La pratique du quatrième art très tôt répandue au Bénin grâce aux missionnaires et aux anciens élèves des grandes écoles coloniales, est aujourd’hui à la croisée des chemins. Métier pour certains. Passe-temps pour d’autres. Le secteur est partagé entre une course effrénée vers le professionnalisme et une quête de popularité.
Le théâtre simple passion, envie de monter sur la scène pour dire son mot…Cet art est pour nombre de personnes qui n’étaient qu’amateurs au début, une profession. Carole Lokossou est comédienne et vit du théâtre depuis quelques années. C’est « un métier né d'une passion » révèle-t-elle ; elle qui a fait ses armes à l’université au sein de l’Ensemble artistique et culturel des étudiants (Eace). Et Carole Lokossou n’est pas la seule issue du théâtre « universitaire ». Dans l’arène, nombre de comédiens ont emprunté la même route pour devenir professionnel du théâtre et des métiers connexes. Pour le metteur en scène Dine Alougbine, qui dirige l’Ecole internationale de théâtre du Bénin (Eitb) sur la plage de Togbin non loin de Cotonou, le théâtre «est un métier à plein-peau, raison de la création de l’EITB ». Tout comme Dine Alougbine, Tola Koukoui, metteur en scène non moins renommé explique, que le théâtre, une simple passion pour lui au début, est devenu son gagne-pain. « J’ai commencé au départ par me faire tout seul à travers mes dispositions naturelles quand j’étais à l’école primaire... »
Mais qui est donc professionnel du théâtre. Qui ne l’est pas ? Une classification est-elle opportune ? Le statut de l’artiste béninois entré en vigueur il y a quelques temps distingue aussi le professionnel du semi-professionnel et de l’amateur.
La question du théâtre dit populaire et le professionnalisme
Une forme de théâtre égaye les cœurs des populations béninoises du nord au sud. C’est le phénomène du théâtre dit populaire dont l’incarnation a été entre autres, la troupe « Towakonou » avec le célèbre Adjagnon Dèhoumon alias Baba Yabo. Cette troupe caricaturait les habitudes des porto-noviens. Tout comme « Towakonou » d’autres troupes ou compagnies plus récentes comme « Les échos de la capitale », « Qui dit mieux », le duo Pipi Wobaho et Eléphant Mouillé se signalent dans l’arène et regroupent en leur sein, des personnes dont le théâtre n’est pas forcément la profession. Et, c’est là, le procès fait à cette forme de théâtre. On le compare au « théâtre vaudeville », genre théâtral français dont l’intrigue comique repose essentiellement sur le quiproquo. Dine Alougbine pense que le théâtre professionnel peut être populaire, en ce sens qu’il lui suffit de l’adapter aux besoins de la masse. Car, souligne-t-il, le public s’intéresse à tout ce qui est spectacle, même aux bagarres. Pour Carole Lokossou, le théâtre dit populaire est un genre à respecter, parce qu'ayant un public qui mérite respect. Mais au Bénin, « ce théâtre dit populaire rassemble en son sein beaucoup de promeneurs du dimanche qui n'ont aucune notion du métier, veulent juste profiter de la gloire que peut procurer le métier et prétendent à une fonction de comédien ou de metteur en scène sans en avoir le métier. » Le metteur en scène Dine Alougbine déplore aussi le fait et trouve que « les artistes qui travaillent ne sont pas ceux qui font le plein du palais des sports ». Son combat est aujourd’hui de mettre des spectacles professionnels sur des supports Cd et d’amener le théâtre professionnel dans les rues, les écoles afin de le populariser. Car souligne-t-il, on peut être populaire et professionnel. Le tout est de s’adapter au public en lui apportant le spectacle donc il a besoin. Comme Jean Vilar et son maître Firmin Gémier, le directeur de l’Eitb, invite à un décloisonnement du théâtre. Afin que les professionnels soient plus populaires et que le théâtre populaire se professionnalise.