Décidément, la mauvaise gouvernance constatée depuis quelques années au Bénin, devient contagieuse et s’étend aux entreprises privées, normalement réputées pour leur bonne gestion. Le cas de la la Société d’études régionales, d’habitat et d’aménagement urbain (Serhau-Sa), en est un exemple illustratif, qui mérite d’être mis sur la place publique, afin que l’entreprise ne meurt du fait des agissements peu orthodoxes du Président du conseil d’administration (Pca), Prosper Ahonlonsou.
La rédaction de votre quotidien, suite aux informations qui lui sont parvenues sur la gestion de la Serhau-Sa, a décidé de porter à l’attention du gouvernement, qui a une prise de participation dans le capital de la Serhau-Sa, à travers le ministère de l’Urbanisme, de l’habitat et de l’assainissement (Muha), Bénin télécoms Sa, la Société des eaux du Bénin (Soneb), et des mairies représentées par la mairie de Cotonou, le désordre instauré par le C.a de Serhau-Sa et son président. Certains administrateurs, surtout ceux qui représentent l’Etat, ne sont pas d’accord avec la manière dont la Serhau-Sa est gérée depuis un certain temps. Dans une société anonyme, le Pca peut-il signer des chèques en lieu et place du Directeur général (Dg) ? Peut-il remplacer le Directeur général et agir comme tel ? Quel cas fait-on alors du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs devant régir les sociétés anonymes et exigé par le traité de l’Ohada (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) ? Malheureusement, c’est ce qui prévaut à la Serhau-Sa depuis bientôt deux ans. En effet, le Pca, Prosper Ahonlonsou (pharmacien de son Etat), suite à l’incarcération arbitraire du Dg, a profité de la situation de crise engendrée par le chantier de construction du siège de l’Assemblée Nationale, dont Serhau-Sa assume la maîtrise d’ouvrage déléguée, pour s’ériger en Dg, cumulativement avec ses fonctions de Pca, et contrairement à ce qui est prévu par la loi. A Serhau-Sa, Société anonyme (S.a), le C.a dispose des pouvoirs suivants : il précise les objectifs de la société et l’orientation qui doit être donnée à son administration ; il exerce un contrôle permanent de la gestion assurée, selon le mode de direction retenu, par le Pdg, ou par le Dg ; et, enfin, arrête les comptes de chaque exercice. Au regard des pouvoirs ci-dessus cités, le Pca de Serhau-Sa s’érige en Pdg, posant des actes de gestion cumulativement à son mandat d’administrateur et de Pca. Par exemple, il prépare lui-même le budget, le vote en conseil d’administration, l’exécute, contrôle sa propre gestion et, pour finir, arrête lui-même les comptes de l’exercice. Le tout, contre une rémunération de 15 millions de francs Cfa par an, plus des indemnités de fonction d’administrateur qui avoisinent les 700.000 francs/an, fixées par l’Assemblée générale des actionnaires. Alors, on se pose la question de savoir ce qu’un pharmacien cherche à la tête d’une agence de maîtrise d’ouvrage déléguée, qui opère dans les domaines de l’urbanisme, de l’habitat et de l’assainissement.
La responsabilité du ministre Sossouhounto
Selon nos sources, le C.a de Serhau-Sa est composé actuellement des onze membres suivants : 1 siège pour le ministère chargé de l’Urbanisme (qui représente d’ailleurs l’Etat béninois) , 1 siège pour les communes actionnaires : Cotonou, Porto-Novo, Parakou, Lokossa, Abomey et Natitingou (représentées par la Mairie de Cotonou) , 1 siège pour la Société nationale des eaux du Bénin (Soneb), 1 siège pour Bénin télécoms Sa, 1 siège pour le personnel , et 6 sièges pour les autres actionnaires. A l’étape actuelle du développement de l’entreprise, on peut se demander si tous ces administrateurs rendent vraiment compte à leur hiérarchie ou à leurs mandants de la situation. Ou bien, la hiérarchie est également trempée jusqu’aux os ? Car, le Pca a-t-il le pouvoir de manipuler les fonds de la Société comme bon lui semble et ce, sans en être aucunement inquiété ? Evidemment, comme on le dit souvent chez nous, « la bouche qui mange ne parle pas ». Les administrateurs sont-ils conscients de la situation ? Le ministre Christian Sossouhounto a-t-il rendu compte au gouvernement de la situation ou bien il est également complice ? Par lettre n° 00480/MUHA/DC/SP-C du 10 juillet 2014 (dont nous publions le contenu), le ministre Sossouhounto avait demandé à Prosper Ahonlonsou, Pca de Serhau-Sa, de quitter sous huitaine. Plus de trois mois plus tard, ce dernier est toujours en place et continue de signer les chèques et autres documents de paiement en lieu et place d’un Dg. Plus grave, le Commissaire aux comptes continue de certifier les comptes de la société sans aucune réserve. Sa responsabilité dans cette affaire est totalement engagée en ce sens que sa mission de commissaire est une mission légale et non contractuelle. (Lire son rapport spécial à la dernière assemblée générale des actionnaires).
Le Procureur de la République devrait s’autosaisir
Tout ce désordre se passe sous le regard de l’avocat-conseil de la Société qui ne dit rien , mais continue de se faire payer ses honoraires d’assistance juridique par la Société. Finalement, la Serhau-Sa, est-ce un club d’amis ? Comment sont sauvegardés les intérêts de l’Etat béninois et des autres actionnaires si le Pca s’arroge une rémunération de plus de 15 millions de francs cfa par an, avec la complicité d’autres responsables, alors que la société ne sert plus de dividendes aux actionnaires à cause des pertes successives enregistrées ? Pertes dues à la mauvaise gestion du Conseil d’administration, et son immixtion permanente dans la gestion de l’entreprise. Le Procureur de la République près le Tribunal de Cotonou devra s’autosaisir de cette affaire, afin de mettre fin à ce désordre et préserver les intérêts de l’Etat et des autres actionnaires. En tout cas, le président Yayi Boni ne nous dira pas plus tard qu’il n’était pas au courant. Nous reviendrons sur d’autres aspects de la mal gouvernance à la Serhau-Sa dans nos prochaines publications.