Connaissez-vous les nouveaux héros burkinabés ? N’allez pas les chercher parmi les martyrs des 27 années de plomb de la rectification ; encore moins dans son crime fondateur sur la personne de Thomas Sankara ; ni parmi les opposants traqués, humiliés, harcelés voire terrorisés pendant que Blaise Compaoré se faisait célébrer dans le monde entier comme le pacificateur attitré des foyers de tension sur le continent. Les héros ne sont même pas parmi tous ces anonymes qui le 30 octobre 2014 ont décidé, au prix de leur sang, d’aller à l’assaut de la citadelle imprenable, le siège de l’Assemblée nationale du Faso en plein processus de légalisation de la volonté du prince de s’éterniser au pouvoir. Personne à Ouaga ne se souvient davantage des milliers d’exilés, à l’instar du docteur Ousseni Banao, obligés d’errer dans les capitales africaines dans l’attente d’un changement radical dans leur pays.
Il paraît qu’un colonel aurait ordonné la levée des barrages militaires obstruant le passage aux manifestants désireux d’attaquer les bâtiments du parlement. Initiative à l’origine des actes de vandalisme ayant contraint les députés à abdiquer et à renoncer au vote de la révision constitutionnelle controversée. Le trône est donc désormais promis à ce colonel juste pour cette inspiration du moment. Sa réputation de privilégié de la garde prétorienne de la dictature ne compte plus. Il est devenu héros national, chef de l’Etat chargé de conduire la période de transition juste pour avoir donné un contre ordre ce jour-là. Ainsi se résume ce qu’il convient d’appeler la révolution au Burkina Faso.
Plusieurs jours après le départ du dictateur, l’imbroglio politico-institutionnel demeure entier. Alors que les cendres du siège du parlement étaient encore fumantes, au soir du 30 octobre 2014, le chef d’Etat major de l’armée, grand commis de la dictature, dissout le gouvernement et le parlement alors que le président de la République était toujours officiellement en fonction. Seul au Pays des hommes intègres, un militaire peut dissoudre un parlement élu et un gouvernement légal. Épisode suivant, le chef de l’Etat proclame sur une télévision privée, sa démission, tout en donnant l’ordre de l’organisation d’élections générales anticipées dans les 90 jours. Il a omis, au passage, de préciser le destinataire de cet ordre. Autre tableau de cette représentation ubuesque c’est la dispute du trône, par médias interposés, entre le chef d’état-major des armées et le N°2 de la garde présidentielle, tous deux promus par le président démissionnaire. Ensuite, le fugitif a pu s’offrir une longue randonnée, à travers tout le pays, en toute quiétude, jusqu’en Côte d’Ivoire voisine. A peine si quelqu’un se préoccupe de l’avis des forces politiques ou de la société civile à la pointe de la contestation du régime depuis plusieurs années.
En réalité, les burkinabés n’ont pas échappé à la rançon des insurrections dites populaires au même titre que Libyens, Tunisiens ou Égyptiens. Avis à tous ceux qui prônent la descente des populations dans les rues pour résoudre des problèmes politiques. A la fin des casses, il y a toujours de petits malins qui parviennent à tirer les marrons du feu. A Ouaga, ce sont les militaires qui s’offrent la part du lion. En définitif, Blaise Compaoré apparaît comme le seul diable au milieu d’anges en uniforme. Comme si les autres militaires n’ont été pour rien dans les assassinats, les tortures, les répressions et la dictature, tout simplement, durant 27 ans. En réalité, il n’y avait plus rien à faire dès que le projet de révision de la constitution avait été retiré du parlement. Blaise Compaoré devrait pouvoir achever le reste de son mandat ou, au pire des cas, démissionner en laissant le président du parlement, quel qu’il soit, conduire la transition durant 90 jours. Cela aurait permis de priver les militaires, grands suppôts de la dictature, d’un quelconque rôle dans la normalisation. Après la rectification d’octobre 1987, les militaires ont réussi une nouvelle rectification...