Freetown - Un journaliste sierra-léonais ayant critiqué la lutte contre Ebola dans son pays était toujours en détention mardi, huit jours après son arrestation sur ordre du président Ernest Bai Koroma, pour avoir notamment évoqué des troubles similaires à ceux qui ont emporté le régime au Burkina Faso, a-t-on appris de source judiciaire.
Quatorze ONG ont réclamé mardi dans un communiqué le respect des règles de droit et la libération sous caution de David Tam Baryoh, présentateur d'une émission hebdomadaire baptisée "Monologue" sur la radio privée Citizen FM, arrêté le 3 novembre, selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
Selon un communiqué du procureur général Frank Kargbo dont l'AFP a obtenu copie, il est reproché à M. Baryoh "des déclarations incendiaires" faites durant son émission diffusée le 1er novembre et lors de laquelle le journaliste aurait "laissé entendre" que le gouvernement utilisait ses prérogatives pour "se maintenir au pouvoir et non pas lutter contre Ebola".
"Son insinuation que les récents événements au Burkina Faso pourraient se produire en Sierra Leone, pays encore sous le choc d'un conflit dévastateur et actuellement confronté à une épidémie d'Ebola d'ampleur sans précédent, est non seulement déplaisant, mais aussi une tentative de provoquer des troubles", a affirmé M. Kargbo.
Le président Blaise Compaoré, qui dirigeait le Burkina Faso depuis 27 ans, a été forcé à la démission le 31 octobre par un soulèvement populaire.
La Sierra Leone, qui a connu une guerre civle particulièrement atroce (120.000 morts, 1991-2002) est l'un des trois pays d'Afrique de l'Ouest - avec le Liberia et la Guinée - les plus durement touchés par l'épidémie d'Ebola qui a fait près de 5.000 morts sur plus de 13.200 cas depuis décembre 2013.
A Freetown, la capitale, l'arrestation de David Tam Baryoh a été dénoncée par plusieurs médias et organisations de la société civile, qui se sont déclarés préoccupés par le recours aux pouvoirs d'exception contre le journaliste, dénonçant une menace pour la liberté d'expression.
Une délégation de représentants de la population a annoncé avoir rencontré M. Baryoh, détenu à Pademba Road, la principale prison de Freetown, ainsi que le président Koroma, invitant ce dernier à "faire preuve de magnanimité" en relâchant le journaliste, selon un communiqué.