Après avoir proclamé le pardon le 14 mai 2014, Yayi Boni n’a pas voulu faire accompagner sa parole d’effets juridiques pour ce qui est du cas Patrice Talon. La raison est bien simple et trouve son ancrage dans la situation politique qui prévaut actuellement au Bénin. Yayi Boni sait très bien, combien Patrice Talon lui a été utile pour briguer la magistrature suprême en 2006 et en 2011. C’est en connaissance de cause qu’il craint de faire accorder à Talon son titre de voyage.
L’histoire de Patrice Talon et de Yayi Boni, s’apparente aujourd’hui à celle du petit léopard et du babouin. Le léopard est l’animal le plus craint par le babouin. Pour prendre sa revanche, le babouin renforce sa garde pour tuer toute progéniture de son réel prédateur. Permettre à Patrice Talon de revenir au bercail, et de circuler en toute liberté, est suicidaire pour le régime de la Refondation. Yayi Boni en est bien conscient. C’est une crainte qui habite le locataire de la Marina.Et, c’est la raison pour laquellele chef de l’Etat n’est pas prêt à commettre la « moindre erreur » de le faire revenir avec tous les effets juridiques du pardon. Dès lors, le simulacre de pardon s’est révélé comme l’appât grotesque devant permettre de piéger et de capturer Talon et Bocco. Voilà pourquoi, l’option en faveur du sauf-conduit est envisagée après les échecs dans les démarches qui devraient conduire à extrader Patrice Talon. Aucune des initiatives n’ayant abouti, Yayi cherche toujours comment faire pour en découdre avec Talon. A l’heure où tout le peuple est préoccupé par la tenue des élections, laisser rentrer Talon au pays serait un mauvais calcul politique. Patrice Talon ne peut pas rentrer maintenant, tel est le leitmotiv du chantre des Forces cauris pour un Bénin émergent. Pour Yayi Boni, son ancien allié risque de bouleverser les données politiques actuelles. Yayi s’imagine que Talon au pays, peut s’inviter dans le débat politique de la tenue des élections. L’homme est en mesure de déjouer tous les pronosticsen faveur de la démocratie. Car, le magnat du coton dans la sous-région ouest-africaine, est une véritable puissance économico-politique. Pour avoir martelé, sur les ondes de la radio française Rfi, qu’il n’accepterait jamais d’aller contre les principes démocratiques du peuple béninois, le président Yayi Boni n’est pas prêt à lui faire renouveler son passeport. En fait, ce qui ne se dit pas, c’est que la délivrance du passeport à Patrice Talon et, à Olivier Bocco, son compère exilé, doit être subordonnée à un nouvel accord politique. Yayi Boni, après avoir « accordé le pardon » aux personnes supposées impliquées dans les affaires de tentative d’empoisonnement et d’atteinte à la sûreté de l’Etat, attend le retour de l’ascenseur :nouer une complicité avec le richissime homme d’affaires et repartir sur de nouvelles bases politiques.
Pour un nouveau contrat
Le président Yayi Boni rêve d’un nouveau contrat politique avec Patrice Talon. S’il avait l’opportunité, ce serait de demander à Patrice Talon d’organiser une messe d’action de grâce pour le remercier pour le pardon. Ou encore, c’est de suggérer à l’homme d’affaires de faire tenir un meeting de soutien pour sa réélection en s’inscrivant dans la nouvelle expression en vogue du côté de l’Exécutif et qui s’intitule : « Après nous, c’est nous ». Mais, comme Yayi Boni sait, à l’avance, que cette éventualité n’aboutirait jamais avec Patrice Talon, il ne veut pas prendre le risque de le laisser rentrer au pays avec toutes les garanties liées à la jouissance d’un passeport. Yayi Boni ne devrait pas avoir oublié cette réponse de Patrice Talon, àChristophe Boisbouvier sur Rfi. « Le président m’a sollicité pour que j’accompagne son nouveau projet politique en utilisant mes relations, mes moyens pour obtenir auprès de l’Assemblée nationale le nombre de députés qu’il faut pour voter ce genre de modifications qui nécessitent une majorité qualifiée. Mais j’ai résisté. Comme nous sommes des amis, j’ai pu quand même lui faire comprendre que ce n’était pas indiqué, que ce n’était pas faisable, que ce n’était pas bien. Et même si j’avais voulu, ça n’aurait pas marché. Le peuple béninois est attaché à sa démocratie.Donc, j’ai refusé. » Cette seule réponse suffit pour ne plus compter sur Patrice Talon dans les projets qui ne font pas avancer la démocratie béninoise. En l’absence d’un nouvel accord politique, point de passeport pour Patrice Talon. En lieu et place, les services de la police proposent le sauf-conduit. Ce document permettra seulement à Patrice Talon, certes, de revenir au pays, mais de ne pas jouir entièrement de son droit d’aller et de venir partout et au moment voulu. Si tant est que le pardon du chef de l’Etat est effectif et total, il ne devrait pas avoir de restriction pour la délivrance de son passeport. A la réalité, il n’y a point de raison qu’on ne délivre à Patrice Talon et à Olivier Bocco leurs passeports. En conséquence, tout comme le président de l’Assemblée nationale, Mathurin Coffi Nago, l’homme d’affaires, Patrice Talon est indésirable chez Yayi Boni.