En n’organisant pas depuis 2013, les élections locales et communales, le chef de l’Etat a plongé le pays dans une crise politique dont on ne connaît pas encore l’issue. A plusieurs reprises, toutes les forces de l’opposition et les organisations de la société civile ont appelé à l’ouverture des discussions entre les différents acteurs, avec en toile de fond, la question de la Lépi à laquelle il faut renoncer, selon elles, pour avoir des élections sans délai. Dans cette atmosphère lourde, Yayi Boni fait cavalier seul. Le président de la République met en place un comité monocolore dirigé par son ministre d’Etat et redevient gentil avec le Cos-Lépi. Plutôt que ces actes s’apparentent à des signes rassurants, ils montrent le vrai visage de l’Exécutif : errements, tromperie, sournoiserie….
3,5 milliards de Fcfa encore disponibles pour le Cos-Lépi. C’est incontestablement une bonne nouvelle, tout comme le message du Chef de l’Etat invitant les populations à prendre massivement part à l’enregistrement complémentaire dans le processus de correction et d’actualisation de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) qui a commencé hier, mercredi sur toute l’étendue du territoire national. Taxé, pendant longtemps, d’être un obstacle à la réalisation de la Lépi, pour avoir confisqué les moyens financiers à mettre à la disposition de l’organe chargé de son exécution, le gouvernement donne l’impression de se repentir de ses fautes. Après avoir lésiné sur les ressources financières, accusé le Cos-Lépi de mauvaise gestion, envoyé une mission d’inspection au Cos-Lépi et juré la main sur la Bible et le Coran, qu’il ne sortira plus des caisses de l’Etat un seul copeck au profit de la structure, c’est surprenant de constater que le même gouvernement ait changé de fusil d’épaule. On doit en tirer des leçons, parce qu’à la suite des évènements au Burkina Faso et la marche de l’opposition béninoise, il y a de cela deux semaines, beaucoup avaient avancé que tout cela influera sur le cours des choses au Bénin. C’est pourquoi, le président de la République se présente comme celui qui se préoccupe de la résolution de la situation marquée par une inquiétude partagée. Il a même cherché à donner des signes rassurants. Seulement, à y voir de près, d’autres causes existent. Il y a la proposition que soutiennent l’opposition et la Société civile : confectionner une liste alternative pour aller aux élections locales et communales. Tous les dinosaures de l’opposition, tels que Adrien Houngbédji, Bruno Amoussou, Candide Azannaï, Janvier Yahouédéou, Lazare Sèhouéto, Affo Djobo, Séraphin Agbahoungbata, de même que les leaders syndicaux et les chefs de file de la Société civile : (Martin Assogba, Joël Atayi Guédégbé et autres) demandent à mettre la Lépi de côté pour permettre la tenue des élections locales sur la base d’une liste alternative. Ils espèrent en faire leur plat de résistance au cours d’une rencontre avec le chef de l’Etat qu’ils attendent impatiemment. Ils espèrent également qu’ils se mettront d’accord avec le président de la République pour stopper le mandat illégitime des maires. Ce sont des questions urgentes à régler dans un cadre de dialogue. Yayi Boni a lui-même exprimé le vœu, dans un Conseil des ministres, de rencontrer les partis politiques pour trouver un remède à la crise politique. Cette annonce portée par le Secrétaire général du gouvernement, Alassani Tigri est intervenue au lendemain de la marche de l’opposition à Cotonou, le 29 octobre 2014. Parallèlement, un comité de réflexion composé des acteurs proches du pouvoir. Ce comité qui est sous la Direction du ministre d’Etat, François Abiola fera des propositions.
Tromperie…..
De loin, ces actes du pouvoir ne peuvent avoir qu’une signification : la volonté de Yayi Boni de sortir le pays de l’impasse. Or, en les regardant de près, ce n’est que sournoiserie. En effet, toutes les propositions des forces politiques et de la Société civile sont à l’opposé de la position du président de la République. Alors que l’opposition réclame, de plus en plus, des élections locales et communales sans la Lépi, c’est en ce moment que Yayi Boni décide de donner de nouveaux moyens au Cos-Lépi pour que ces consultations se tiennent avec la liste corrigée. Pendant que les organisations démocratiques opposées à son régime revendiquent qu’un terme soit mis au mandat des maires, condition non négociable avant toute chose, la majorité parlementaire tergiverse et n’accompagne pas cette idée. Dans ce jeu de duperie et de cache-cache, Yayi Boni cache son obscurantisme en lançant en l’air qu’il faut agir sur les délais prescrits par le code électoral, en matière d’organisation des élections. Or, réduire par exemple les 60 jours réglementaires qu’il faut pour livrer la Lépi avant le jour du scrutin, entraînera un vrai désordre et conduira le pays vers des élections cafouilleuses. Il y a autant de dispositifs que le code a prévus pour sécuriser les élections. A suivre Yayi Boni, on peut les contourner. Cela n’augure rien de bon pour ces consultations. Ce que lui-même doit commencer par faire, c’est de prendre un décret pour convoquer le corps électoral, s’il tient à organiser les élections locales et communales en février 2015. A moins qu’il a l’intention de se dérober des prescriptions du code électoral qui fixent à 90 jours avant le scrutin, la date à laquelle le président de la République doit convoquer le corps électoral. En tout cas, depuis hier, certains ministres en tournée gouvernementale ont annoncé que les élections pourraient se tenir vers la fin de la deuxième moitié du mois de février prochain. Mais, il n’y a pas encore le décret présidentiel à ce propos. Ce qu’il faut déjà souligner, c’est que Yayi Boni est le seul à savoir quand est-ce qu’il se décidera. Il avait fait dire au président de la Cour suprême, Ousmane Batoko, que ces consultations ne se tiendront pas en cette année 2014. Le temps que la nouvelle fasse le tour du pays, il a changé d’avis au cours d’un Conseil des ministres. L’échéance a été ramenée en 2014, sans précision. Depuis hier, on ne parle plus de 2014, mais de 2015. Ces comportements illustrent les errements d’un régime acculé par les forces démocratiques qui réclament des élections libres et sécurisées dans un délai court. Yayi Boni est conscient qu’il a la nécessité d’être à l’écoute de son peuple et d’être à l’écoute des situations de troubles nées du non respect des contrats avec les mandants.