Le projet de révision de la Constitution du 11 décembre 1990 introduit à l’Assemblée nationale suscite diverses réactions de désapprobation. La dernière en date est celle du président du parti « Réveil patriotique ». L’ancien député Janvier Yahouédéou a adressé à ce sujet une lettre ouverte au chef de l’Etat à travers laquelle, il demande à Yayi Boni d’abandonner le processus pour trois principales raisons. Lire la lettre ouverte de l’ancien chef de file des Fcbe.
Janvier Yahouédéou
Président du Parti "Réveil Patriotique"
02 BP 1528 - Cotonou
Lettre ouverte n°1
A son Excellence Docteur Boni Yayi
Président de la République
Chef de l’Etat
Chef du Gouvernement
Ministre de la Défense
Cotonou – Bénin
OBJET : 3 bonnes raisons pour dire NON à la Révision de la Constitution
Excellence Monsieur le Président de la République,
C’est avec un profond respect que je me permets de vous adresser la présente lettre ouverte, suite au décret n° 2013-255 DU 06 JUIN 2013 portant transmission à l’Assemblée Nationale du projet de loi portant révision de la Constitution de la République du Bénin.
Excellence Monsieur le Président de la République, notre Constitution n’est pas parfaite, certes, mais pourquoi la modifier en cette période de profonde suspicion et d’inquiétude du vaillant peuple béninois ? Je voudrais par la présente lettre vous dire les trois raisons qui obligent mon parti politique (Réveil Patriotique) et moi-même à dire non à ce projet de révision de la Constitution de notre pays.
1-La Constitution du Bénin est le fruit d’un large consensus national, après 17 ans de dictature et de souffrance. Sa révision ne saurait se faire sans un large consensus national. Ce principe a d’ailleurs été consacré par la décision DCC-06-074 du 08 Juillet 2006 de la Cour Constitutionnelle qui, se prononçant sur la constitutionnalité de la Loi constitutionnelle n° 2006-13 portant révision de l’article 80 de la Constitution du 11 décembre 1990 votée par l’Assemblée Nationale le 23 juin 2006, portant modification de la durée du mandat des députés a affirmé ceci : ‘’ Considérant que ce mandat de quatre (4) ans, qui est une situation constitutionnellement établie, est le résultat du consensus national dégagé par la Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1990 et consacré par la Constitution en son Préambule qui réaffirme l’opposition fondamentale du peuple béninois à …la confiscation du pouvoir ; que même si la Constitution a prévu les modalités de sa propre révision, la détermination du peuple béninois à créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, la sauvegarde de la sécurité juridique et de la cohésion nationale commandent que toute révision tienne compte des idéaux qui ont présidé à l’adoption de la Constitution du 11 décembre 1990, notamment le consensus national, principe à valeur constitutionnelle ; qu’en conséquence, les articles 1 et 2 de la Loi constitutionnelle n° 2006-13 adoptée par l’Assemblée Nationale le 23 juin 2006, sans respecter le principe à valeur constitutionnelle ainsi rappelé, sont contraires à la Constitution ; et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens ; ‘’
Cette décision constitue donc une jurisprudence qui empêche l’Assemblée nationale à se substituer au consensus national.
2- Le contexte régional ne s’y prête pas. Modifier la Constitution de son pays au cours du deuxième et dernier mandat est la nouvelle trouvaille de certains chefs d’Etat africains pour s’éterniser au pouvoir. La stratégie est simple et reste la même : • Dans un premier temps, annoncer au peuple son engagement ferme à ne pas briguer un autre mandat pour endormir les esprits ; •Dans un deuxième temps, utiliser des arguments comme la modernisation et la création de nouvelles institutions afin d’honorer des obligations vis-à-vis de partenaires financiers, etc. comme prétextes pour modifier la loi fondamentale avec comme conséquence une nouvelle République, permettant de facto au chef de l’Etat sortant de se repositionner pour d’autres nouveaux mandats. Les exemples font aujourd’hui légion.
3- Le contexte national ne s’y prête pas. Il y a des besoins plus urgents :
En 2006 vous aviez promis aux béninois l’autonomie énergétique, où en sommes-nous 7 ans après au regard des graves situations de délestage ?
En 2006, vous aviez promis aux béninois, de transformer notre pays en un village numérique, où en sommes-nous sachant que le Bénin est classé avant-dernier en termes de qualité de l’internet par socialnetlink ?
En 2006, vous aviez promis aux béninois un taux de croissance à deux chiffres. Où en sommes-nous sachant qu’en 2012 le Bénin a été classé dernier des pays de l’Uemoa selon les chiffres de la Bceao ;
Avant votre prise de pouvoir, notre pays fut classé 1er en Afrique et 23ème sur le plan mondial en termes de liberté de presse et d’expression par Reporter Sans Frontières. Où en sommes-nous aujourd’hui sachant que notre pays a été classé 91ème en 2012 ?
Avant 2006, notre justice avait toute sa lettre de noblesse. Où en sommes-nous aujourd’hui face à cette crise ?
Etc.
Excellence Monsieur le Président de la République, face à ce bilan désastreux, nous voudrions par la présente vous suggérer d’abandonner ce projet de révision de notre loi fondamentale qui ne présente aucune urgence, mais de consacrer vos énergies à améliorer le quotidien du peuple béninois.
Excellence Monsieur le Président de la République, nous sommes conscients que cette lettre peut ne pas plaire et pourrait déclencher des avalanches de réactions de persécutions sur toutes les formes (inquisitions fiscales, asphyxie économique, arrestations arbitraires, etc.) mais les membres de mon parti Réveil patriotique et moi même sommes prêts à dire NON à tout arbitraire pouvant contraindre à la privation de la liberté ou à l’exil forcé.
Veuillez recevoir Excellence Monsieur le Président de la République, l’expression de notre engagement patriotique.