Il est de plus en plus une réalité de voir les métiers longtemps catalogués »métiers d’hommes » davantage exercés par des femmes qui en font leur passion. Après avoir abordé dans la parution dernière, le domaine technique des sciences économiques via un coin de voile levé sur Mme Marie-Odile Attanasso, Economiste-Démographe, nous nous penchons ce vendredi sur un métier artisanal : la vitrerie. Elle est la passion de la jeune fille du jour répondant au nom d’Odette Boco.
Agée de 17 ans, Mlle Odette Boco n’a pas voulu imiter ses paires jeunes filles qui refusent catégoriquement d’arpenter un sentier artisanal, préférant s’orienter vers le fonctionnariat. De surcroît, la jeune fille du jour n’a pas voulu apprendre un métier manuel généralement exercé par les femmes comme la coiffure, la couture, l’esthétique… Elle a voulu faire de la vitrerie. Un métier souvent exercé par les hommes. Pourtant apprentie vitrière au quartier Agla dans la capitale économique du Bénin, Cotonou, Odette Boco confie ne pas regretter ce choix professionnel, le sien, celui dans lequel elle s’épanouit.
En tant que jeune fille, quel sentiment vous anime en exerçant un métier où l’on voit plus d’hommes ?
Je me sens très fière d’embrasser un tel métier. Depuis que j’ai commencé mon apprentissage, je n’ai jamais eu honte de me présenter à l’atelier d’apprentissage où il n’y a que des jeunes hommes ayant le même statut que moi. Je n’ai pas besoin de me travestir en homme pour que les passants ne connaissent pas mon sexe. Pour moi, la femme peut toujours faire ce que fait l’homme.
Qu’est-ce qui vous a alors motivée à faire de la vitrerie, votre option professionnelle ?
La vitrerie est un métier qui m’a beaucoup intéressée. J’ai voulu apprendre et exercer un travail que beaucoup de filles ne font pas. Puisque nous sommes à une ère où l’on promeut la parité entre les hommes et les femmes. Personnellement, les métiers de femmes ne me plaisent pas du tout. Même si mes parents me contraignaient à me lancer dans un métier féminin, je n’ai jamais accepté cela. C’est un choix que j’ai fait sans aucun regret et je porte le plein engagement de finir mon apprentissage afin d’ouvrir mon propre atelier.
Parlez-nous de vos débuts dans le métier et vos difficultés éventuelles d’apprentissage…
J’ai débuté mon apprentissage le 25 juin 2014. Mais je n’ai rencontré à ce jour, aucune difficulté particulière pouvant m’obliger à abandonner ce métier. Je m’adapte aux exigences du travail parce que j’estime que chaque domaine a ses réalités. Certes, nous utilisons en vitrerie des matériels de travail un peu dangereux comme la scie, la perceuse…, qui m’ont causé quelques ennuis au cours de mes premiers jours d’apprentissage. Mais ce n’est plus le cas actuellement. Par ailleurs, en tant qu’apprentie, j’essaie de venir tôt à l’atelier avant mon patron et mes deux sous-patrons. Je respecte tout ce qu’ils me commandent et me conforme aux normes établies. Cependant, il m’arrive d’endommager les matériels de travail par inadvertance. Mais cela ne tient généralement pas lieu à mon égard, d’un mépris ni d’un renvoi de la part de mes patrons. Bien au contraire, ils me montrent les meilleurs moyens pour éviter de tels dommages à l’avenir. Ainsi, contrairement à d’autres apprentis, je n’ai connu aucun châtiment corporel depuis 5 mois que j’ai débuté mon apprentissage.
Dans le contexte socio-économique actuel, peut-on affirmer que ce métier nourrit son homme ?
Je peux dire oui. Parce qu’il n’y a pas de sous-métier. Pour l’heure, je ne suis pas encore une patronne, mais je constate que c’est un travail qui nourrit son homme et peut rendre heureux si l’on sait bien l’exercer.
Pouvez-vous nous dire votre niveau d’étude ?
Je n’ai pas eu la chance d’étudier comme mes frères et sœurs. Je me suis arrêtée très tôt au cours pédagogique (Cp). Mais j’ai la certitude que le fait de ne pas étudier pour avoir des diplômes n’est pas une fin en soi. C’est pourquoi j’ai opté vaillamment pour ce métier. Un métier que je suis la seule à faire dans ma famille.
Parlez-nous un peu de vos principes de vie. Qu’aimez-vous et détestez-vous le plus ?
Je me sens heureuse quand je suis avec d’autres personnes, surtout avec mes patrons et parents puisque j’apprends énormément d’eux. Je consacre aussi mon temps de loisirs à la réalisation d’autres travaux qui peuvent me procurer de l’argent. Car je déteste l’oisiveté et la paresse. Je n’aime pas non plus les injures ni les châtiments corporels. En lieu et place de ces derniers, je préfère les reproches.
Peut-on connaître votre situation matrimoniale ?
Je suis célibataire sans enfant. Je n’ai même pas de copain contrairement à beaucoup de filles de mon âge. Car pour moi, chaque chose à son temps. Je donne donc plus de crédit à mon apprentissage puisqu’à mon avis, une femme qui sait exercer un métier avant de se marier a plus de valeur et est plus respectée.
Quels conseils avez-vous à l’endroit des jeunes filles comme vous qui hésitent à exercer ce métier?
D’abord, je leur recommande beaucoup de courage et de persévérance. Parce qu’il est difficile de faire un travail qui n’est pas purement féminin. Ensuite, il est important qu’elles sachent que pour mieux réussir dans la vie, il faut nécessairement faire dos aux propos dissuasifs et d’intimidation qui peuvent les détourner de leur vision. Par ailleurs, j’exhorte toutes les filles béninoises en général à exercer nécessairement un travail. Car à mon avis, au-delà d’être un simple mot dans nos propos quotidiens, la parité doit se pratiquer. Et cela commence par le travail, selon moi.