La Cour constitutionnelle a rendu un célèbre arrêt il y a de cela quelque jours. Dans sa décision DCC 14-172 du 16 septembre 2014 qui porte sur l’application du principe d’égalité et l’exigence de la non-discrimination fondée sur le sexe, elle a déclaré contraires à la Constitution plusieurs dispositions du Code de la nationalité.
La DCC 14-172 du 16 septembre 2014 fera date. Elle interdit entre autres la discrimination entre enfants selon que c’est leur père ou leur mère qui est béninois.
Décryptage…
Le Professeur Ibrahim Salami a formé courant 2009 un recours en inconstitutionnalité contre les articles 7, 8, 12, 13, 18 et 22 de la loi n° 65-17 du 23 juin 1965 portant code de la nationalité béninoise. Il reprochait au Code, dans le cadre d’une action directe, d’assortir la possibilité pour la femme de transmettre sa nationalité à son enfant, de la faculté de renonciation ou de répudiation alors que l’option n’est pas ouverte pour l’enfant né d’un père béninois. Pis, la femme béninoise ne peut transmettre la nationalité béninoise à son enfant qu’à la condition qu’elle apporte la preuve que le père est inconnu ou qu’il n’a pas de nationalité connue. C’est donc la condition de l’homme qui détermine le transfert de la nationalité par la femme, celle de la femme-mère est insuffisante. Dans sa requête, le Professeur Ibrahim Salami démontre que le code accorde la nationalité à la femme qui épouse un Béninois dès la célébration du mariage. Une générosité univoque car un étranger qui se marie à une béninoise n’a pas droit à ce privilège.
Et c’est sur le fondement des articles 26 de la Constitution du 11 décembre 1990, 2 et 3 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples que j’ai demandé la déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions incriminées du code de la nationalité béninoise. Sur sa page facebook la semaine dernière, le professeur Ibrahim Salami a annoncé que la Haute juridiction a accédé à sa requête et se conformant à « sa jurisprudence audacieuse » en matière de non-discrimination, elle a déclaré les articles 8, 12.2, 13 et 18 du code contraires à la Constitution après près de cinquante ans d’application.
« J’ai été à l’origine de la décision de la Cour ayant déclaré les dispositions relatives à l’adultère contraires à la Constitution sur le principe de la non-discrimination fondée sur le sexe.
La logique est ici la même : l’égalité et la non-discrimination du seul fait que l’on soit homme ou femme. Le constitutionnaliste et le défenseur des droits de l’homme ne peuvent rester indifférents à ce genre de situations », s’est presque réjoui le Professeur.
Il faut rappeler que par rapport à la décision relative à l’adultère, le Professeur Ibrahim Salami avait reproché à la Cour de ne pas moduler les effets du prononcé de sa décision. Et dans la décision sur le code de nationalité, la Cour précise que sa décision prend effet à compter de son prononcé, donc sans effet rétroactif. Seulement, l’avocat s’interroge : « étant donné que ces dispositions sont déclarées contraires à la Constitution, que va-t-on appliquer en attendant que le législateur ordinaire corrige ces discriminations ? »