A la découverte de Mme Mireille Houngbédji, (Peintre-Dessinatrice-Sérigraphe) : Une jeune dame qui exerce avec passion, un métier catalogué « métier d’homme»
Publié le samedi 18 octobre 2014 | La Presse du Jour
Du journalisme avec Mme Laure Agbo Adovelandé dans la précédente parution, nous atterrissons ce vendredi, à un métier que l’on ne voit généralement exercer que par des hommes. L’art plastique, et précisément la peinture. Un métier qui devient pourtant de moins en moins l’apanage des hommes et au sein duquel l’on répertorie de plus en plus des femmes qui s’y impliquent vaillamment. En l’occurrence Mme Mireille Houngbédji, la trentaine. Originaire de la capitale historique du Bénin, Ouidah, la dame du jour est une passionnée de son métier. Détenant un atelier de peinture en face du marché Notre Victoire des Apôtres d’Agla, elle confie ne rien attendre de quiconque pour vivre, son métier lui permettant de subvenir à la plupart de ses besoins.
Quel sentiment vous anime en exerçant un métier fortement masculinisé ?
C’est un travail que j’exerce depuis 7 ans environ, et je ne me suis jamais sentie gênée par le fait que je sois une femme à l’exercer. Certes, personne ne l’a jamais exercé dans ma famille. Mais moi, je l’ai appris avec la grande ambition de l’exercer. Une ambition devenue une réalité. Je me sens très à l’aise dans ce métier comme si je travaillais dans un bureau.
Généralement, ce sont les hommes que l’on voit exercer ce métier. Qu’est-ce qui vous a motivé, vous, en tant que femme, à en faire une option ?
J’ai une forte passion pour ce métier. C’est donc par passion que je l’ai embrassé comme profession. Contrairement aux autres femmes, je n’ai jamais voulu faire la couture, ni la coiffure, ni les autres métiers auxquels s’adonnent généralement les femmes. Ainsi, en dehors de ma passion pour ce métier, mon principal objectif était de marquer la différence et de faire un métier qui a été longtemps jugé fait pour et par les hommes.
Parlez-nous de vos débuts dans le métier ?
J’ai commencé mon apprentissage à Cotonou. C’était dans la peinture des bâtiments, le dessin et le graphisme sur toute surface, la sérigraphie et l’enseigne lumineuse. Ensuite, je me suis rendue à Lomé pour renforcer mes capacités dans le dessin et plus précisément, pour apprendre le dessin sur les t-shirts. De ce fait, j’ai obtenu deux diplômes délivrés par deux différents patrons, l’un béninois et l’autre togolais. C’est ainsi que quelques temps après mon retour à Cotonou, j’ai ouvert mon atelier de peinture au quartier Agla.
Dans le contexte actuel, peut-on affirmer que ce métier nourrit son homme ?
Honnêtement, il nourrit celui qui l’exerce. Je dois avouer que depuis que j’ai ouvert mon atelier, je n’ai jamais manqué d’empocher de l’argent. Ce qui me permet aisément de subvenir à mes besoins quotidiens sans rien attendre de qui que ce soit. Les revenus de mon métier me permettent aussi de prêter main forte à mon époux en cas de besoin. Cet aspect des choses, m’amène à indiquer ici que je crois personnellement que la femme ne doit pas laisser toutes les dépenses du ménage à la seule charge de son mari. Elle doit lui donner des coups de main. Car c’est de la complémentarité des partenaires que naît l’harmonie du ménage.
Restant dans ce volet, comment parvenez-vous à gérer cumulativement votre travail et votre foyer ?
Avant de venir à 8h et parfois 9h au service, je m’active à la maison pour finir mes tâches domestiques d’épouse et de mère avant 7h 30. Ce qui implique que je me réveille assez tôt, soit 2 à 3 heures avant, afin de remplir mes obligations de femme d’intérieur avant de me rendre au boulot. Mais il arrive que je vienne à l’atelier vers 12h, en raison de certaines exigences. Aussi, je fais tout possible pour sortir les soirs du boulot, à 19h en vue d’aller cuisiner pour mon époux et m’occuper de mon enfant. Ceci, pour que mon mari ne se fâche pas. J’essaie donc de bien m’organiser pour que mon travail ne pénalise pas mon époux ni mon enfant.
Hormis ces contraintes familiales, quelles autres difficultés rencontrez-vous dans l’exercice de votre métier ?
Les difficultés sont légion. D’une part, je suis une femme allaitante. Ce qui m’oblige à m’occuper simultanément de mon enfant et de ma peinture, pour ne pas perdre ma clientèle. D’autre part, il arrive que certains de mes clients soient mécontents et jugent les œuvres qu’ils m’ont commandées, imparfaites. Dans ces cas là, je suis souvent obligée de reprendre totalement le travail abattu pour pouvoir les satisfaire et toujours pour ne pas perdre ma clientèle. Ce qui me fait dépenser énormément. Aussi, il y a le problème des clients qui me lancent des commandes, mais qui ne viennent plus les récupérer. Ce qui me fait en général d’énormes pertes de temps, de matériel et d’argent. Mais je suis consciente qu’aucun métier n’est exempt de difficultés. Ces contraintes ne me découragent donc pas à exercer mon métier avec toute la passion et le professionnalisme requis.
Au regard de votre détermination et endurance, quels conseils avez-vous à l’endroit des jeunes filles qui décideraient de vous emboîter le pas ?
Je leur demande d’être courageuses. En effet, quand l’on est de l’autre côté, l’on pense qu’il s’agit a priori d’un travail aisé. Mais lorsqu’on s’y implique réellement, l’on réalise les contraintes et la complexité de ce métier, de sorte à ce qu’on ait immédiatement envie de laisser tomber. C’est pour cela que je les exhorte à la persévérance et à la passion du métier de sorte à pouvoir continuer à l’exercer quelles qu’en soient les difficultés.
Réalisation: Joseph-Martin Hounkpè (Stg) et Monaliza Hounnou