A travers une lettre ouverte adressée au chef de l'Etat Boni Yayi, notre confrère Maurice Chabi pointe du doigt les incohérences juridiques dans la gouvernance de son frère nagot Boni Yayi.
Maurice Chabi est l'un des journalistes béninois, témoins des différentes époques de la vie politique du pays depuis les années 1970. Ancien directeur de publication du quotidien national " EHUZU " (aujourd'hui LA NATION), il est le fondateur et directeur de publication du quotidien LES ECHOS DU JOUR (fermé aujourd'hui). A travers une lettre ouverte adressée au chef de l'Etat Boni Yayi, il vient de dénoncer les incohérences juridiques dans la gouvernance de son frère Boni Yayi.
Lettre ouverte
A mon frère Yayi Boni,
Tu permets que je continue de t'appeler " mon frère " ; même si, entre toi et moi, il y a désormais un grand fossé que les liens fraternels, aussi forts soient-ils ne sauraient combler. Et puis, au-delà de nos divergences profondes connues, je me dois de toujours te considérer comme un frère, ainsi qu'il est convenu d'appeler trivialement tous ceux et celles qui ont en commun le partage de la langue nagot et la culture Tchabè dont nous sommes tous les deux issus.
Je me dois d'insister sur ces détails d'apparence anodine, pour souligner la nature singulière de ma démarche qui s'adresse, non pas au chef de l'état que tu es et que je respecte, mais à l'homme, au natif de tchabè que tu es et que tu resteras. C'est me semble-t-il, le seul moyen de me mettre à l'abri de la foudre présidentielle que tu es toujours prompt à activer pour abattre tous ceux et celles qui, à ton endroit, osent une phrase critique ou simplement un mot contrariant.
Pour en venir à l'objet de ma lettre, je viens d'apprendre avec amertume, je dois l'avouer, la grâce présidentielle dont tu viens de gratifier Lionel Agbo, et par ricochet, ma consœur, Berthe Cakpossa de la chaîne de télévision Canal 3. En d'autres temps, j'aurais applaudi cet acte de générosité toute présidentielle, si j'y avais relevé ne serait-ce qu'une once d'intégrité intellectuelle. Hélas, Hélas ! Ce geste ridicule et ubuesque vient noircir le tableau d'une démarche judiciaire aussi revancharde qu'indécente, digne d'une république bananière.
En effet, ta grâce présidentielle vient absoudre un délit qui n'en est pas un ; du moins dans un Etat de droit, et je m'explique. Ton ancien conseiller technique, en l'occurrence Maître Lionel Agbo tient une conférence de presse et accuse ton entourage et proches collaborateurs de corruption. Face à de telles accusations au demeurant graves, la réaction d'un homme d'Etat serait, à mon humble avis, d'inviter l'intéressé à apporter la preuve de ses allégations pour permettre à l'autorité que tu incarnes de sévir. Dans le cas contraire, le faux accusateur en aurait eu pour son grade, et sa crédibilité mise à rude épreuve. Les Béninois sont, me semble-t-il, assez mûrs pour se forger une opinion et, le cas échéant dire s'il y a diffamation ou pas.
En portant plainte contre Maître Lionel Agbo, tu t'inscris ipso facto en faux contre ses allégations, alors même que, quelques mois plus tôt, dans ton interview du 1er Août 2012, tu reconnaissais implicitement que toutes les institutions de l'Etat étaient gangrénées par la corruption perpétrée par des hommes d'affaires peu scrupuleux.
Et comme le ridicule ne tue pas, tu as assorti ta généreuse grâce présidentielle du retrait de ta plainte. Ce retrait de plainte pour être cohérent aurait dû intervenir avant le procès. Je suis déçu et même chagriné que l'on t'ait laissé commettre cette bourde juridique monumentale et impardonnable, compte tenu de la qualité des juristes qui t'entourent et dont on peut désormais douter de la compétence.
En définitive, ton geste au demeurant salutaire pour les suppliciés, apparait comme de la poudre aux yeux de l'opinion publique nationale et internationale. Et je ne peux pas m'empêcher de penser à la manœuvre sordide du pyromane qui, après avoir mis le feu à la maison, prend un malin plaisir à jouer les pompiers. Les Béninois n'ont pas oublié l'épisode du dossier de l'empoisonnement du chef de l'Etat béninois qui n'a pas fini de défrayer la chronique. Il a été fait état récemment des démarches entreprises par des hommes de l'ombre auprès des présumés coupables pour, de leurs prisons, les contraindre à signer des lettres d'audience et solliciter ton pardon.
Et ce sans l'autorisation des autorités judiciaires compétentes. Je ne serais pas étonné que, faute de preuves formelles, cette affaire d'empoisonnement tourne court pour voir demain les présumés coupables jugés, condamnés puis graciés, selon la bonne vieille méthode du bâton et de la carotte. Je me trompe ?