait l’objet d’un rejet au niveau de la commission, d’autre part, sur le défaut de mise aux voix par le Président de l’Assemblée nationale des positions divergentes des députés sur la proposition de loi mise en discussion avant de conclure qu’elle n’a pas abouti ; que pour le premier requérant les violations alléguées touchent les articles 96, 97, 103 et 105 de la Constitution, 29, 42, 79, 87.3, 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale à divers niveaux de responsabilité tant par le Président de l’Assemblée nationale que par la Présidente de la Commission des lois ; que pour le 2ème requérant, il s’agit plutôt de la violation par le Président de l’Assemblée nationale des articles 103 et 105 de la Constitution, 87.3, 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, de la violation par la Commission des lois des articles 35 et 105 de la Constitution et de la violation par la Présidente de la Commission des lois des articles 35 de la Constitution et 79 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ; que pour le dernier requérant, le Président de l’Assemblée nationale a seulement violé l’article 42 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la Commission des lois, l’article 105 de la Constitution et la Présidente de la Commission des lois, les articles 103 de la Constitution, 87.3, 88.4 et 88.5 du Règlement intérieur ; que les requérants demandent en outre à la haute Juridiction, en vertu de son pouvoir de régulation du fonctionnement des institutions, d’ordonner au Président de l’Assemblée nationale, la mise aux voix des questions conformément à l’article 42 du Règlement intérieur de l’institution ;
I- De la compétence de la Cour
Considérant que l’article 103 de la Constitution dispose : « Les députés ont le droit d’amendement » ; que les articles 48.2, 83.1, 83.2, 83.3 et 87.2 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale en fixant les modalités d’examen et de discussion des amendements déposés par les députés, mettent en œuvre les dispositions constitutionnelles précitées et font en conséquence partie du bloc de constitutionnalité ; que par ailleurs, les articles 79 al.1, 96 et 97 al.1 de la Constitution disposent respectivement : « Il (le Parlement) exerce le pouvoir législatif… » ; « L’Assemblée nationale vote la loi … » ; « La loi est votée par l’Assemblée nationale à la majorité simple » ; que l’article 42 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui énonce les pouvoirs du Président de l’Assemblée nationale dans le cadre de l’exercice du pouvoir législatif de l’Assemblée nationale met en œuvre les dispositions constitutionnelles précitées de la Constitution et fait en conséquence partie du bloc de constitutionnalité ; que dès lors, la Cour doit se déclarer compétente ;

II- Sur le refus de l’examen en plénière de l’amendement rejeté en commission
Considérant que les articles 48.2, 83.1, 83.2, 83.3 et 87.2 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale disposent respectivement :
« Aucune affaire ne peut être soumise aux délibérations de l’Assemblée nationale sans avoir, au préalable fait l’objet d’un rapport écrit (ou verbal en cas de discussion immédiate) de la Commission compétente au fond » ;
« Le jour de la séance à laquelle est inscrit l’examen d’un projet ou d’une proposition, la Commission saisie au fond se réunit pour examiner les amendements déposés » ;
« Elle délibère au fond sur les amendements déposés avant l’expiration des délais fixés par l’Assemblée Nationale et les rejette ou les accepte sans les incorporer à ses propositions, ni présenter de rapport supplémentaire » ;
« Elle examine les amendements postérieurs pour déterminer si elle en acceptera la discussion en séance » ;
« Après l’ouverture du débat, la Commission saisie au fond peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui ne lui a pas été antérieurement soumis, à l’exception des amendements dont l’objet est la reprise d’une disposition du projet de loi soumis à la Commission » ;
Considérant qu’il résulte de la lecture combinée et croisée de ces dispositions que le droit d’amendement reconnu au député est encadré et s’exerce dans le strict respect du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ; que la Commission compétente de l’Assemblée nationale saisie de l’examen au fond du projet ou de la proposition de loi dispose du pouvoir discrétionnaire d’accepter ou de refuser les amendements qui lui sont proposés ; que l’analyse et la lecture croisées des articles 83.2 et 83.3 sus-cités fondent la Commission saisie au fond à s’opposer, après l’ouverture du débat, à l’examen de tout amendement qui lui a été antérieurement soumis et qu’elle a rejeté ; qu’en l’espèce, il ressort des éléments du dossier que l’amendement du député Karimou CHABI SIKA dont la discussion a été refusée en plénière a été déjà soumis à la délibération de la Commission saisie au fond qui l’a rejeté ; que dès lors, il ne peut plus être soumis de nouveau à la discussion de la plénière ; que c’est donc à bon droit que la Présidente de la Commission des lois, soutenue par le Président de l’Assemblée nationale, a opposé son refus à l’examen dudit amendement ; qu’en conséquence, il échet pour la Cour de dire et juger qu’il n’y a pas violation de la Constitution de ce chef ;
III- Sur la conclusion à laquelle a abouti le Président de l’Assemblée nationale au sujet de l’examen de la proposition de loi
Considérant que l’article 42 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale dispose : « Le Président de l’Assemblée nationale dirige les débats, donne la parole, met les questions aux voix, proclame les résultats des votes, fait observer le Règlement intérieur et maintient l’ordre » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 105 al.3 de la Constitution, « les projets et propositions de loi sont envoyés avant délibération en séance plénière à la commission compétente de l’Assemblée Nationale pour examen » ; que de ces dispositions, il résulte que l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale d’un projet ou d’une proposition de loi est faite dans une finalité de délibération ; que les délibérations sont faites en séance plénière de l’Assemblée nationale au moyen d’un vote ; qu’en l’espèce, il ressort des éléments du dossier, notamment de la réponse du Président de l’Assemblée nationale à la mesure d’instruction de la Cour et de l’extrait du compte-rendu intégral de la séance plénière de l’Assemblée nationale du 05 août 2014, qu’à la suite de la présentation du dernier rapport de la Commission des lois à la Plénière qui a fait état de positions divergentes des députés sur les questions discutées, le Président de l’Assemblée nationale a décidé que : « La conclusion à tirer ici, après plusieurs dizaines d’heures d’efforts, est que, dans ce dossier, nous n’avons pas pu prendre une décision… La proposition de loi qui a été déposée, certes par une majorité de députés, mais au regard de la loi et en appliquant nos dispositions légales, n’a pu prospérer. Nous sommes obligés de considérer que le dossier que nous avons commencé à traiter jusque-là n’a pas abouti. Je demande donc que ce dossier soit repris et que les dispositions soient prises pour éventuellement chercher d’autres solutions. Voilà ce que je dois dire. Par conséquent, je vais devoir lever la séance. Je déclare la séance levée » ;
Considérant que ces propos ne font pas état de renvoi sine die de la séance comme le soutient le Président de l’Assemblée nationale dans sa réponse, mais plutôt de clôture des discussions sur l’examen de la proposition de loi ; que le Président de l’Assemblée nationale a conclu à un défaut d’aboutissement de la proposition alors même qu’il n’a pas appelé l’Assemblée nationale à délibérer sur les questions, à prendre une décision ; que n’ayant pas soumis les questions aux voix comme l’y invite l’article 42 sus-cité du Règlement intérieur de l’institution, il ne saurait conclure que la proposition de loi n’a pas abouti ; qu’en effet, le défaut de consensus sur une question en débat ne saurait être assimilé à un rejet de la question qu’après un vote par la plénière ; qu’il est certes utile de rechercher le consensus, mais en cas d’échec, il doit être fait une application rigoureuse des textes ; qu’en l’espèce, l’article 97 alinéa 1 sus-cité de la Constitution indique clairement que la loi est votée par l’Assemblée nationale à la majorité simple ; qu’en concluant que la proposition de loi n’a pas abouti alors même qu’il ne l’a pas soumise au vote, le Président de l’Assemblée nationale s’est attribué le pouvoir délibérant de l’Assemblée plénière en décidant à sa place ; que ce faisant, il a violé l’article 42 sus-cité du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

D E C I D E :
Article 1er.- La Cour est compétente.

Article 2.- La Présidente de la Commission des lois de l’Assemblée nationale n’a pas violé le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

Article 3.- Le Président de l’Assemblée nationale a violé l’article 42 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

Article 4.- La présente décision sera notifiée à Messieurs Valère TCHOBO, Emile TOSSOU, Bida YESSOUFOU, députés à l’Assemblée nationale, à Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, le Professeur Mathurin Coffi NAGO, et publiée au Journal officiel.

Ont siégé à Cotonou, le vingt-deux septembre deux mille quatorze,

Messieurs Théodore HOLO Président
Zimé Yérima KORA-YAROU Vice-Président
Simplice Comlan DATO Membre
Bernard Dossou DEGBOE Membre
Akibou IBRAHIM G. Membre

Le Rapporteur, Le Président,

Simplice Comlan DATO.- Professeur Théodore HOLO.

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