C’est les pieds bien ancrés dans la Mère Terre et la tête bien tournée vers le Créateur, que je partage avec mes Sœurs du Bénin cette analyse et cet acte de foi dans notre salut commun.
L’homme et la femme constituent les deux versants du paysage dont les sommets font la grandeur de l’humanité. Ils le sont d’autant que pour le développement et le gouvernement des sociétés, ils doivent collaborer dans l’harmonie et le respect des responsabilités qui leur incombent. Le pouvoir chez nous est pour le moment essentiellement masculin, et s’il y a une maxime bien connue et particulièrement chérie des hommes de pouvoir, c’est bien «diviser pour régner». Divide ut regnes, disait Machiavel. Ce virus, plus contagieux encore qu’Ebola et que, très souvent, chacun se plaît à critiquer quand ça l’arrange, a eu dans notre pays des fortunes diverses. Mais qui d’entre nous ne serait pas d’accord pour dire que les différents régimes qui se sont passé le relai à la tête de l’Etat ont eu le cynisme assez prudent et modéré pour ne pas verser dans le paroxysme, savoir jusqu’où il ne faut pas aller trop loin. Un vice, même affectionné du plus grand ennemi de la vertu, a besoin de sens pour être blâmé ou toléré dans une société qui elle-même a fait le pari du sens. Quel est le sens et quel est l’intérêt aujourd’hui pour le Bénin, pays à la croisée des chemins et à 52% fait de femmes, de voir s’opposer entre elles et s’entre-déchirer ses filles, héritières des braves guerrières de Danxomè ? La question n’aurait pas eu tant de gravité il y a huit, dix-huit voire vingt-huit ans. Le trouble qu’elle jette aujourd’hui dans les esprits, même les plus ouverts, est la preuve que son écho se fait grand et menaçant, en ce que c’est le pouvoir dit du changement lui-même qui, de façon ostentatoire et à travers ses représentantes les plus élevées, prend fait et cause pour la maxime du Florentin, en la dirigeant cette fois-ci, telle une arme, contre les femmes qu’il dit pourtant aimer. Et chaque jour qui passe confirme cette certitude, qui n’était encore que doute, qu’il existe dans les arcanes du régime actuel un funeste plan axé sur la «Guerre des femmes» pour diviser la Nation béninoise, dans son âme féminine et pacifique, dans sa partie la plus sensible et la plus vitale, au nom d’une éthique et d’une hygiène politiques dégradantes pour la République. Et en insistant pour que je suive à la télé le spectacle d’une des sorties de nos dames du pouvoir, un interlocuteur, grand ancien du système, n’aurait fait que confirmer l’existence d’un tel plan. Mais avant d’aller loin, exposons les faits.
FAIT N°1 : LES MICRO-CREDITS AUX FEMMES
Au lendemain de 2006, alors même que notre pays a connu depuis la Conférence Nationale et même avant, des programmes d’appui aux femmes en matière de microcrédits, sans tambours ni trompettes, parce que cela s’inscrivait dans la prise en main courageuse de cette frange de notre société, de loin la plus nombreuse et la plus prépondérante, le gouvernement dit du Changement se signala par l’initiative dite des «30.000 de microcrédits», prétextant de la bouée de sauvetage qu’elle représentait pour nos filles, sœurs et mères. Et c’est vrai, la cheville ouvrière de l’économie béninoise largement cantonnée dans l’informel a besoin de ressources financières pour amorcer un certain essor longtemps entravé par l’austérité des conjonctures économiques et des crises financières qui secouent le monde. Toutefois, une telle initiative est contraire aux vraies attentes des femmes et aux intérêts supérieurs du Bénin. Pourquoi ? D’abord parce que les 52% des Béninois qui participent à la production de la richesse nationale doivent être organisés pour sortir l’économie nationale de l’informel et non pour l’y fixer et l’y enfoncer avec l’aide de l’Etat lui-même. Ensuite, parce que le montant fétiche des 30.000 était irréaliste dans la sociologie économique actuelle de notre pays où le chômage des jeunes prend une part considérable : une bonne partie de cette somme est dépensée par les bénéficiaires elles-mêmes au lieu d’être investie en termes de financement, dans un premier temps au vu et au su du Gouvernement faussement providentiel par manque de programme d’action ou absence de stratégie économique au sommet de l’Etat. Le résultat de cette improvisation qu’il faut nommer par son vrai nom «gaspillage de deniers publics à but électoraliste», est que cette initiative a révélé au grand jour la raison véritable qui l’a fait naître : pendant que certaines bénéficiaires qui n’arrivaient pas à solder prenaient le chemin de la garde-à-vue dans les postes de police ou de gendarmerie, d’autres dans la même situation d’insolvabilité organisée n’avaient, pour éviter les mêmes ennuis policiers, qu’à se vouer à des protecteurs politiques. Pendant que les premières étaient privées de liberté, pourchassées en rase campagne et dans les maisons, les secondes devraient faire la «fumée» nécessaire autour de cette faillite sociale et économique en prenant d’assaut les voies publiques, les esplanades des édifices d’Etat pour chanter à la gloire du nouveau messie. On a compris : les microcrédits de 30.000 n’étaient pas un projet socio-économique, mais un coup politique et électoraliste pour embrigader et faire chanter nos mères, sœurs et filles. On peut soupçonner, non sans raison, quelques excès pas méchants dans ce tableau sombre ; mais grosso modo, c’est bien ce que les Béninois ont été capables de comprendre et que seul un bilan impartial et non partisan pourra révéler un jour. Et Dieu sait que les Béninois ne sont pas inintelligents ! Les premières grandes divisions de la gent féminine béninoise sous l’ère du Changement sont nées de là. Les 30.000 ont opposé et humilié les femmes au Bénin plus qu’ils ne les ont véritablement rassemblées ou grandies. On ne pouvait pas bénéficier de cette manne dite du chef de l’Etat en personne, sans chanter l’alléluia du Changement avec son lot de comportements peu recommandables. La promotion de la femme béninoise est faite en puisant dans ce vivier national partisan, rendu hypocrite et borné, à valeur économique presque nulle et exprès mal ficelée pour soumettre 52% de compatriotes au Diktat d’un pouvoir qui, dès le départ, savait où il allait dans son forfait contre la République et contre la Nation.
FAIT N°2 : LA PROMOTION DES FEMMES A TRAVERS LES NOMINATIONS
Si le régime dit du Changement pouvait être sérieux avec lui-même, il y a longtemps qu’il aurait mis un terme à la façon dont nos filles, sœurs et mères sont promues dans les instances administratives et politiques de notre pays depuis 2006. Là aussi, à partir du moment où le Gouvernement ne dispose d’aucun programme d’action dont la réalisation pouvait être suivie et appréciée de chaque citoyen, le chef du Gouvernement a tout loisir de se laisser aller et donner libre cours à sa politique du diviser pour régner. La femme béninoise n’est pas un faire-valoir politique et ne doit pas le devenir, pour les raisons évoquées plus haut, notamment parce qu’elle incarne la paix, la solidarité et constitue, au même titre que l’homme, un acteur de développement. C’est parce que la femme possède une valeur ajoutée comparative reconnue de par le monde que la réforme sur la parité et le genre peut avoir un sens. En effet, lorsqu’on envisage dans un pays comme le nôtre une réforme des mœurs de cette ampleur, le minimum recommandé est la pose de balises, de repères assez visibles pour l’évaluation, car l’objectif final doit être d’inciter à l’exemple et de susciter l’envie, en un mot créer la saine émulation. Mais que constatons-nous ? Nous constatons que celui qui est aux commandes dans notre pays peine à appliquer, même là, ce qu’on pourrait appeler la règle de la femme qu’il faut à la place qu’il faut – the right woman on the right place. En sorte que, dans la majorité des cas, beaucoup de femmes sont promues à certains postes de responsabilité en totale contradiction avec leur profil social, leur cursus scolaire et universitaire et leur parcours professionnel. Ce qui a la vertu quasi infaillible de desservir les femmes elles-mêmes dans leur effort d’organisation pour une meilleure représentativité sur l’échiquier politique. A l’instar des hommes, ces femmes contestent celles qui les représentent à certains niveaux de responsabilité, accusant ces dernières d’usurpation et d’arrivisme. Sans vouloir partager totalement ces avis qui ne sont pas faux, on peut toutefois affirmer que la femme béninoise est mal représentée et qu’un bon nombre de celles qui sont promues politiquement ne représentent souvent que l’ombre d’elles-mêmes, si ce n’est la localité géographique dont elles sont ressortissantes et à laquelle elles ne s’attachent qu’après nomination pour la cause que l’on sait. Et comme la promotion de la plupart d’entre elles tient à la volonté d’un homme et non à leur profil, cursus ou parcours personnels, elles n’ont jamais ou très peu la chance d’agir en responsables, soucieuses de défendre des valeurs et des idéaux ; et leur remplacement, aussi aléatoire que leur nomination, sonne leur disparition de l’espace public et politique, sauf si elles acceptent de continuer à servir les intérêts du grand tuteur. Alors que la communauté internationale dénonce avec vigueur l’esclavage sexuel de la femme dans le monde, on assiste dans mon pays à son esclavage politique au sein ou en dehors de l’appareil d’Etat. Bien souvent, cet esclavage est entièrement assumé, vécu en lui-même comme une promotion parce que les concernées sont politiquement abonnées à l’art du diviser pour régner ou de la prise en otage qui devient ainsi le dénominateur commun de toutes promotions politiques. Cette pratique appauvrit la connaissance et la formation politiques chez nos filles, sœurs et mères responsables qui perdent le sens de l’Etat au profit de la soi-disant messianité d’un homme, au point de semer le trouble dans l’esprit des générations plus jeunes, qui pourtant ont besoin de modèles crédibles. Dans l’ensemble, si les femmes béninoises sont peu fières de celles qui sont aux affaires ou officient dans les grandes sphères politiques, c’est parce qu’elles sont divisées contre elles-mêmes par des pouvoirs qui connaissent bien leur mot de passe et l’utilisent sans vergogne, cyniquement, pour les asservir politiquement. Nous sommes toutes et tous d’accord pour exiger que cette pratique prenne fin, le plus tôt que possible, dans une nouvelle dynamique assumée individuellement et collectivement.
FAIT N°3 : L’INSTRU-MENTALISATION DES FEMMES POUR REGLER DES COMPTES POLITIQUES
Comme nous l’avons écrit dans un passé récent : « La gent féminine instrumentalisée en marcheurs professionnels et embarquée dans un programme démagogique de microcrédits à taux zéro, essuie encore ses larmes face à la promesse de 30% de présence au Gouvernement qu’elle devrait reléguer aux oubliettes » (Cf. L’alternative crédible : 19 contributions pour rétablir la politique au Bénin, p. 135). Sans détours, l’instrumentalisation de la femme qui est à la fois l’œuvre et le paradigme du régime dit du Changement n’a d’autre but que de distraire l’opinion et d’échapper à la sanction populaire. En effet, depuis un certain temps, de façon assidue et intempestive, comme s’il y eut un péril qui venait menacer de front la citadelle donnée pour imprenable du régime du Changement, les femmes, disons certaines Béninoises, descendent dans les rues. Elles descendent dans les rues, désertant foyers et lieux de travail, non pas pour réclamer l’amélioration de leurs conditions de vie ou une meilleure gouvernance – jouant ainsi un rôle constitutionnel et de développement – , mais pour s’insurger contre leurs filles, sœurs et mères qui expriment des opinions différentes, et verser ainsi dans l’insulte, sans égard aucun pour l’âge, l’expérience et le parcours. A les voir, on distingue des visages d’éminentes personnalités censées parler aux femmes au nom des femmes. A les entendre pourtant, sourd une machination politique dont nos traditions et mœurs ont toujours réussi à préserver la femme béninoise, sauf à nos moments de grand déclin. Relayées dans différentes langues, les paroles sont destinées à enflammer les foules, au lieu qu’elles contribuent à les éduquer. De quoi parlent-elles souvent de façon aussi véhémente, comme si elles avaient une dette de décibels à payer à quelque commanditaire ? Pourquoi leur semble-t-il important que les Béninoises et Béninois écoutent ce qu’elles disent, au point que chacune d’elles le dit dans sa langue ? Comme elles en donnent l’air, croient-elles vraiment à ce qu’elles disent et sont-elles en mesure de le répéter une autre fois ou une fois éjectées de l’appareil par leur tuteur du moment ?
D’abord, ce qu’elles disent. Puisqu’elles sont pour la plupart de nouvelles anciennes ou d’anciennes nouvelles du régime dit du Changement, en général elles disent deux choses qu’on peut résumer en une : que la véritable libération de la femme béninoise n’est pas à l’ombre d’un pouvoir que l’on est ou que l’on était prêt à idolâtrer, y compris contre les intérêts mêmes des femmes et de la Nation tout entière. C’est donc des professions de foi apparemment contradictoires mais profondément jumelles qui disent la réalité sur le pouvoir actuel, lequel a appris à faire de la femme son faire-valoir et sa marionnette. Et ce ne sont pas les propos « insultants » du chef de l’Etat à l’endroit des femmes tenus le 1er février de cette année même qui le démentiraient. Et c’est parce que, autant qu’elles sont, nos filles, sœurs et mères, qui sont contraintes de jouer un tel rôle, le savent que l’espoir peut être permis. Que celles aujourd’hui aux affaires s’en prennent à celles hier dans les mêmes positions et inversement, c’est la preuve que le piège du changement que l’on croyait se refermer inévitablement sur la femme béninoise est en train de céder, puisque de façon infaillible on sait que les laudatrices d’aujourd’hui seront les pourfendeuses de demain. Toutefois, il y a une crainte : c’est que les deux oublient le rôle privilégié lié à leur statut et versent dans la politicaillerie, comme si tant qu’on n’a pas dévié de ses valeurs et idéaux républicains, on n’est pas homme ou femme politiques. C’est dire qu’il est tout à fait intéressant de voir que même le pouvoir pour le pouvoir, s’il peut retarder la prise de conscience de la femme, ne peut l’empêcher, mais à condition que les femmes qui sont en cause changent la manipulation dont elles sont l’objet en stratégie de lutte au service de la femme béninoise. De là, la question de savoir si elles croient ce qu’elles disent. De deux choses, l’une. Puisque l’instrumentalisation ne produit ses effets que lorsque la victime vit dans l’ignorance perpétuelle de sa propre mésaventure, si nos filles, sœurs et mères qui sont actuellement du côté du pouvoir savent, en leur âme et conscience, qu’elles font économie de vérité en disant ce qu’elles disent, elles ont une chance de se tirer d’affaires ; dans le cas contraire, c’est la République toute entière qu’elles entraîneraient dans leur chute et en porteront la responsabilité. Parallèlement, si nos mères, sœurs et filles qui étaient du côté du pouvoirs mais ne le sont plus actuellement savent que leur nouveau rôle n’est pas de tomber de Charybde en Scylla ni de considérer celles qui leur renvoient leur propre image d’hier comme des perdues ou des vendues, elles auront gagné de savoir que ce n’est pas le tutorat politique du pouvoir en place qui est nuisible à la cause de la femme béninoise, mais tous les tutorats, y compris ceux de l’opposition calculatrice qui ne module ses ardeurs que sur ses intérêts partisans. Mais là aussi toutefois, il subsiste une crainte : comment savoir que les unes et les autres sont dans cet état d’esprit, dans cette disposition, cette dynamique qui préserve les intérêts de 52% de Béninois et même au-delà, puisque, comme je l’ai dit, c’est ensemble avec les hommes que nous allons relever la République en péril. C’est donc à elles de montrer et de démontrer que leur élan n’est pas un tribut politique qu’elles payent à quelque potentat ou commanditaire cynique, et qu’elles sont prêtes, jusque dans leurs décibels, à payer le prix de leur émancipation responsable et légitime dans le corps unifié de la République et des traditions, puisque se prévalant désormais du titre de «tanyinon» (vestales). C’est la raison pour laquelle il m’est loisible de penser que toutes ensemble réunies, les femmes ont les moyens de changer leur instrumentalisation par les pouvoirs, en une arme efficace de conquête pour prendre les positions qu’il faut dans les conditions objectives et subjectives qu’il faut.
LA GUERRE DES FEMMES N’AURA PAS LIEU !
Nos filles, sœurs et mères au sein ou en dehors de l’appareil d’Etat le savent. Ce qui fait notre force dans la Nation et la République, ce n’est pas nos petites querelles qui ne reposent sur rien de concret et de décisif mais sur des intérêts immédiats et éphémères. Ce qui fait notre force dans la Nation et la République, ce n’est pas la foi dans le tutorat politique d’où qu’il vienne, la foi dans un messianisme sans foi ni loi, la croyance que notre salut se trouve lié à certains potentats, fussent-ils président de la République ou notabilités politiques de haut rang. Ce qui fait notre force dans la Nation et la République, ce n’est pas les décibels que nous produisons en nous invectivant entre nous-mêmes, laissant passer la caravane des pouvoirs sans savoir ce qu’elle porte et transporte. Notre force à nous femmes béninoises est dans l’unité librement consentie, faite de notre amour pour cette nation, pour la République, pour les populations et pour les générations montantes. Notre force à nous femmes béninoises, à quelque niveau de responsabilité où nous nous trouvons, est dans la conscience de bien faire tout ce que nous faisons, dans la foi en nous-mêmes d’abord et en nos valeurs, celles de notre éducation et de notre savoir-être, en nos capacités intrinsèques et extrinsèques pour accompagner le développement national à tous les niveaux. Notre force à nous femmes béninoises, qui que nous soyons, en dehors ou dans l’appareil d’Etat, est dans nos idées de développement, d’entente et de paix, notre fermeté à les défendre, dans notre détermination à nous mobiliser autour de nos intérêts stratégiques qui forcément rejoignent ceux du peuple, les gestes simples mais efficaces dont nous serons capables pour nous donner la main autour d’une même cause : cette nation, ce peuple, notre Etat, notre démocratie, la bonne gouvernance, le respect des lois et des institutions. C’est dire que nous ne devons nous tromper ni de combat ni d’adversaire ni de voie. Même si des combats, il en existe ; des adversaires, il en existe ; des voies, il en existe, et que les réclames en sont faites tous les jours de tous côtés. La foire politique ne doit pas nous amener à oublier ce qui explique fondamentalement notre présence sur la scène politique. Notre combat est le même, notre adversaire est le même et notre voie de salut : entente, paix, respect mutuel et respect des institutions, etc., n’a pas changé et ne doit pas changer. Et nos victoires seront d’autant plus éclatantes qu’elles couronneront nos efforts conjugués de nous toutes, unies comme un seul homme !