Dépositaires uniques de l’autorité de l’Etat dans les départements, les préfets Béninois avaient habitué leurs administrés à quelques particularités dans lesquelles figure en bonne place la discrétion politique. Au fil des années, cette particularité s’est affaissée. L’observation de l’actualité politique montre une présence plus accrue de ces autorités administratives dans des manœuvres politiques. Et bienvenus les conflits d’intérêts.
Le week-end dernier à Parakou, lors de la « marche de soutien » des femmes dites « Bulldozers », un groupe de femmes FCBE soutenant les actions de Boni YAYI, opposé à celui des femmes FCBE dit « Amazones », ne soutenant plus les actions de Boni YAYI, on pouvait voir Madame le préfet du département du Borgou-Alibori, prendre la parole aux côtés de certaines femmes ministres dans le gouvernement de la refondation, auteurs de l’initiative de la marche. Comme elle, ils sont nombreux, ces préfets à prendre une part active dans les activités à caractère politique : meeting, marche et messe de soutien ou de remerciement comme il est courant depuis quelques années au Bénin. Ils ne se cachent pas, et expriment clairement leur soutien politique à l’autorité dont ils pouvaient se contenter de bien servir dans le cadre des liens hiérarchiques.
Dans un passé antérieur à avril 2006, cet état de choses n’était pas courant sinon presque inexistant. Les préfets d’alors faisaient preuve d’une discrétion politique qui leur conférait une autorité plus raffermie. Mais les choses ont évolué, avec le temps et les circonstances politiques. Par suite, certains faits se faisant souvent rares dans l’arène politique ont commencé par se multiplier. Il s’agit premièrement des interdictions et des répressions quasi systématiques de manifestations politiques allant à l’encontre du camp politique soutenu par le préfet en question, et qui souvent n’est que celui de l’autorité hiérarchique, le chef de l’Etat. Secundo, il s’agit de la collaboration devenue difficile entre les préfets et les conseillers communaux des communes sous leur tutelle. Les communes en question, sont celles dans lesquelles, le camp politique qu’ils soutiennent et qu’ils ont eu antérieurement l’opportunité d’exprimer publiquement, est en minorité. Spécifiquement, le constat peut être fait lors de l’élection des maires dans ces communes. Ces élections tenues sous la direction des préfets, finissent toujours par des contestations. Soit des textes violés, soit des pratiques sources de polémiques. A la suite des élections municipales, communales et locales de 2008, ces dérapages étaient courants. Actuellement, le scénario qui se déroule à Kandi n’est pas moins illustratif. Même si engageant un débat de fond, ces derniers pourraient trouver des éléments de justification, la récurrence de ces faits, en comparaison avec un passé, différent, n’interroge-t-elle pas ?
La liberté de mener des activités politiques est reconnue à tout citoyen par la Constitution du 11 décembre 1990. Les préfets comme tous citoyens ont donc bel et bien le droit de jouir de ce droit. Mais quand les intérêts se croisent et que l’autorité semble ne plus parvenir à faire la part des choses, il y a problème. L’application des textes de la République doit-elle souffrir des sensibilités politiques ? A cette question, une bonne partie des préfets de l’ère YAYI peine à y répondre.