Adrien TOSSOU, Enseignant-Menuisier : « Je suis certes un enseignant contractuel de l’Etat mais je m’occupe pendant mes vacances à faire la menuiserie »
Contrairement à ces collègues enseignants qui se donnent généralement du repos pendant les vacances, Adrien TOSSOU, un professeur d’Histoire-Géographie au CEG2 Lokossa s’est plutôt trouvé une autre activité : la menuiserie. Tout en se servant d’exemple pour ses élèves qui vadrouillent pendant cette période d’inactivité au lieu de se trouver un travail, cet enseignant contractuel de l’État profite de la même occasion pour arrondir son salaire. Allons sur les traces de cet enseignant-menuisier, avec Jonas BOTCHI qui nous le fait découvrir. Il lui a rendu visite à son atelier situé entre la direction de SBEE Lokossa et l’entrée principale de l’IUT. Très affairé à monter des chaises, c’est tout en travaillant qu’Adrien TOSSOU accepte volontiers de répondre aux questions du curieux visiteur.
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Adrien TOSSOU : On m’appelle Adrien TOSSOU, je suis professeur d’histoire et de géographie au CEG2 Lokossa.
A vous voir au travail, on devine que vous n’êtes pas un client. Que vient chercher un professeur d’histoire-géographie dans un atelier de menuiserie ?
Ici c’est l’atelier de mon grand-frère. Comme nous sommes en vacances et vu que j’avais quelques connaissances en menuiserie, j’ai voulu mettre ces vacances à profit pour mener certaines activités ici. Actuellement, comme vous le constatez, je fabrique un ensemble de tables et chaises. Je suis certes un enseignant contractuel d’Etat mais je m’occupe pendant ces vacances à faire la menuiserie pour ne pas me reposer à longueur de journée.
Pourquoi vous ne vous donnez pas un repos bien mérité comme la plupart de vos collègues pendant ces vacances ?
Je suis jeune et tant qu’on est jeune, on n’a pas le droit de se reposer. C’est quand on est vieux, qu’on se repose. On dit souvent que c’est par le travail que nous allons bâtir la nation et nous l’enseignons aux élèves. Alors on ne doit pas se reposer tant qu’on a la force et la santé pour travailler.
Que ressentez vous lorsque des élèves ou vos collègues tombent sur vous par hasard dans un atelier de menuiserie pendant ces vacances ?
Je ne vois pas d’inconvénient à cela. C’est parce que je veux servir d’exemple que je fais cette activité. Ceux qui viennent me voir, ne font qu’apprécier et je les invite à faire comme moi. Le garçon qui est à côté de moi et qui m’aide, c’est mon neveu. Il passe en classe de troisième. Autant pour lui et les autres élèves qui viennent me voir ici, ça va lui montrer qu’on ne peut pas se reposer et avoir le bonheur. Que les enfants passent les vacances à regarder les feuilletons et à la fin c’est les parents qui se gênent pour payer les fournitures, je vois que ce n’est pas bien. Les enfants doivent aussi faire quelques activités pour s’acheter leurs fournitures. C’est aussi ça, l’éducation. Notre programme d’étude est basé de nos jours sur l’approche par compétence et je pense que les élèves doivent chercher des occasions pour monnayer les compétences qu’ils développent dans les classes pour s’insérer dans un métier.
Parlant de compétences acquises en classe et à exploiter dans un métier, quel lien y a-t-il entre l’histoire-géographie et la menuiserie ?
Il n’y visiblement pas de lien direct entre l’histoire-géographie et la menuiserie mais tout se passent dans la tête. A mon avis, un historien-géographe peut faire de la menuiserie, de l’agriculture, de l’élevage ou toute autre activité lucrative dans laquelle il se sent le mieux à l’aise. C’est une affaire de volonté.
Que pensez-vous de vos collègues qui passent les vacances à regarder la télé toute la journée?
Je ne ferai pas leurs procès en les accusant. Mais très souvent, nous disons que les salaires sont insuffisants qu’il faudrait que l’Etat les augmente. Je crois que si pendant les vacances, nous nous trouvons d’autres activités, cela pourrait combler un tant soit peu, le déficit pour subvenir à nos besoins. Quand on se plaint de l’insuffisance du salaire et au même moment on a du temps pour se reposer, ce n’est pas bien. Comme je le disais tantôt, le jeune n’a pas droit au repos. Quand on se plaint, on ne peut pas rester les bras croisés et avoir de l’argent. Il faut travailler et travailler dur. Je leur demande donc de se trouver d’autres activités pendant les vacances pour arrondir les angles. Ça peut ne pas être forcément la menuiserie.
Pourquoi avez-vous choisi la menuiserie au lieu d’une autre activité plus prestigieuse ?
D’abord, je ne fais pas que la menuiserie comme activité pendant ces vacances. J’ai mon champ de maïs que j’ai déjà bien sarclé. Et qui vous dit que la menuiserie n’est pas prestigieuse ? La menuiserie est un métier noble. C’est ceux qui sont à l’écart qui voient que ce n’est pas bien. D’ailleurs, tout métier a sa noblesse. Tout dépend de comment on la pratique. Quand on s’y met, on trouve ce qu’on cherche.