Suite au dernier redéploiement à la Justice, une nouvelle crise politico-judiciaire s’installe progressivement dans le pays. En fait les hostilités ont repris entre magistrats et gouvernement.
C’est toujours la lune de fiel entre le gouvernement et l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab). Un nouveau bras de fer est plus que jamais d’actualité entre les deux parties. Si la nouvelle pomme de discorde est le nouveau redéploiement à la Justice, il faut d’abord souligner que la tension est remontée d’un cran en raison des mauvais traitements infligés par la Police au juge Angelo Houssou. Ce dernier a fait l’objet de traitements déplacés suite au non-lieu qu’il a prononcé dans les présumées affaires de tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat et de coup d’Etat.
Alors que la suite de cette situation n’a pas fini de faire tomber la tension, le gouvernement du Président Yayi Boni a ravivé la crise pour avoir opéré un redéploiement dans le milieu judiciaire qui n’’est du goût des magistrats. Les nominations prononcées en Conseil des ministres le 28 mai 2013 violent les règles de préséance prévues par la loi portant statut de la magistrature, dénonce l’Unamab. En termes clairs, la hiérarchie n’a pas été respectée dans les nominations du ministre de la Justice.
Ce qui a amené l’Unamab à dire qu’elles n’ont d’autres visées que de diviser les magistrats mobilisés autour du juge Angelo Houssou à effet de l’aider à recouvrer ses attributs de citoyen libre. « Ces nominations provocatrices, démotivantes ne sont pas de nature à faire régner la paix entre l’Exécutif et l’Unamab. Loin des secousses permanentes, la justice de notre pays nécessite des réformes approfondies et courageuses indispensables pour attirer les investissements vers la destination Bénin.
La politisation de la justice de notre pays est une épée de Damoclès qui nous guette tous… », a fait savoir l’Unamab dans un récent communiqué de presse. De son côté, le gouvernement a balayé du revers de la main les griefs portés contre lui par l’Union nationale des magistrats du Bénin.
Compte tenu de la gravité de la situation, l’Unamab est allée exprimer ses vives inquiétudes au Président de la Cour suprême, Ousmane Batoko, ce mardi 04 juin 2013 à Porto-Novo.
Conséquences
A l’analyse des faits, il y en ressort que la crise entre le gouvernement et l’Unamab a atteint son paroxysme. Ce qui ne restera pas sans conséquences sur l’appareil judiciaire béninois. A cet effet, une question se pose : comment se comporteront les magistrats lésés par les dernières nominations dans les juridictions et à la chancellerie ? Ils travailleront sans doute en ayant le gouvernement dans leur viseur. On doit craindre un dysfonctionnement de l’appareil judiciaire dans les jours à venir. Dans ces conditions, ce sont les justiciables qui en feront certainement les frais. Conséquences, la situation carcérale du Bénin sera plus critique. Or, selon le dernier rapport d’Amnesty International sur le Bénin, plus de 97% des pensionnaires des prisons de Cotonou sont en détention préventive. Ceci nécessite des réformes courageuses pour corriger cet état de choses. Au lieu de cela, on assiste à des nominations qui fâchent.
Laguéguerre permanente entretenue entre les deux parties est une menace pour les investissements. Qui viendra investir dans un pays où la justice est en permanence instrumentalisée et politisée à la fois ? Personne. Pour preuve, malgré les multiples appels lancés aux investisseurs étrangers par le Chef de l’Etat, très peu d’entre aux affluent vers le Bénin. Même, les nationaux peinent à trouver leurs marques.
En attendant la tenue des états généraux de la justice, annoncés à grands renforts médiatiques, et reportés sine die par le gouvernement, la tension est toujours vive. De notre point de vue, on a l’impression que les autorités béninoises n’ont pas encore pris conscience du rôle de la justice dans le développement du pays, sinon des situations conflictuelles entre l’Exécutif et le Judiciaire doivent être conjurées. Les uns et les autres espèrent que le changement positif tant attendu dans l’appareil judiciaire béninois sera réalité, un jour.