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Le Matinal N° 4456 du 17/10/2014

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Pour une sortie de l’impasse politique : Célestine Zanou et Yahouédéou donnent des orientations
Publié le lundi 3 novembre 2014   |  Le Matinal


célestine
© Autre presse par DR
célestine zanou


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La Présidente de la dynamique du changement pour un Bénin debout Célestine Zanou était l’invitée de l’émission politique Cartes sur table d’hier dimanche 2 novembre 2014 sur Océan Fm. Pour l’ancienne Directrice de Cabinet du Président Mathieu Kérékou, la seule façon pour le président Yayi d’éviter la situation complexe du désormais ex-Président Burkinabé, c’est de respecter à la lettre la constitution du 11 décembre 1990.


Célestine Zanou sur Cartes sur table : « Il faut que Yayi respecte la Constitution »

La Présidente de la dynamique du changement pour un Bénin debout Célestine Zanou était l’invitée de l’émission politique Cartes sur table d’hier dimanche 2 novembre 2014 sur Océan Fm. Pour l’ancienne Directrice de Cabinet du Président Mathieu Kérékou, la seule façon pour le président Yayi d’éviter la situation complexe du désormais ex-Président Burkinabé, c’est de respecter à la lettre la constitution du 11 décembre 1990.

Océan Fm : Vous êtes une femme unique en votre genre. Vous n’êtes ni femme baromètre, ni bulldozer.

Célestine Zanou : Je suis une femme politique
Vous avez suivi les événements au Burkina Faso. Ils se sont accélérées depuis le jeudi 30 octobre 2014 aboutissant le lendemain, au départ du pouvoir du Président Blaise Compaoré. Personnellement, auriez-vous prévu un tel revirement il y a une semaine ?

C’est l’occasion de saluer les auditeurs et auditrices de Océan Fm. Je vous remercie pour cette présentation exhaustive de ma petite personne. Sur le Burkina. Je ne suis pas prophète. Personne, à mon avis, ne pouvait prévoir. Si je m’en tiens à la lettre que François Hollande a adressée au Président Compaoré le 7 octobre dernier seulement, personne ne pouvait prévoir cette issue. Mais, je voudrais seulement partager avec vous, une communication que j’aie eu à faire au Burkina devant le président Blaise Compaoré et devant l’opposant numéro 1 Zéphirin Diabré et surtout devant le gratin politique français et européen qui était là. J’avais l’honneur de présenter un thème intitulé ‘’bonne gouvernance et efficacité de l’aide’’. Dans ma conclusion, je disais que notre démocratie qu’on nous a imposée pratiquement depuis la conférence de la Baule, est en cours dans les pays africains, mais les dirigeants ont souvent trois issus. La prison, l’exil ou l’assassinat. Je l’ai dit devant eux et je posais la question aux Européens de savoir si ce modèle n’avait pas un problème. La conclusion, c’était un modèle qui n’était pas adapté à nos réalités socioculturelles. Parce que la conception féodale du pouvoir chez les Africains, fait que quand ils arrivent, ils n’ont plus envie de partir. Les Africains doivent réfléchir pour trouver un modèle plus adapté à leurs réalités socioculturelles pour que nos pays évitent les scènes que nous venons de vivre au Burkina Faso.
Vous avez un modèle en tête ?

C’est une question de réflexion. Je crois que l’Angleterre est là, le Japon est là. Ce sont des démocraties aussi. Nous devons réfléchir, je ne dis pas de les copier servilement. Mais, nous devons réfléchir pour trouver un modèle parce que c’est triste. On ne peut pas avoir été grand dans un pays, dans une sous-région, dans un continent, dans le monde et finir comme le président Compaoré est en train de finir. Il n’a pas vu venir. Hier, je le disais. Il s’est trompé sur la réalité du peuple burkinabé. Il s’est trompé, il n’a pas vu venir. C’est le propre des chefs. Quand vous êtes dans votre tour et que vous êtes entouré de courtisans, parfois vous ne voyez pas venir les choses. Ou bien, vous minimisez et après, vous êtes face à une réalité qui vous contraint à des choses qui ne vous honorent pas. Mais, ce n’est pas sa personne. C’est l’Afrique entière qui est humiliée.
Justement, quand vous parlez du Président Compaoré, c’est pourtant le symbole d’une garantie de paix dans la sous-région. C’était quand même l’interlocuteur privilégié de l’Occident dans la sous-région. Ne redoutez-vous pas un vide préjudiciable à la paix dans la sous-région ?

Un vide, oui, je dirai. Mais ici, c’est l’intérêt du Burkina Faso et du peuple burkinabé qu’il faut d’abord voir. Ce peuple voulait que le Président Compaoré parte. Donc, c’est d’abord l’intérêt du peuple burkinabé.
Il avait un mandat

C’est ce que je vous disais tout à l’heure. Le modèle démocratique du peuple n’a pas attendu. Il est souverain, il a donné un pouvoir et il l’a retiré. Ailleurs, on n’aurait jamais vu cela. C’est tout cela qui doit nous amener à réfléchir. Mais je voudrais vous dire par rapport à ce vide que vous évoquez qu’avant Blaise Compaoré, il y a eu des interlocuteurs de l’occident. Après Blaise, il y en aura. Donc, il faut mettre surtout du temps. Blaise a été préparé avec le temps. Nous allons mettre du temps pour trouver celui qui va être l’interlocuteur. C’est d’autant plus important qu’aujourd’hui notre région est à la croisée des chemins. Nous sommes à la croisée des chemins avec le risque des intégristes. La menace est là. Donc, nous avons besoin d’un interlocuteur avec l’occident. C’est le temps qui prépare et je crois que l’Afrique saura se relever.
En décidant de démissionner après la dissolution de l’Assemblée nationale, la veille, Blaise Compaoré n’a-t-il pas choisi la voie du KO ?

Le Président Blaise Comaporé n’a pas vu venir. Mais quand il a vu, il a pris rapidement la mesure de la situation. Vous avez vu, les propositions sont allées decrescendo. Il a d’abord tendu la main pour une transition. Et quand il a vu que les gens ne voulaient pas, il a donné sa démission et a déclaré la vacance du poste. C’est peut-être tard. Sans vouloir le défendre, je pense qu’il a compris. Même si c’est tard, il a compris qu’il ne devra pas s’opposer à la volonté de son peuple. Il aurait fait plus tôt. On aurait évité les dégâts. Il aurait pris du temps, on aurait eu plus de dégâts.
Selon vous, l’opposition burkinabé n’a-t-elle pas laissé s’échapper une occasion en or, en optant pour une certaine intransigeance malgré les discours apaisant du président Compaoré ? L’opposition burkinabé n’a-t-elle pas perdu la main au profit de l’armée ?

Tout porte à le croire. Mais nous avons vu l’opposition burkinabé dans une position de calcul. L’opposition a calculé et quand vous regardez au fond, vous voyez que l’opposition n’était pas prête à ce départ. Ni Compaoré, ni l’opposition politique ne s’était préparée à ce qui s’est passé. Sinon, dans un premier temps, la clairvoyance politique suggère quand même la prise de cette main tendue pour pouvoir finir son mandat. Cela aurait donné à notre démocratie une image plus belle. Mais le peuple en politique, je l’ai dit, samedi sur Rfi, ce n’est pas la population. C’est une notion assez floue, assez vague. Et quand le peuple a décidé, le peuple n’est pas responsable. Il ne prend pas des responsabilités. L’opposition aurait dû saisir cette main pour que la transition se fasse et que’après, le président parte tranquillement surtout qu’il a promis, avec l’appui de la communauté internationale, on aurait pu régler le problème de cette façon-là. Mais l’opposition a été dans les calculs. Aujourd’hui, ils se sont réveillés un peu tard, parce que les militaires sont installés. On va voir ce que le meeting d’aujourd’hui va donner. Je crois qu’il faut privilégier la voie du dialogue, de la discussion. C’est l’occasion pour la communauté internationale, la Cedeao, l’Union africaine et l’Onu de prendre leur responsabilité pour qu’on arrête cela, sinon l’issue, à mon avis, n’est pas encore totalement certaine.
Est-ce que l’opposition burkinabé n’a pas été un peu prise du coup par l’armée qui a sympathisé avec le peuple même s’il y a eu des batailles au niveau de la présidence ?

L’armée fait partie du peuple. Une armée responsable ne devrait jamais tirer sur son peuple. On déplore ce qui s’est passé. Plus de trente morts et c’est ce qu’on nous dit officiellement. Quand on a été aux affaires, on s’est souvent comment cela se passe, comment on communique.
Quand on a été aux affaires comment on communique dans ces genres de cas. Vous qui avez été Directrice de cabinet du Président Kérékou.

J’ai été à une école, merci de me le rappeler souvent. C’est une école et c’est le moment de rendre hommage à cet homme qui n’a pas voulu s’accrocher. J’ai été à cette école-là où on ne s’accroche pas au pouvoir.
Pensez-vous qu’on aura un jour un président comme le Président Kérékou ?

On n’a jamais la même espèce. La chance que vous avez, c’est d’avoir des gens qui ont été à cette école et qui ont appris. Parce qu’il ne s’agit pas d’avoir été collaborateur tout simplement. Il y en a qui ont été là qui n’ont pas appris. La chance que nous avons, c’est qu’il y a quand même des gens qui ont été là et qui ont appris.
Vous voulez parler d’Amos Elègbè quand vous dites que des gens ont été là et n’ont pas appris ?

Je ne veux pas nommer des gens. Je laisse le peuple voir ceux qui ont été là et qui ont appris. Ceux-là qui ont appris, le peuple aura l’occasion d’aller les obliger à prendre leurs responsabilités le moment venu.
Ce qui se passe au Burkina devrait-il laisser le Bénin indifférent ?

Pas du tout. Cela doit plutôt nous inspirer à plus d’abnégation, à plus de mobilisation, à aller de l’avant dans la conviction et la détermination.
Pour écourter le mandat du président en place ?

Non. On a l’habitude de dire que c’est Dieu qui donne le pouvoir. Mais, si vous savez que c’est Dieu qui donne, il faut vous comporter de façon à ce que les gens comprennent que c’est Dieu qui vous l’a donné et il peut vous l’arracher à tout moment.
Quels peuvent être les avantages et pourquoi pas, les inconvénients de l’impact de la situation du Burkina sur l’actualité, la vie politique au Bénin ?

Je ne vois pour le moment que des avantages. Ce qui s’est passé au Burkina, je crois que pour notre peuple d’abord et pour sa jeunesse, c’est l’exemple de détermination. Quand vous êtes déterminés, c’est que vous avez pris conscience de ce que c’est vous qui avez installés les gens. Donc, c’est l’exemple de la détermination. Pour la classe politique, c’est l’exemple de la lutte. L’opposition burkinabé quoi qu’on puisse en dire aujourd’hui, a été persévérante. La lutte sincère, la lutte dans l’intérêt supérieur de la nation, c’est l’avantage que nous avons. En tout cas, c’est la leçon que j’ai apprise et cela me conforte dans la position que j’ai choisie, et dans la façon dont je marche sur ce terrain politique. Maintenant, pour le pouvoir en place, l’avantage qu’ils ont, c’est d’avoir un exemple devant eux. Ils doivent savoir qu’ils ne doivent pas pousser le bouchon trop loin et qu’ils doivent maintenant apprendre à écouter le peuple. Le peuple réel.
Le président Yayi Boni doit rencontrer tout à l’heure les jeunes. Est-ce cela le peuple ?

Non. J’ai vu le communiqué, la bande défilante sur l’Ortb tout à l’heure et je me suis posée la question de savoir de qui on parle ? Il y a des jeunes à Cotonou, à Porto-Novo, à Malanville, à Logozohè, à Savalou, à Ouessè où je suis né, à Parakou, à Tanguiéta, à Natitingou. C’est la question que je me suis posée. La diversion a assez duré dans notre pays.
Si vous avez un conseil à donner au président Yayi Boni que direz-vous concrètement face à la situation du Burkina

Le premier conseil que je peux lui donner, c’est de ne jamais s’opposer à la volonté du peuple. Je vais aussi conseiller à Yayi Boni de respecter la Constitution. Il l’a assez violé jusqu’à ce jour. Yayi Boni doit respecter la constitution. Je voudrais aussi conseiller à Yayi Boni d’arrêter ces stratégies, des stratagèmes qui montrent bien son objectif de réviser la Constitution. Je voudrais lui conseiller enfin de s’exercer à écouter le peuple réel et non les courtisans.
Il semble que vous n’étiez pas aux côtés des manifestants au cours de la géante marche du mercredi dernier. Peut-on savoir les raisons ?

Vous n’avez peut être pas promené vous micros et caméras partout. Je vais vous répondre. Le leader, c’est celui qui montre la voie. C’est celui qui indique le chemin et c’est lui qui a une équipe. C’est cela le leader. Je suis membre de cette plate-forme. Je me souviens que c’est au sortir d’une émission à laquelle j’appelais la classe politique à la concertation, qu’il y a eu cette idée. Ce n’est pas un secret que je vous livre. C’est comme cela que les choses ont été. Donc, nous nous sommes concertés et je suis membre de cette plateforme qui a mis en place deux comités pour travailler. Deux comités pour réfléchir. Mes collaborateurs étaient dans cette comité-là pour travailler. La marche fait donc partie du fruit de la réflexion de ces deux comités. Ma présence à ces niveaux d’analyse déjà, c’est l’essentiel. J’ai été au niveau où la décision a été prise. Ceci dit, si vous aviez bien promené vos micros et caméras, vous auriez vu la banderole de la dynamique du changement pour un Bénin debout avec un message philosophique. Moi, je n’étais pas là pour insulter quelqu’un. Ils étaient là avec leurs banderoles, ils étaient là avec leur foulards rose qui est la couleur de notre mouvement, bien disciplinés. J’étais bien là. Mais la récupération ne fait pas partie de mon schéma. Le m’as-tu vu ne fait pas partie de mon schéma. Il faut travailler à fond et je travaille à fond.
Il y a un auditeur qui dit qu’on ne devrait pas laisser partir Blaise Compaoré et sa femme. Les laisser partir, c’est encourager la dictature de nos pays. Pensez-vous la même chose ?

Je ne peux pas parler en lieu et place du peuple burkinabé. Blaise Compaoré n’est pas parti du Bénin. Il faut qu’on laisse chaque peuple décider.
Pensez-vous que Blaise Compaoré va se tirer à si bon compte ?

Vous venez de parler de vide. Cela veut dire que l’homme a été formé. Personne n’est bon à 100 %. Quand vous prenez un homme du cheveu jusqu’aux orteils, il a des défauts. Voyons en Compaoré ce qui est bon. Si le créateur a voulu qu’il soit hors de danger, aujourd’hui, et qu’il ne soit pas passé de l’autre côté, c’est qu’il a des comptes à rendre. Mais nous aurons aussi à tirer de lui certainement.
Nous parlions de la marche du 29. Il paraît qu’elle a été un succès total. Vous nous le direz. Mais le gouvernement a immédiatement réagi. Il y a eu un conseil extraordinaire des ministres. Et pas plus tard qu’hier, il y a eu des arrangements entre le gouvernement et les organes en charge de la correction de la Lépi. La marche un succès, mais et après ? Où en sommes-nous, où allons nous et à quand les élections ?

Lorsqu’on ne pense pas bien les actions, on est à court d’idées. C’est une action que nous avions programmée et c’est le moment de dire que nous devrons nous retrouver pour évaluer l’action. Donc la marche et après, c’est ce que je peux dire. Nous allons évaluer l’action. C’est une série.
Mais est-ce que l’arrangement entre le gouvernement et les organes en charge des élections peut être vu comme le fruit de la marche ?

Paraît-il qu’il ne faut pas en parler. Il y a eu un communiqué où on a dit qu’il ne faut pas en parler. Je ne sais pas par quelle alchimie nous allons éviter cette question. J’ai beaucoup réfléchi avant de venir sur cette émission. Je me suis dit l’actualité est là. Finalement, je me suis dit qu’on ne peut pas m’opposer un communiqué. J’ai la chance d’avoir dans ce studio un ancien conseiller de la Haac.

Agapit Napoléon : Ce qui était demandé, c’est beaucoup plus la responsabilité des journalistes que l’interdiction totale de relayer. Parce que vous êtes des acteurs politiques. Quand vous produisez l’information, les organes ont le devoir de la relayer et de manière responsable.

Charles Toko : Et le Président de la Haac a eu le mérite de préciser que c’est surtout aux politiciens qu’il s’adressait. Les membres du Cos-Lépi qui se livraient une guerre par presse interposée, il appelait à un peu plus de responsabilité. Lui-même savait qu’il ne peut jamais interdire cela.

Mais c’est ce que j’appelle l’organisation. Si c’est cela, la Haac devrait les appeler pour qu’ils discutent. Mais elle ne doit pas sortir un communiqué où on ne comprend rien et où on dit qu’on ne parlera pas d’élection. A quand les élections ? Moi, je ne sais pas. S’il m’était permis de décider je l’aurais fait.
Pensez-vous que le fait de créer un comité pour réunir les acteurs et faire une rallonge de 3 milliards ne veut pas dire qu’on va dans la bonne direction ?

Non, il y a une question de fond. Je crois qu’on est au niveau des enjoliveurs. Il y a un problème de fond. Ou est la liste des 2011 ? Qu’appelle-t-on audit participatif ? Et comment est-ce qu’on est en train de le conduire ? Des incongruités qui sont dans le code électoral et qui tendent à prendre le Cos Lépi animé par les députés comme une Céna bis. Ce sont ces questions de fond qu’il faut aborder. Ce n’est pas un problème de milliards. Le problème est ailleurs. Tant qu’on ne va pas s’attaquer à ces questions de fond, on ne s’en sortira pas. Or, il nous faut aller aux élections avec une liste. On ne va pas aux élections sans liste.
Si vous parlez d’incongruité des textes, vous parlez de l’Assemblée nationale.

C’est tout le monde. La responsabilité est partagée. Je ne m’attaque pas au Chef de l’Etat. Le code électoral a des incongruités. Allez lire les articles 329 et vous verrez. J’ai changé récemment avec quelqu’un du système et pas des moindres qui a reconnu qu’il y a des incongruités et je lui ai dit, vous étiez ou ? Il a dit qu’il reconnaît que l’Etat est une continuité. Le Code électoral contient des incongruités.
Un auditeur veut que vous disiez ce que Yayi Boni a fait pendant 10 ans et qui profite aux Béninois

Ce que Yayi Boni a fait, c’est d’être président béninois. On aurait pu avoir comme ailleurs des étrangers présidents. Au moins, il est Béninois. Il est venu et, il a montré ce dont il est capable. Je ne suis pas là pour distribuer des points aux gens. Il y a des balbutiements dans la vie. Quand vous mettez un enfant au monde, il titube avant de marcher. Ne personnalisons pas le débat. Nous sommes dans cette marche.
Est-ce que notre niveau de démocratie permet aujourd’hui qu’on prenne un président qui va d’abord faire ses premiers pas ? Cela veut dire qu’on a perdu 10 ans à s’adapter ?

Oui. 10 ans c’est beaucoup, mais parfois c’est rien aussi s’il faut le faire pour comprendre. L’essentiel est qu’il faut désormais que le peuple comprenne qu’il doit choisir. C’est le peuple qui doit choisir maintenant. Il faut que le pouvoir entre dans cette dynamique. Nous avons compris maintenant que les ‘’je peux, ‘’je veux’’ ne conduisent nulle part.
Est-ce que Madame Célestine Zanou peut ?

Ce n’est pas à moi de le dire. C’est au peuple de le dire. Si Charles Toko dit Célestine Zanou doit, je suis partante. Là, nous y allons de façon collégiale parce que le pouvoir, ce n’est pas quelque chose qu’on exerce seul. Si le peuple dit Célestine Zanou doit, elle se lève et le peuple est avec elle.
Si vous avez la responsabilité de la gestion de l’Etat, comment allez-vous-y prendre pour que les élections se déroulent à la satisfaction de tous ?

Je vais d’abord respecter la constitution parce que dès que vous êtes élus, c’est votre bréviaire. La bible, les bondieuseries ne doivent plus être votre tasse de café. C’est la constitution qui devient votre tasse de thé et de café. Je vais respecter la constitution avec la reconnaissance de l’opposition. Je vais aussi programmer dans le budget les ressources nécessaires pour organiser les élections parce qu’une élection ne doit jamais nous surprendre. J’ai l’impression que ce pouvoir est chaque fois surpris par les élections. Je vais faire jouer à chacun son rôle et non mélanger les pédales comme on est en train de faire aujourd’hui avec les communales reléguées au second plan. Nous mélangeons les pédales et moi je n’aurais pas fait cela si j’étais Chef d’Etat.
Mais est-ce que c’est le pouvoir qui est surpris ou la classe politique ? Car, depuis 2011, tout le monde savait quand même que la Lépi devra-t-il être corrigée

Tout le monde à commencer par moi. Je crois que j’ai fait un séminaire en janvier 2011 avec mes collaborateurs pour conclure à l’impasse politico- institutionnelle dans laquelle on s’était retrouvé. J’en ai parlé avec les acteurs politiques. Je suis allé voir le Président Yayi Boni. J’ai eu des heures d’entretien avec lui pour lui dire qu’il ne fallait pas. Nous n’avons pas de Lépi. Il n’a pas voulu me comprendre. Les thuriféraires qui l’entouraient étaient certainement derrière le mur et lui demandaient de ne pas m’écouter, et il l’a fait. Il est allé aux élections. Nous sommes allés aux élections. C’est là où je m’étais dit que je ne me présente pas à cette élection où les jeux étaient pipés d’avance. Tout était fait. J’ai dit au président Yayi, si j’y vais, et que je ne gagne pas, il faut, au moins, que je fasse mieux que mon score d’avant. Je suis restée sur le terrain, et j’ai travaillé tout le temps. Mais, il n’y a pas de liste électorale. Le président va rester dans son salon et décider du pourcentage que Robert Dossou allait me donner. C’est ce qui s’est passé. Aucun candidat sérieux ne devrait aller à cette élection. Si nous avions pris cette posture, Yayi aurait pris conscience très tôt. Mais, nous lui avons donné une caution, en validant la Lépi aux yeux de la communauté internationale qui y a injecté des milliards de francs. La responsabilité est partagée. Cette Lépi n’a jamais existé, et le président du Cos l’a d’ailleurs confirmé.
Selon le conseil de 27 octobre, le gouvernement voudrait un dialogue avec la classe politique. Etes-vous prête à y participer ?

J’étais prête depuis, puisque je suis à l’origine de cette idée de dialogue avec la classe politique. En 2009, j’ai fait la même proposition, et la presse a dit que je voulais aller au gouvernement. J’ai même proposé à Yayi Boni de saisir les vingt ans de la Conférence nationale pour organiser un dialogue nationale. J’ai proposé un projet de décret qui créait une Commission nationale de dialogue. C’est heureux que le chef se décide maintenant.
Qu’est-ce qu’une femme peut chercher en politique ?

La politique, c’est la gestion des affaires de la cité. Ce n’est pas une affaire d’un sexe, c’est un engagement. C’est une affaire de conviction et de devoir. Le devoir est le même pour les femmes et les hommes. L’égalité inscrite dans la Constitution, appelle le même droit et les mêmes devoirs. C’est beaucoup de travail, ce n’est pas une affaire de « partage de gâteau ». Il faut s’y préparer, avoir les épaules solides et la tête pleine. J’ai été dans l’antichambre du pouvoir, donc je sais de quoi je parle. Il y a aujourd’hui, un amalgame. Les femmes doivent comprendre que ce qui fait notre différence, ce sont nos idées pour le développement et la détermination, et non le folklore et les belles robes.
Maintenant, on parle de cuillère et de louche. Vous ne croyez pas que ceux qui parlent de « gâteau », ont raison ?

Je ne suis pas dans cette logique. Vous avez fait une belle chronique en 2001, qui montre que, c’est au moment où les gens se battaient pour le partage du gâteau que je suis partie. Il y a d’ailleurs, cette belle phrase, et c’est cela qu’on appelle la responsabilité : « Elle démissionne au moment-où ».
Qu’est-ce qui pourrait vous empêcher de faire la politique ?

Au stade où je suis arrivée, plus rien ne peut plus m’empêcher de faire la politique. Sauf Dieu, car c’est lui qui connaît l’avenir, et qui donne le courage, l’énergie et la foi. Je le prie chaque matin pour qu’il me donne ces éléments-là. Par exemple, il a commandé dans la Bible une mission à Jonas pour aller délivrer Ninive. Fuyant son destin, il est parti en bateau à Tarsis. En pleine mer, le bateau a commencé par tanguer. Les autres ont été obligés de jeter Jonas. Le poisson l’a avalé pour le déposer sur la terre ferme, au bord de Ninive pour qu’il aille accomplir sa mission. Parfois, les difficultés que vous rencontrez sont des épreuves venant de Dieu, pour éprouver votre endurance. J’y suis et j’y reste.
Vous croyez donc en Dieu ?

Je crois au Créateur. S’il n’était pas là, vous imaginez ce que le monde serait.
Que vous inspire alors la question de la représentativité des femmes ?

Les femmes sont faiblement et sous-représentées dans les instances de décision au Bénin. Mais, la cause n’est pas à chercher chez les hommes. Que les femmes balaient devant leurs cases. J’ai assez décortiqué la question dans une tribune intitulée : « La guerre des femmes n’aura pas lieu ». J’ai dénoncé l’instrumentalisation des femmes par le microcrédit et les nominations. Je suis aussi contre la parité. La parité ne met pas en avant le mérite. C’est le savoir-faire, l’action et le savoir-être qui donnent la parité.
D’aucuns estiment que vous êtes dure dans les décisions. Est-ce que cette rigueur transparaît dans vos sentiments amoureux ?

Vous voulez savoir si je suis dure sur le plan sentimental ? C’est mon partenaire, seul, qui pourrait répondre à cette question. Heureusement, non. Mais la gestion du bien public exige beaucoup de rigueur. Dans la gestion de la chose publique, il faut s’attendre à une reddition des comptes. Une fois à la maison, je deviens l’être qui seconde quelqu’un, et qui joue son rôle normalement.
Qu’est-ce que vous appréciez chez un homme alors ?

La droiture, la douceur et la tendresse. C’est le plus important pour moi qui suis professionnellement confrontée à la rigueur. Ce qui me ferait quittée un homme, sans hésitation, c’est la trahison. C’est une question d’éthique et d’hygiène de vie. On peut tolérer les petits écarts.
Et si Yayi Boni vous fait la cour un jour, est-ce que vous accepteriez ?

Quelle cour ? Si c’est la cour politique oui. La République le permet. Il a besoin d’acteurs.
Vous avez été candidate à la présidentielle de 2006. Vous avez soutenu Yayi Boni au second tour, puis on a parlé de certaines prétentions. Qu’en est-il réellement ?

Je ne l’ai pas soutenu au second tour. Je n’ai pas fait appel à voter pour lui. Je n’aimerais pas remuer le couteau dans la plaie. J’ai eu la chance d’exercer à des niveaux de responsabilité. Je sais ce qu’être chef de l’Etat, et ce que cela demande. J’ai pu en travaillant avec le Conseil d’administration de la Boad, m’approcher et savoir ce qu’est l’homme, Yayi Boni. Je connaissais un peu l’homme. J’ai eu l’occasion de lui dire, que diriger un pays, ce n’est pas aussi simple. Tout cela explique pourquoi j’ai observé une certaine retenue. Et l’histoire me donne raison.
Est-ce à dire que vous pensiez qu’il en serait incapable ?

Pour exercer le pouvoir d’Etat, il faut être suffisamment préparé. Il ne suffit pas d’avoir serré la main de chefs d’Etat, pour prétendre diriger. Il n’a pas été dans l’antichambre du pouvoir. Faire dix ans à la tête de la Boad, cela ne suffisait pas. Je l’ai d’ailleurs dit au gouverneur Charles Konna Banny. Il est temps que les Africains comprennent cela. Maintenant, revenant à la question, si l’on vous fait appel, il faut voir si les conditions sont les vôtres. On m’a parlé d’un poste à l’Union africaine, mais je n’étais pas prête à repartir à l’étranger. Je voulais restée au pays, sur le terrain, pour assumer mes responsabilités.
Quelles sont les qualités qui font que Kérékou est encore admiré aujourd’hui ?

Pour ne pas personnaliser le débat, retenons qu’un homme d’Etat doit avoir du cœur. Il est là pour tout le monde, il ne doit pas avoir de clan. Il faut rechercher cet équilibre tout le temps. Je ne serais jamais devenue Directrice de cabinet de Kérékou, si on n’était dans la logique de maintenant. Il ne m’a jamais demandé d’aller chanter ses louanges, ou d’aller faire des meetings de remerciements. A ce niveau, il faut être chasseur de têtes, et non s’associer à des médiocres, qu’on peut manipuler comme on veut. Dans dix ans, on retiendra que la gratuité de la césarienne, c’est une erreur, puisque cela n’est pas vrai. Cela a un coût. De même, le Microcrédit est un coup électoraliste, qu’on a instrumentalisé. J’attends que quelqu’un d’impartial nous en fasse un jour le bilan, et vous verrez que c’est de la fumée. C’est une faillite économique. On ne peut pas vouloir sortir les femmes de l’informel en leur donnant 30 000 francs. C’est les y plonger davantage. J’étais plus scandalisée de voir que c’est un président économiste qui a cautionné cela. Toutes les conférences économiques internationales préconisent la sortie de l’informel. Or, ici, l’Etat maintient les gens dans l’informel. Il fallait des structures formelles pour gérer tout cela, plutôt que d’avoir affaire à des ministres qui viennent déclarer que ces femmes s’habillent mieux, depuis qu’elles prennent les 30 mille francs.
Vous auriez pu être à la place de ces ministres qui chantent des louanges, si un poste ministériel vous avait été proposé.

A quoi sert la démission ? On a tout jeté par terre dans notre pays. Tout a été dévoyé. La démission, c’est la porte de sortie, si vous n’êtes pas d’accord sur les principes. La démission doit rentrer dans notre culture. Vous n’êtes pas d’accord, vous partez.
Le Premier ministre Koupaki a dû partir.

Après combien d’années ? Sortir après huit ans d’un système, c’est un peu tard. Et même, on ne sait s’il a démissionné. Il est parti après un remaniement.
Vos ambitions dans un futur proche ?

La politique, ce n’est pas du jardinage. On ne fait pas la politique pour rester chez soi. C’est pour diriger la communauté. Cela dit, la Nation est en danger. Les dissensions doivent se taire pou que le pays puisse négocier les virages qui l’attend.

Transcription Hospice A. et Wilfrid Noubadan

Pour lire l’interview de Janvier Yahouedeou

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