Joseph Djogbénou après la sortie des avocats et des ministres au sujet du Pvi :« Si le gouvernement persiste dans la violation de la vérité judiciaire, on expose les deniers publics »
A travers une conférence de presse organisée à son cabinet, mercredi 19 novembre 2014, Me Joseph Djogbénou, assisté de Me Charles Badou et Elie Vlavonou, a réagi aux propos tenus, la veille, par les avocats et les ministres du gouvernement. Le collectif d’avocats de « Bénin-control S.a », a démontré, actes à l’appui, ses démarches de demande de règlement à l’amiable qui ont échoué, faute de réponse de la part du Gouvernement. Pour le collectif, les entreprises qui voudraient reprendre le Pvi que le Gouvernement tente de saucissonner, courent d’énormes risques. Lire les propos liminaires de Me Djogbénou.
J’observe que l’Etat béninois a, pour des questions pendantes devant la juridiction régionale, dû mobiliser plus de 7 avocats, dont le bâtonnier ivoirien. Comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement, à travers deux ministres, a dû se résoudre à des explications supplémentaires, comme si les avocats n’ont pas rempli leurs missions. Je voudrais vous rappeler le contexte, en guise d’observation générale. L’essentiel dans tous ces dossiers, Port, coton, c’est le refus d’un homme d’affaire, promoteur de société, à soutenir la révision de la Constitution. A partir du moment où il est avéré, et irréductiblement acquis dans l’esprit du président de la République que Patrice Talon n’adhérait pas à l’idée de révision de la Constitution, et donc à la réitération de deux mandats qui n’ont profité qu’à quelques uns, les difficultés ont commencé. Souvenons-nous le 1er août 2012, cette conférence de presse restée célèbre, à l’occasion de laquelle, il a désigné nommément Patrice Talon, comme celui qui souhaite l’évincer du pouvoir. La riposte avait commencé autour du Pvi-Nouvelle génération et du coton. C’est dans ce contexte que l’homme d’affaires Patrice Talon est devenu l’ennemi public n°1. Tout ce dont il a bénéficié est déclaré irrégulier, annulable. Il est devenu l’incompétent, le meurtrier et l’assassin. Au fond, avec l’intervention des deux ministres, l’on a compris que la matérialité du Pvi est disséquée et saucissonné. Avant la fin de l’année, comme le dit le ministre des Finances, les marchés seraient conclus. De ce point de vue, je salue les députés qui ont posé des questions alertant sur la situation. Mes confrères ont également entrepris d’alerter sur la situation. Que le gouvernement ait confirmé, c’est bien, puisque cela permet aux citoyens de comprendre.
Après ces observations, je dirai qu’après les interventions des avocats et des ministres du Gouvernement, qu’il y a trois sujets de préoccupation.
Le premier, c’est la défense, à travers la presse du dossier devant la Cour commune de justice et d’arbitrage. Je le regrette, parce qu’il y a des personnes qui préfèrent plaider devant les médias, au lieu d’aller défendre devant les juges. Depuis que cette procédure a commencé, on aurait pu les attendre devant la Ccja.
Ensuite, Bénin-control, n’a jamais sollicité le règlement amiable prévu par l’article 49 du contrat.
Troisième observation, Bénin-control n’a jamais sollicité l’exécution du contrat et, à plus forte raison, on ne devrait pas attendre de la Ccja de se prononcer sur l’exécution du contrat. Et pour finir, nous allons revenir sur les justifications du Ministre Djènontin par rapport à la reprise de l’attribution des marchés.
Sur la question du règlement amiable, c’est l’ange avec ce gouvernement. On vous a dit hier que l’Etat béninois a tout fait pour le règlement amiable, et que Bénin-control ne se serait pas conformé à cela. C’est pour cela que, selon le ministre de la Justice, le règlement à amiable aurait échoué. Vous aurez observé une contradiction manifeste. Pour les avocats de gouvernement, Bénin-control, ne se serait pas conformé à l’article 44, donc pas de règlement amiable. Le ministre, lui, dit qu’il y a eu règlement amiable qui a échoué. Mais, quelle est en fait la réalité ? Le souci de Benin control dans cette affaire, c’est de se conformer au contrat de marché. Après les différentes rencontres dont le ministre a parlé et au cours desquelles les représentants de Bénin-control ont exposé leur disponibilité à envisager une solution, nous avons adressé une correspondance, par voie d’huissier, le 20 novembre 2012. Correspondance mise en œuvre de conciliation préalable de l’article 49. C’est le règlement amiable. Conformément au contrat, nous avons indiqué les points sur lesquels le Gouvernement, lui-même, considère qu’il y a litige. Qu’est-ce que le contrat dit lorsque l’une des parties, très formellement, sollicite le règlement amiable ? L’autre se doit de répondre dans un délai d’un mois. Le 20 octobre 2012, le Gouvernement béninois, à travers le ministère de Développement, le ministre de l’Economie maritime, le ministre de l’Economie et des finances et l’Agent judiciaire du trésor ont reçu cette demande de règlement amiable.
Ont-ils répondu ? Ils n’ont pas répondu. Le 11 janvier 2013, soit plus d’un mois après, nous avons notifié une nouvelle correspondance de mise en demeure, à laquelle a constaté l’échec du règlement amiable par voie d’huissier. Je comprends que les avocats de l’Etat béninois n’aient pas eu ces éléments, y compris l’agent judiciaire du trésor, puisque notre administration connaît quelques problèmes d’archivage. Sinon, ils n’auraient pas affirmer qu’il n’y ait pas eu de règlement amiable. Deuxième préoccupation : ils disent que Bénin control n’a même pas demandé l’exécution du contrat. Si Bénin control n’a pas demandé l’exécution du contrat pourquoi s’émouvoir de ce qu’on ait engagé la reprise de la procédure. Puisque, si nous, on est condamné, on va respecter la sentence, d’autant plus que Bénin control n’a pas demandé l’exécution du contrat. Donc, les entreprises qui s’engagent dans cette entreprise de reprise attendent une réponse à la question : est ce que Bénin control a demandé l’exécution du contrat ? Est-ce que la Ccja a condamné à l’exécution du contrat ? La réponse à tout ceci se trouve dans le mémoire du Bénin. Ce que l’on appelle mémoire, ce sont les demandes devant les hautes juridictions qu’une partie formule. A la page 11 de ce document, Bénin-control a demandé enjoindre à l’Etat béninois d’avoir à poursuivre l’exécution du contrat de marché du 9 février 2011 relatif à la mise en place du Pvi-nouvelle génération, avec Bénin-Control dans les termes convenus, dans un délai de 60 jours, à compter de la date du prononcé de la sentence administrative. Je voudrais insister là-dessus. Lorsqu’un opérateur n’est pas un professionnel, il peut chercher des poux dans les cheveux de ses contradicteurs pour avoir des dommages et intérêts considérables. Nous- mêmes, on aurait pu demander 500 milliards. Mais, un opérateur professionnel est quête d’expérience et de rigueur. Voici un national qui dit, en dépit de tout ce qui s’est passé, je préfère voir l’Etat béninois exécuter le programme. Si on devrait solliciter la condamnation de l’Etat béninois, quelle est sa capacité pour payer ? Il n’a pas recherché 500 milliards, ni 1000 milliards. Quelle est la réponse des arbitres ? Elle est exactement pareille. Les arbitres ont dit : enjoint à l’Etat béninois de reprendre et de poursuivre l’exécution du contrat de marché relatif à la mise en exécution du Pvi avec Bénin control s.a dans les termes et conditions, dans un délai de 60 jours. Il y a eu une condamnation de 12 milliards. Pourquoi ? Cette condamnation correspond aux factures déjà exécutées. Il y a eu des prestations. Le groupe Bureau Veritas était l’un des prestataires dans le cadre de la sous-traitance. Bureau Veritas n’a pas considéré le fait que l’Etat ait suspendu le contrat avant d’attraire Bénin control devant les arbitres. Les arbitres ont condamné Bénin control a payé les prestations de Bureau Veritas. Or, Bénin-control n’a pas été payé par l’Etat. Dans les greffes du Tribunal de Cotonou, beaucoup de sociétés demandent à Bénin control de payer leurs prestations. Quant au Gouvernement, il n’est pas disposé à payer les prestations de Bénin control. Voilà la situation.
Il faut que les entreprises sollicitées dans le cadre de la reprise recherchent des assurances les plus fortes avant de s’engager. Si le Gouvernement persiste dans le mépris et la violation de ce qui relève de la vérité judiciaire, on expose les deniers difficilement acquis de nos compatriotes. Une autre préoccupation, c’est l’exécution du contrat qui est sollicité. Il y a une tentative de justification de l’attribution du marché de la part du Ministre Djènontin et du ministre des Finances. Il y aurait une urgence extrême, en raison des engagements du Bénin avec le Fmi et la Banque mondiale. Le Bénin doit finaliser le programme. Mais, d’un autre côté, il n’y a pas urgence pour que la Ccja rende sa décision. On demande report et renvoi. On suspecte même la Ccja d’être complice. Au même moment qu’on estime que l’Etat béninois doit poursuivre son programme, on demande à la CCja de ne pas poursuivre la procédure. Donc, il y a urgence, mais pas urgence à régler cette affaire. On a aussi considérer que le Pvi, c’est le premier programme de vérification des importations. Or, il y avait déjà le Pvi sous les présidents Soglo et Kérékou. Cotecna est encore là, Bureau Veritas est encore là. Ce n’est pas le premier programme. L’autre élément sur lequel il faut insister, c’est que le Ministre Djènontin, dans ses explications, a déclaré qu’à l’exécution, le programme était catastrophique et que l’opérateur aurait promis contribuer à hauteur de 600 milliards à l’accroissement des recettes de l’Etat. De même, il estime que cet engagement n’aurait pas été tenu. Ma première réponse est la suivante : ce n’est pas un contrat de gré à gré. Ce programme est consécutif à un appel d’offres international. Il n’y a pas un engagement de la sorte dans l’appel d’offres. Quand on glisse trop sur la vérité, on risque de tomber. Selon le ministre tous les Nigérians, les Nigériens, les Maliens et les Tchadiens ont fui le Port du Bénin parce que le programme serait mauvais. Il ne reste que les Béninois. Heureusement ! Nous demandons aux ministres de sortir le rapport que l’Union européenne a commandité à Delote, au moment où le programme était suspendu. Selon ce rapport, c’est l’un des meilleurs programmes et que les résultats étaient au-delà des attentes. Cette intervention, avec occupation de l’espace médiatique, notamment les médias publics, le Gouvernement tente de convaincre les entreprises qui sont en train de compétir. Ces entreprises, avec leurs expériences, doivent savoir que les risques sont élevés. L’Etat béninois doit être conscient des risques. Boni Yayi est dans la dernière année de son mandat. Qu’il ait beaucoup de lucidité. Un Gouvernement en fin de mandat se consacre à la gestion des affaires courantes.