Le décryptage de l’actualité politique nationale ne préoccupe pas que les médias béninois. La presse internationale en fait aussi ses choux gras. Le magazine parisien « La lettre du continent » a, dans son numéro 691, du 8 octobre 2014, a passé au crible la fin de règne du président Yayi Boni. Voici la production.
A l’approche de la présidentielle de 2016, le régime béninois semble en état de mort cérébrale.
Sous l’influence de prêtres évangélistes formant un cordon étanche autour de sa personne, Thomas Boni Yayi alterne le chaud et le froid dans sa gestion quotidienne, sans pouvoir insuffler une gouvernance rationnelle au pays. Sur fond de prétendus complots, de grands pardons ou de prières pour faire tomber la pluie, les tensions sociales s’accentuent alors que le débat sur sa participation ou non au prochain scrutin est loin d’être clos.
2016, toujours d’actualité ? Le chef de l’Etat a juré ses grands dieux qu’il ne modifierait pas la Constitution pour briguer un nouveau mandat. Cependant, il ne cesse de jeter le trouble par ses déclarations contradictoires. Le discours tenu à Boko mi-septembre, selon lequel le Bénin ne disposait d’aucun budget pour organiser des élections, n’est pas de nature à rassurer sur ses intentions. Et ce d’autant plus que les responsables d’institution qui lui sont proches entonnent le même refrain.
Reçu le 6 octobre au palais de la Marina, le président de la Cour suprême, Ousmane Batoko, a ainsi évoqué l’impossibilité d’organiser les municipales cette année en raison de l’impréparation du scrutin. Or, cette élection aurait déjà dû se tenir en 2013. Les contempteurs de Thomas Boni Yayi voient dans ces explications fumeuses et ces reports récurrents autant de ballons d’essai destinés à « endormir » l’opinion et à « sonder » la classe politique quant à la possibilité de reporter la prochaine présidentielle sine die.
Purges. Ces incertitudes s’accompagnent d’une chasse aux sorcières menée tambour battant envers les ambitieux qui aspirent à succéder au « chef ». Le ministre de l’économie et des finances, Jonas Gbian, vient indirectement d’en faire les frais. Fin août, il a été sorti du gouvernement car suspecté de renseigner son frère Robert Gbian. Ce dernier, ex-directeur de cabinet de Thomas Boni Yayi, se pose comme un candidat sérieux pour 2016.
Pour le neutraliser, le président béninois a nommé plusieurs ministres originaires du Nord comme Robert Gbian, à l’instar de Théophile Yarou (défense) ou Aboubakar Yaya (fonction publique). Il tente également d’éclabousser son ancien collaborateur en agitant une supposée malversation dans l’achat de l’avion présidentiel. Il s’emploie parallèlement à ternir l’image de son ex-premier ministre Pascal Koupaki, lequel vient lui aussi de se positionner pour le même scrutin.
Régime pasteurisé. Ce contexte délétère est aggravé par l’emprise des pasteurs évangélistes sur les décisions présidentielles, comme en atteste la gestion catastrophique de la campagne cotonnière 2013-2014 (Le n°690). Isolé par cette garde rapprochée - outre les évangélistes du palais, Thomas Boni Yayi consulte régulièrement un pasteur afro-américain très influent qui réside à Cotonou -, le chef de l’Etat a réussi le tour de force de se couper progressivement des personnalités et relais politico-financiers ayant permis son accession au pouvoir.
De l’homme d’affaires Patrice Talon au trader pétrolier Samuel Dossou, la liste est longue. La rupture avec Ismaël Soumanou, patron de La Gazette du Golfe, premier groupe de presse privé du Bénin, est le dernier exemple de ces défections en cascade. Il y a quelques semaines, Ismaël Soumanou a envoyé un message par porteur spécial au chef de l’Etat lui annonçant ne plus pouvoir continuer « à servir votre gouvernement comme je l’ai si bien fait avec fidélité et loyauté depuis avril 2006 ».
Il est reproché à Thomas Boni Yayi de ne pas respecter les termes du contrat de ommunication liant les deux hommes. D’où les graves difficultés de trésorerie que connait ce groupe comprenant la chaîne de télévision Golfe Tv, la radio Golfe Fm, le journal éponyme La Gazette du Golfe, une régie publicitaire, ainsi qu’un réseau de panneaux d’affichage dans les principales villes du pays. Le pouvoir aurait déjà menacé Ismaël Soumanou de retirer toutes les fréquences de ses différents médias .