Les récents événements survenus au Burkina Faso et ayant entraîné la chute brutale du Président Blaise Compaoré au pouvoir depuis 27 ans, ont déclenché un réveil démocratique et accentué une veille citoyenne dans nombre de pays africains sur lesquels plane le péril d’une modification de la constitution à des fins opportunistes. Au Bénin où l’opposition espère récupérer politiquement la prouesse des démocrates Burkinabè, la situation et le contexte avec le Burkina Faso ne sont nullement identiques. Boni YAYI a donné, à maintes reprises, les gages et l’assurance qu’il quittera le pouvoir, au terme de son actuel et second mandat devant échoir le 06 avril 2016. La communauté internationale le sait bien et toute récupération politicienne de la situation burkinabè au Bénin n’apparaîtrait que comme une marche forcée contre la démocratie et l’état de droit.
Des langues à sensation n’ont de cesse de forcer une comparaison entre le Burkina Faso et le Bénin depuis le vendredi 31 octobre dernier, date à laquelle sous la pression de la rue, le Président Burkinabè, Blaise Compaoré, a pris la fuite en abandonnant son fauteuil présidentiel. L’homme fort du Burkina Faso arrivé au pouvoir un mois d’octobre de l’année 1987 après l’assassinat de Thomas Sankara, tombait aussi un mois d’octobre de l’année 2014, après vingt-sept ans de règne. Ce qu’aucun coup d’Etat militaire n’a réussi à faire durant ce long règne, la rue l’a obtenu seulement après deux ou trois jours d’intenses pressions et de marche dans les rues de Ouagadougou et de plusieurs importantes villes burkinabè comme Bobo Dioulasso. Que Blaise Compaoré, qui se croyait investi d’un mandat illimité au palais présidentiel de son pays, soit chassé comme un malpropre par la rue, cela n’est pas un fait anodin. C’est donc normal que cet exploit du peuple burkinabè soit salué partout en Afrique et dans le monde et que des leçons soient tirées par les autres Chefs d’Etat tentés de forcer la constitution de leur pays pour s’éterniser au pouvoir. Au Bénin, les événements du Burkina Faso ont inspiré une opposition qui n’avait pas en réalité grand ‘chose à se mettre sous la dent pour ruer dans les brancards. Ainsi, chaque jour, les communiqués provenant des officines politiques des partis de l’opposition ou des candidats potentiels ou déclarés fusent de partout inondant les médias pour donner des leçons au régime du Président Boni YAYI. Certains dignitaires de l’opposition réputés grands pourvoyeurs de sujets et d’analyses à sensation se téléphonent pour papoter sur une peur bleue qui se serait emparée de Boni YAYI au lendemain de la chute de Compaoré. Ces thèmes de commérages des barons de l’opposition en mal d’inspiration et de sujets sérieux sont relayés. Mais à y analyser de près, les adversaires du Président Boni YAYI qui ont tenté le tout pour le tout pour lui arracher le pouvoir depuis 2009 pensent récupérer les événements de Ouagadougou pour jeter les Béninois dans les rues en espérant provoquer une insurrection généralisée. C’est vrai, l’opposition a déjà testé son dispositif dans la rue le 29 octobre dernier avec une victoire à demi-teinte. Les raisons de la marche de l’opposition le 29 octobre 2014 apparaissaient comme une pression inutile dans la mesure où le gouvernement n’a pas attendu cette alerte pour rassembler les acteurs en charge de la correction de la LEPI aux fins de les mobiliser pour une conduite rapide de ce processus attendu pour l’organisation des élections communales et locales reportée à cause de cette exigence. Actuellement, les bouchées sont mises double et les regards sont tournés vers le COS-LEPI qui est sous la pression des forces politiques et citoyennes.
Le Bénin n’est pas le Burkina
Depuis les événements survenus au Burkina Faso avec la chute de Blaise Compaoré arrachée par la rue, une certaine presse force la comparaison entre ce qui s’est passé au pays des hommes intègres et la situation politique actuelle au Bénin. L’opposition béninoise qui sait bien que toute confrontation électorale tourne en faveur du Président Boni YAYI, espère récupérer les événements des 30 et 31 octobre dernier à Ouagadougou pour lancer des Béninois dans les rues pour un oui ou pour un non. Lorsqu’on analyse ce qui a provoqué la chute de Blaise Compaoré à la situation politique actuelle au Bénin, il n’y a pas une onde de similitude. Blaise Compaoré arrivé au pouvoir le 15 octobre 1987 à l’issue d’un coup d’Etat militaire qui a coûté la vie au Président Thomas Sankara, tentait de réviser la constitution de son pays pour se maintenir au pouvoir après un long règne de vingt-sept ans. L’article 37 de la constitution du Burkina Faso ciblé pour être modifié limite le mandat présidentiel à deux septennats. En novembre 2015, Blaise Compaoré dont le dernier mandat allait arriver à expiration, devrait logiquement quitter le pouvoir pour permettre l’alternance à la tête de l’Etat. C’est à ce niveau qu’il a voulu anticiper en sautant le verrou de l’article 37 qui l’en empêchait, sachant qu’avec sa majorité au Parlement un tel projet ne sera qu’une balade de santé. Il ne pouvait pas savoir, en dépit de la mise en garde des forces de l’opposition que le 30 octobre 2014, date de l’examen du projet querellé par l’Assemblée nationale, allait signer la fin de son long règne au pouvoir. Le peuple exaspéré par 27 ans de règne sans partage et d’injustice sociale, est sorti massivement pour dire halte à la forfaiture. Blaise Compaoré est donc tombé le 31 octobre 2014 sous la pression de la rue et d’un peuple assoiffé d’alternance politique et démocratique. Au Bénin, à moins d’une comparaison forcée, la situation est tout le contraire. Le projet de révision de la constitution écarte toute idée de modification des articles susceptibles de maintenir au pouvoir le Président Boni YAYI dont le second mandat finit en avril 2016. Mieux, l’Assemblée nationale peut décider de ranger au placard le projet de révision de la constitution. Elle l’a déjà fait pour une proposition de loi visant l’interdiction de la grève aux magistrats. Par ailleurs, le Président Boni YAYI est venu au pouvoir de façon démocratique et a été élu et réélu au suffrage universel à l’issue de scrutins jugés à chaque fois réguliers et transparents par les institutions nationales en charge des élections et par la communauté internationale. Et comme partout en Afrique, l’opposition a toujours contesté les élections en mauvais perdante, le Bénin ne fait pas exception bien que toutes les institutions démocratiques fonctionnent bien ici dans un contexte marqué par la pluralité des partis politiques, la libre expression, la liberté de presse et la veille citoyenne et politique assurée par la société et les partis politiques. Mieux, le Président Boni YAYI critiqué au sujet de son projet de révision de la constitution, a donné les gages et l’assurance nécessaires qu’il quittera le pouvoir, au terme de son deuxième mandat le 06 avril 2016. Seuls ceux qui veulent utiliser ce motif à des fins politiciennes continuent de ne pas y croire. Aujourd’hui, logiquement, l’opposition béninoise n’a aucune raison de jeter les Béninois dans la rue dans le contexte actuel. La seule raison qui aurait été valable il y a quelques semaines ou mois, est celle de la non organisation à bonne date des élections communales et locales. Mais là, aussi cette opposition a sa part de responsabilité car c’est elle qui a exigé la correction de la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) dont le processus est en cours. Dès lors que le processus est en cours et que les différents acteurs impliqués mettent les bouchées doubles pour achever le processus et permettre d’aller aux élections, cette raison devient caduque et l’opposition à moins d’apparaître ridicule ne saurait l’utiliser pour semer du bordel dans une perspective de tenter l’exploit du peuple burkinabè. La seule chose que le peuple attend de son opposition, c’est de maintenir la veille citoyenne jusqu’à la fin du mandat du Chef de l’Etat dont tout le monde connaît l’échéance. C’est vrai que beaucoup de présidentiables sans électorat ni base électorale veulent bien prendre leurs pouls en testant dans les rues leur popularité. Mais jamais la foule n’a été les militants. Que les apprentis sorciers qui courent après ou rêvent d’un scénario catastrophe comme ce qui est arrivé récemment au Burkina ne se trompent de pays. Le Bénin n’est pas le Burkina et chaque pays a ses spécificités. Nous avions tous applaudi l’exploit du peuple burkinabè qui a dit non à la forfaiture et s’est ainsi libéré de 27 ans d’oppression et de règne sans partage de l’assassin d’un digne révolutionnaire de l’Afrique qui s’appelait Thomas Sankara. Que ceux qui aiment nager dans les eaux troubles se le tiennent pour dit : au Bénin le pouvoir politique se gagne par les urnes. Ceux qui rêvent de succéder à Boni YAYI n’ont qu’à prendre leur mal en patience et attendre le 06 avril 2016. Le Rendez-vous est donné dans les urnes.