L’Honorable Claudine Prudencio était ce Samedi matin au Palais des congrès dans le cadre de la cérémonie de lancement du Mouvement Sursaut Patriotique. Une manifestation qui a connu la participation de plusieurs leaders politiques de notre pays. En attendant le compte rendu de cette manifestation, votre journal publie ici l’intégralité de l’allocution très courageux de la première Secrétaire Parlementaire.
Allocution de Mme Claudine Prudencio à l’occasion de la rentrée commune des grandes forces politiques nationales
Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale
Grandes sont ma joie et ma fierté de me tenir en ce jour à vos côtés et de vous voir si nombreux réunis autour de l’élan qui aujourd’hui nous rassemble. Dans la diversité de nos origines et de nos sensibilités politiques, nous avons su trouver le motif le plus fédérateur parmi tous pour nous retrouver. Ce motif, c’est l’état de notre cher pays. C’est vrai, nous n’avons rien de plus commun. Nous n’avons rien de plus cher. Nous n’avons rien de plus précieux. Et, par les moments que traverse ce pays, nous n’avons d’autre choix que de nous pencher à son chevet pour contribuer du mieux que nous pouvons à soigner les maux dont il souffre. Et pour le faire, rien de mieux que d’être uni contre ses destructeurs.
Distingués invités, Mesdames et Messieurs,
Je n’irai pas par quatre chemins pour le dire, le Bénin aujourd’hui va mal. Il va même très mal. Tous les indicateurs sont au rouge. Au plan politique, au plan économique et même au plan social. Il n’existe pas un seul secteur de l’activité humaine et des relations sociales qui ne résonne des plaintes et des complaintes de nos compatriotes. La rentrée scolaire apaisée est incertaine, l’administration publique est en souffrance, le secteur de la santé est paralysé, les activités économiques tournent au ralenti. Tout cela à cause d’une gouvernance hasardeuse, à cause de l’irrationalité des politiques publiques, à cause de l’impéritie de nos dirigeants.
Oui, certains vous diront que si je me retrouve à vos côtés, à tenir de tels propos, alors même que je suis une élue FCBE, c’est simplement à cause des intérêts que je défends dans un dossier économique, le dossier Epine Dorsale dans lequel l’un de nos compatriotes est injustement lésé. Ils vous diront que je ne suis pas là par conviction, mais par concours de circonstances. Ils vous diront que mon combat est ailleurs et que je ne devrais pas être des vôtres. Sachez bien que tout cela est faux. Ces manipulateurs de l’opinion publique ont voulu, dans un montage grossier, me présenter comme faisant partie des Parlementaires qui s’étaient rendus en France pour rencontrer, « clandestinement », Monsieur Patrice Talon. Un homme d’affaires que je connais très bien, un homme d’affaires que je peux rencontrer quand je veux, un homme d’affaires chez qui je peux rentrer sans rendez-vous, un homme d’affaires que je ne peux jamais rencontrer dans la clandestinité.
Ce dernier à l’époque, vous vous souvenez, était accusé d’avoir tenté de faire assassiner le Président Boni Yayi et de commettre un coup d’Etat. Qu’il vous souvienne qu’à l’époque, j’avais insisté sur la nécessité qu’il y a de faire en sorte que cet homme d’affaires, l’un des plus importants de ce pays, et le Chef de l’Etat se réconcilient dans l’intérêt supérieur de la nation. Cela a suffi pour que certains me considèrent comme ayant changé de camp. C’est leur problème. Mieux encore, à l’occasion du vote secret qui a abouti au rejet du projet de budget de l’Etat exercice 2014, j’ai été comptabilisée parmi ceux qu’on a appelé « les traitres de la majorité ». Là encore, je le réaffirme, c’est tant pis pour ceux qui se sont livrés à ces calomnies. Le plus important pour moi sera toujours de faire ce qui me parait juste pour mon pays, que cela plaise ou pas aux courtisans du régime Yayi. Et c’est pour cette raison que je suis là aujourd’hui.
Il est bien vrai que j’ai participé au Gouvernement de Boni Yayi. C’est de l’intérieur, je crois qu’il fallait essayer de changer les choses. Mais cette expérience m’a appris que ceux qui vous disent que le Chef de l’Etat n’est en rien responsable de la situation et que ce sont ses proches qui l’induisent en erreur sont des affabulateurs. Quand la gouvernance n’est pas bonne, c’est le leader qui en est responsable. J’ai vu faire de près. Et je ne suis pas la seule ici à pouvoir en attester. Colette Houéto, Adidjatou Mathys, Candide Azanaï, Me Lionel Agbo pour ne citer que ceux-là, ne me diront pas le contraire.
Distingués invités, Mesdames et Messieurs,
Je le disais, le Bénin va mal. Il ne se passe plus un jour sans que les populations soient confrontées à des difficultés de subsistance de plus en plus graves. Manger deux repas par jour et assurer la pitance à sa famille est devenu pour le Béninois un véritable parcours du combattant. Ces dernières années, les choses n’ont fait qu’empirer. A un tel point que nos concitoyens sont désespérés. Ils sont désespérés par rapport aux choix de politique sociale qui sont ceux de nos gouvernants. Ils sont désespérés face à l’inexistence de perspectives. Ils sont désespérés face au spectacle lamentable de nos dirigeants qui se complaisent dans leurs travers et pensent toujours que ce sont eux qui ont raison, que ce sont eux qui sont les plus appréciés, que ce sont eux qui savent tout et tout faire. Je le dis, et je l’assume pleinement, le mensonge a été érigé en système de communication gouvernementale. Les libertés d’expression sont confisquées ou bafouées. Et il n’y a plus qu’un seul son de cloche que l’on veut faire entendre. On ne dirait plus que nous sommes au Bénin.
Au plan économique, le constat est tout aussi amer. Les Docteurs en Economie qui nous dirigent n’ont toujours pas trouvé le moyen de sortir le peuple de la misère dans laquelle ils l’ont plongé. Pour eux, c’est toujours de la faute des autres, jamais la leur. Si ce n’est pas une crise économique mondiale qui empêche leurs résultats d’être perceptibles, ce sont des hommes d’affaires « véreux » qui, de l’extérieur, tentent de s’accaparer à eux seuls des richesses du peuple. Ou alors, ce sont ces mêmes hommes d’affaires qui sont accusés de commanditer tous les rapports internationaux qui classent le Bénin parmi les pays les plus pauvres et les moins bien gouvernés en Afrique et dans le monde. En conséquence, c’est une véritable guerre que l’on mène contre les opérateurs économiques nationaux. On les soumet à un harcèlement fiscal avec des redressements incroyables. On refuse de leur rembourser leurs créances vis-à-vis de l’Etat. Et on leur arrache des marchés qu’ils ont tout-à-fait légalement gagnés. Je sais de quoi je parle.
Pour couronner le tout,
Distingués invités, Mesdames et Messieurs, la situation politique de notre pays est tout-à-fait épouvantable. Nous n’avons pas été en mesure d’organiser les élections municipales et locales depuis plus d’un an. Nous n’avons pas de fichier électoral fiable. Le mandat de nous autres, parlementaires, arrive bientôt à expiration. Et maintenant, on nous fait entrevoir une possible hypothèque sur les législatives de 2015 et la présidentielle de 2016. On veut nous faire croire qu’il n’y a pas de moyens et que les élections coûtent trop cher au Bénin. On se fonde sur les décisions de la Cour constitutionnelle qui disent en somme « pas de LEPI, pas d’élection » pour justifier des positions aussi absurdes.
En réalité, tout ceci procède d’un plan orchestré pour mettre entre parenthèses le processus démocratique dans notre pays. D’autres l’ont déjà dit avant moi, et je le réitère avec force parce que c’est vrai. Tout est mis en œuvre pour que, si la promesse que brandit partout le Chef de l’Etat de ne pas vouloir modifier la constitution pour se maintenir au pouvoir est respectée, il puisse quand même rester Président au-delà du délai constitutionnel qui lui est imparti. Sans avoir à changer la constitution, sans avoir à instaurer une nouvelle république, mais simplement en retardant les élections. Sinon, comment comprendre que le processus démocratique qui a permis à Yayi Boni lui-même d’accéder au pouvoir en 2006 lui paraisse désormais trop onéreux, juste au moment où son second mandat approche de son terme ?
Non, nous n’avons pas le droit de laisser se dérouler cette forfaiture. Nous n’avons pas le droit de cautionner cette mascarade. Et nous ne nous laisserons pas faire.
J’en appelle au sens patriotique de chacun et de tous. En ma qualité de Députée issue de la Majorité au pouvoir, en ma qualité d’ancienne Ministre, je sais qu’il y a encore dans le système des gens qui ne partagent pas les desseins machiavéliques qui sont en cours d’exécution, mais qui n’osent pas le dire à visage découvert. Il y a ceux qui ont peur de ne pas conserver les fonctions qu’ils exercent aujourd’hui auprès du Chef de l’Etat ou au sein de la mouvance présidentielle. Et il y a ceux qui encouragent ce que nous autres avons décidé de dénoncer avec force. J’en appelle à la conscience de tous. Aucun régime, aucun pouvoir hormis celui de Dieu, n’est éternel. Mais devant l’histoire de notre pays, et devant les générations futures, nous serons comptables de ce que nous aurons laissé en héritage. Nous serons jugés sur la manière dont nous avons œuvré pour empêcher les dérives qui se sont déroulées de notre temps. Et comme disait le Président Mathieu Kérékou, « nous n’avons pas le droit de sacrifier cette jeunesse ».
Alors, Chers compatriotes, vigilance, courage, action ! A l’unisson !