L’ancien président centrafricain Djotodia en exil au Bénin à cœur ouvert avec Fraternité : « J’ai choisi rester en famille sous le regard de mon beau frère Yayi… »
Bientôt dix mois que l’ancien homme fort de Bangui et numéro un de la Seleka, Michel Djotodia a trouvé refuge au Bénin après avoir été poussé vers la sortie par les dirigeants de l’Afrique Centrale. Longtemps muré dans un silence légitime, l’homme au physique de boxeur a pourtant, pour la première fois, dans la convivialité reçu à Abomey-Calavi votre quotidien Fraternité. Sans craintes, et sans langue de bois, Michel Djotodia parle de son arrivée au Bénin et des conditions dans lesquelles se déroule son exil. L’homme ne parle plus beaucoup de la Centrafrique, mais il caresse néanmoins le rêve d’un retour triomphant à Bangui.
Depuis janvier 2014, après avoir été contraint à la démission avec votre premier ministre Nicolas Tiangaye, vous séjournez au Bénin, autant dire que la Centrafrique est bien loin derrière vous. Votre pays vous manque-t-il ?
Merci d’être venu vers moi. J’apprécie énormément votre démarche en ce sens que depuis que je suis au Bénin, je ne me suis pas encore prononcé publiquement. Oui, la Centrafrique me manque, car je ne peux être tranquille à l’idée que les populations civiles continuent de souffrir. Je suis redevable envers le peuple centrafricain et tous les jours, je rêve d’un lendemain meilleur pour mon peuple.
Avez-vous gardé des contacts là-bas ?
Oui, j’ai gardé beaucoup de contacts sur place et je suis en relation permanente avec le pays. Nous avons des soldats sur le terrain. Je vous rappelle au passage que nous contrôlons encore deux tiers du territoire national.
Mais aujourd’hui, comment analysez vous la situation actuelle ?
J’analyse la situation actuelle de la Centrafrique à deux niveaux. Le premier constat a trait à l’appel au retour qui revient sur toutes les lèvres. Au second plan, je vois le temps. Plus il passe, plus mon peuple souffre. Mais laissons le temps au temps !
Vous parlez du temps et justement, il y a longtemps que vous êtes en exil au Bénin, mais pourquoi avoir choisi ce pays comme terre d’asile ?
Je tiens d’abord à remercier tout le peuple béninois pour son hospitalité, et toute la sollicitude dont ce peuple a fait montre à mon égard. Aussi, je m’en voudrais énormément de ne pas remercier aussi mon frère et ami et d’ailleurs mon beau-frère Boni Yayi (rires…), votre président avec qui j’ai gardé des liens d’amitié très serrés. Et ceci m’amène à répondre à votre question. En réalité le choix du Bénin n’est pas fortuit. Aujourd’hui, je dois vous le dire, j’avais un choix large. Ses Excellences, Idriss Déby Itno, Théodoro Obiang Nguéma, Ali Bongo et mon frère Dénis Sassou N’Guésso, dans un premier temps, n’ont pas voulu me laisser partir quand la décision a été prise. Tous voulaient que je sois à leurs côtés afin de veiller sur moi et je profite au passage pour les remercier à nouveau pour l’estime qu’ils ont eu à mon endroit. Mais n’oubliez pas, qu’une partie de moi est béninoise et que d’ailleurs moi même aujourd’hui, je suis béninois. Mon épouse est d’ici et compte tenu de l’accueil que le peuple béninois m’a réservé chaque fois que je foule la terre de Béhanzin et de Bio Guéra et considérant les relations solides et fraternelles qui m’unissent à Boni Yayi, j’ai choisi le Bénin. J’ai choisi rester en famille sous le regard de mon beau frère Boni Yayi (Rires...).
Et une fois de plus vous avez été bien accueilli, j’imagine ?
Vous le dites déjà si bien. Boni Yayi s’est montré disponible et m’a ouvert sa tente. Depuis mon arrivée au Bénin, je n’ai manqué pratiquement de rien. Les soutiens moraux et financiers du président de façon personnelle ne m’ont pas fait défaut et d’une manière moins officielle, j’ai senti quand même à travers plusieurs autres démarches de certains proches collaborateurs du chef de l’Etat que mon sort et ma situation préoccupaient Boni Yayi.
L’avez-vous vu depuis que vous êtes là ?
Sourires… Bien sûr et à aucun moment, le chef de l’Etat ne m’a fermé ses portes. J’appelle Boni Yayi quand je sens le besoin de le faire et le vois en fonction de son agenda. Aucune barrière n’a été posée par Boni Yayi depuis que je suis à Cotonou, malgré son agenda chargé et je dois d’ailleurs a nouveau le lui reconnaitre. A plusieurs reprises, j’ai rencontré le chef de l’Etat pour lui faire part de certaines difficultés et sa réaction a été prompte. Souffrez que je ne vous dise pas de quoi nous avons parlé car, les discussions et échanges entre présidents restent des propos confidentiels. Ça ne se dévoile pas sur la place publique et ce n’est pas pour alimenter les colonnes politiques des magazines. Au delà même du président, mon épouse a aussi noué de très bonnes relations avec la première dame madame Chantal Yayi et jusqu’à ce jour, son soutien a été aussi sans faille.
Ce que vous dites monsieur le président contraste quand même avec certaines informations qui ont circulé ces derniers jours concernant vos difficultés financières ?
Soyez plus clair
Vous auriez frôlé la coupure d’électricité ces derniers jours et les services des impôts seraient à vos trousses
Je crois que vous avez la chance d’être devant moi et pouvez remarquer, avec l’accueil que je vous ai réservé que je ne vis pas dans le dénuement. Aussi, votre démarche est fort appréciable, puisque vous êtes venus vers moi. C’est professionnel. Mais vous n’avez pas tort puisque ces informations ont été relayées même sur les réseaux sociaux. Jusque là, je n’arrive pas à cerner la démarche de votre confrère, ni la provenance de ces renseignements. Depuis que je suis au Bénin et je vous le redis, j’ai eu droit de la part de mon frère Boni Yayi, à un soutien sans faille. Inutile de vous dire les conditions qui m’ont été offertes à la douane béninoise, alors même que l’article dont vous parlez mentionne que j’ai rencontré des difficultés. Tout cela est grotesque. Est-ce que c’est la société d’électricité qui a dit que j’avais des ennuis ? Allez leur poser la question. Parce que ma suite et moi sommes sans craintes et j’ai déjà pris les dispositions pour que les allégations publiées dans le journal en question soient rectifiées.
Donc ces informations seraient erronées selon vous ? Et que dites vous des impôts ?
Monsieur le journaliste, lorsque le malade ne dit pas au docteur le mal dont il souffre, peut-il le soigner ? Je crois que non. Ce que vous évoquez là reste un détail mineur. Oui, j’ai reçu la visite du service des impôts. Ces fonctionnaires sont dans une démarche républicaine et œuvrent pour le fonctionnement des institutions de l’Etat. Que voulez vous ? C’est une tâche noble ! Et désormais en tant que citoyen béninois, je dois m’acquitter de mes droits civiques. Seulement, je tiens à vous dire que si j’avais besoin d’une quelconque faveur, je me serais adressé aux personnes compétentes. Je n’ai pas considéré cette démarche du service des impôts comme un ennui, sinon j’aurais posé mon problème, c’est-à-dire le mal dont je souffre à un médecin pour avoir gain de cause.
C’est M. le président bien d’avoir encore le sens de l’humour, après ses longs mois d’exil. Mais pour revenir à la Centrafrique, dites-nous est-ce que vous comptez repartir ?
Je partirai dès que le peuple me fera appel.
Vous croyez alors qu’une paix définitive est possible ?
Bien sur, une paix définitive est possible. Mais tout dépend du peuple centrafricain. Et comme j’aime le dire, qui veut la paix prépare la paix. Je profite aussi de cet entretien pour remercier à nouveau tout le peuple béninois, et surtout mon frère le Docteur Boni Yayi.
Entretien réalisé par Jean-Eudes MITOKPE