Depuis le vendredi dernier, la polémique enfle au sujet de la prestation de serment du magistrat Euloge Akpo en qualité de juge au sein de la 5ème mandature de la Cour constitutionnelle. Pour certains analystes, ce dernier n’a pas qualité pour siéger au sein de l’institution tandis que pour le docteur en Droit public, Gilles Badet, Euloge Akpo remplit bel et bien les conditions pour faire partie des sept sages.
Après la non-reconduction du mandat du président de la Cour constitutionnelle sortant, c’est la prestation de serment du magistrat désigné par le Chef de l’Etat pour siéger en qualité de juge au sein de la 5ème mandature de l’institution qui est au cœur des débats. Au nombre des réactions mitigées enregistrées suite à la prestation de serment, la plus remarquable est celle de l’ancien député et ancien président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, Ismaël Tidjani Serpos. Magistrat de formation, il invite le juge Euloge Akpo à rendre le tablier en raison de la non-satisfaction du critère d’ancienneté exigé pour assumer la charge constitutionnelle. « Si magistrat, je suis nommé indument à la Cour Constitutionnelle parce que ne remplissant pas les conditions constitutionnelles d’ancienneté dans cette corporation judiciaire, dois-je me complaire dans cette violation des textes de base de notre démocratie en acceptant d’aller prêter serment pour entamer l’exercice d’une fonction à laquelle je n’ai manifestement pas droit. Pour quelqu’un qui doit prendre part à l’animation d’une institution de cette importance et qui est en charge du contrôle de constitutionnalité, il n’est pas normal de se montrer d’entrée de jeu complice d’une violation de la loi fondamentale, ou complaisant d’une telle violation surtout pour un magistrat; si des conditions ne sont pas remplies, on n’a pas besoin, pour sa propre crédibilité, d’attendre une décision de la Cour Constitutionnelle pour décliner sa participation… », expose-t-il en invitant le nouveau juge de la Cour à préserver son honneur à travers sa démission.
Les clarifications du politologue Gilles Badet
« Il convient de relever aussi que la période de formation des magistrats (lorsqu’ils sont auditeurs de justice), est prise en compte pour calculer leur ancienneté. M. Euloge Akpo, magistrat, entré en formation en 1998, a donc bel et bien 15 ans d’ancienneté, et non 13 ». Ainsi, se résument les clarifications du Docteur en Droit public à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC), Gilles Badet au sujet de la présence du magistrat Euloge Akpo au sein des sages de la 5ème législature. Ainsi, pour ce politologue, la polémique au sujet de l’ancienneté du nouveau juge de la Cour n’a pas sa raison d’être. Aussi, estime-t-il, ni la nomination encore moins la prestation de serment de ce dernier en qualité de juge constitutionnel ne viole les dispositions de la loi fondamentale.
La prestation de serment des membres de la nouvelle mandature de la Cour Constitutionnelle a eu lieu le vendredi 07 juin 2013 à la salle du peuple du Palais de la Marina. Par ce geste, les sept sages de la cinquième mandature de la Cour constitutionnelle sont officiellement entrés dans leurs fonctions. Pour l’occasion, étaient présents, outre le chef de l’Etat, Boni Yayi, les présidents des institutions de la république, les membres du gouvernement ainsi que plusieurs délégations étrangères. Ce sont donc Marcelline Gbèha Afouda, Lamatou Nassirou, Théodore Holo, Euloge Akpo, Me SimpliceDato, Zimé Kora Yarou et Bernard Dégboé qui ont juré, la main droite levée, de respecter à la lettre la Constitution du 11 décembre 1990 et de garantir son respect. Cette cérémonie tire sa source de l’article 7 de la Constitution béninoise qui stipule qu’« Avant d’entrer en fonction, les membres de la Cour Constitutionnelle prêtent serment devant le Bureau de l’Assemblée Nationale et le Président de la République ». Dans son allocution, le Président de la République a salué le travail des conseillers de la mandature finissante, indiquant au passage « qu’au cours de l’examen des dossiers parfois délicats qui leur ont été soumis et en dépit des pesanteurs de tous genres, l’esprit de patriotisme, le sens de responsabilité et le souci de l’intérêt supérieur de la nation les ont toujours guidés dans les décisions rendues pour le plus grand bien de nos populations, le maintien de la stabilité politique de notre pays et la crédibilité de notre démocratie ».
Il a notamment félicité Robert DOSSOU, le président sortant de la haute juridiction en lui témoignant « la reconnaissance de toute la nation pour sa compétence, son abnégation, son dévouement à la patrie et son sens aigu de responsabilité dans l’exercice de ses fonctions ». Quant aux membres de la nouvelle mandature, Boni Yayi leur a recommandé de « dire le droit et rien que le droit […] malgré les incompréhensions, les méfiances ou même les hostilités qui pourraient surgir sur [leur] chemin ».La nouvelle équipe qui compte quatre anciens membres (Théodore Holo, Zimé Kora Yarou, Marcelline Gbéha épouse Afouda et Bernard Dossou Dégboé) prend ainsi les rênes de la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle pour un mandat de cinq ans.
Les sages se réuniront probablement mercredi prochain pour élire le bureau de l’institution.
Désignés respectivement le 21 mai par le bureau de l’Assemblée nationale et le 30 mai par le président de la République, ils ont la lourde charge de garantir le respect de la constitution du 11 décembre 1990.