Le débat sur la révision de la constitution revient de plus bel. Le chef de l'Etat par décret n° 2013-55 a transmis à l'Assemblée nationale le projet de loi portant révision de la Constitution du 11 Décembre 1990. En dépit de son engagement, à la limite solennel, de ne point briguer un troisième mandat, le président Boni Yayi ne réussit toujours pas à convaincre les Béninois de la pertinence de son projet de réforme constitutionnelle. Cet énième coup d'essai sera t-il le bon ? Qu'apporte t-il de mieux que les autres et quelles sont les garanties que donne Boni Yayi ?
Le Chef de l'Etat, dans son projet de société, a proposé des réformes dans tous les secteurs. Pour les concrétiser, son gouvernement a initié plusieurs projets de lois au cours des deux quinquennats. Au nombre de ces projets de loi initiés figure la proposition de loi portant révision de la constitution. Une fois soumis à l'Assemblée nationale, le projet a subi des critiques acerbes et des voix se sont élevées pour dénoncer un complot contre le peuple béninois malgré l'engagement du premier des Béninois à préserver les dispositions relatives à la limitation d'âge et au nombre de mandats présidentiels. Les observations faites par les membres de la commission des lois ont obligé le gouvernement à retirer du circuit ce projet de loi... Mais, ce n'était apparemment qu'un recul pour mieux sauter.
…de nouveau à la charge
En effet, le 6 juin dernier, le gouvernement a transmis à l'Assemblée Nationale, comme le prescrivent les dispositions légales en la matière, par décret n° 2013-255 le projet de révision de la Constitution. A la séance plénière du jeudi 13 juin dernier, ce projet de loi a été transmis à la commission des lois. D'ailleurs le chef de l'Etat, au colloque sur les 20 ans de la constitution béninoise, déclarait déjà " …. à la lumière des élections successives qui se sont déroulées au Bénin, il est à constater que l'arbitrage de la Cour du contentieux électoral s'avère de plus en plus complexe en raison, entre autres, de l'insuffisante de modernisation de notre système politique et électoral. C'est pourquoi, mon gouvernement a lancé la réflexion sur les réformes dont la mise en œuvre nécessite la relecture de notre constitution du 11décembre 1990. "
Innovations
Le projet de loi portant révision de la constitution actuellement en instance au parlement comporte des innovations. Pendant que certaines de ses dispositions renforcent des institutions de la République notamment la Cour constitutionnelle, il y a des dispositions qui affaiblissent d'autres institutions comme l'Assemblée nationale. En effet, L'article 105 du texte stipule : " L'initiative des lois appartient concurremment au Président de la République, aux membres de l'Assemblée Nationale et aux citoyens à raison d'au moins mille (1000) personnes par département. Une loi organique précise les modalités de mise en œuvre de l'exercice de ce droit par les citoyens. Les projets de loi sont délibérés en Conseil des Ministres, après avis motivé de la Cour suprême saisie conformément à l'article 133 de la présente Constitution et déposés sur le Bureau de l'Assemblée Nationale. L'Assemblée nationale délibère en priorité sur les projets de loi. Les projets et propositions de loi sont envoyés avant délibération en séance plénière, à la commission compétente de l'Assemblée Nationale pour examen. Le projet du budget de l'Assemblée Nationale ne peut-être examiné en commission ou en séance plénière sans avoir été au préalable soumis au Bureau de ladite Assemblée. " Avec ces dispositions, on constate clairement que outre Assemblée nationale et le gouvernement qui peuvent initier les lois, on donne le pouvoir de légiférer aux citoyens. Mais le nouveau texte exige des députés l'étude en priorité des projets de lois venant du gouvernement et des citoyens. Une manière de réduire les prérogatives du parlement. L'article 108 du nouveau texte vient renforcer l'affaiblissement de l'institution parlementaire puisqu'elle stipule que " Les autorisations de ratification des accords de prêts sont délibérés dans un délai de deux (02) mois au maximum après leur transmission au bureau de l'Assemblée nationale. Passé ce délai, l'autorisation de ratification intervient sur décision de la Cour constitutionnelle saisie par le président de la République. " Une manière de contraindre les députés dans leur mission de législation. Aussi, au regard des dispositions de l'article 111, on remarque une volonté d'empêcher les députés de rejeter la loi de finances. Il reste aux députés de voir s'il faut voter le texte en l'état ou s'il faut corriger les dysfonctionnements. Outre ces innovations, le texte règle certains problèmes à savoir la création de la Cour des comptes en son article 140 ; l'institutionnalisation de la Commission Electorale Nationale Autonome CENA en son article 147, qui détient le pouvoir d'organiser toutes les élections et proclamer les résultats provisoires sauf pour les élections présidentielles.
Un projet mal tombé
Comme par le passé des voix s'élèvent déjà contre le nouveau projet de révision de la constitution. Candide Azannaï (député FCBE) estime que la constitution ne sera modifiée d'aucune virgule car cette idée de révision est un complot contre la démocratie béninoise. Il est soutenu par son collègue Sacca Fikara de l'Union fait la Nation, qui annonce que son groupe parlementaire votera contre ce projet. D'autres députés, plus proches du pouvoir Yayi, dénoncent déjà le projet. Ce projet de révision qui se révèle un test de cohésion pour les parlementaires risque fort de raviver les tensions à l'Assemblée nationale dans les prochains jours.