Le climat est toujours invivable au Conseil communal de Tanguiéta. Et visiblement le Préfet des départements de l’Alibori et de la Donga a de difficultés à gérer cette crise qui perdure. Dans une lettre ouverte adressée à leur autorité de tutelle, 11 Conseillers de la Commune de Tanguiéta dénoncent son attitude car « interpellée par deux fois dans une situation de crise exigeant la destitution du maire Simba Bio Kouagou, elle bloque le dossier » en violation des textes portant sur la décentralisation. Ils déclarent tenir responsable le Préfet de tout ce qui pourrait advenir à cause de sa passivité. Lire la lettre.
Lettre ouverte à monsieur le préfet des Départements de l’Atacora et de la Donga
Objet : Convocation d’une session extraordinaire pour vote de défiance à l’endroit du Maire de la Commune de Tanguiéta
Monsieur le Préfet,
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Les Conseillers communaux signataires de la présente note voudraient partager avec vous quelques préoccupations relatives à la gestion de la crise qui prévaut au sein du Conseil Communal de Tanguiéta, laquelle crise qui chaque jour passant s’aggrave par votre attitude qui ne manque pas de susciter des interrogations.
En effet, en application de l’alinéa 2 de l’article 53 de la Loi 97-029 du 15 janvier 1999, portant organisation des communes en République du Bénin, les onze Conseillers communaux de Tanguiéta soussignés sur les quinze, ont demandé par lettre en date du 28 mars 2013, la convocation d’une session extraordinaire du Conseil Communal, en référence à l’alinéa 2 de l’article 17 de la Loi n’97-029 du 15 janvier 1999, pour un vote de défiance à l’encontre du Maire.
Par arrêté préfectoral N°6/067/P-Sg-Stccd-Dclc du l-8 avril 2013, vous aviez bien voulu enclencher la procédure en mettant sur pied un comité de conciliation entre le Maire et les conseillers signataires que nous sommes, conformément aux dispositions du décret N°2005-376 du 23 juin 2005 fixant les modalités de destitution du maire. Pendant une quinzaine de jours, le comité a fait ses investigations et a auditionné toutes les personnes susceptibles d’apporter la lumière sur le contenu de notre lettre. Ses travaux qui ont abouti à un échec de conciliation au terme de la séance de synthèse tenue les 2 et 3 mai2013 en présence des sages, notables, représentants de la société civile et plusieurs personnes ressources, consacraient ainsi la crise de confiance entre le Maire et nous.
En principe après ce constat d’échec de conciliation, la convocation de la session extraordinaire s’imposait au Maire, conformément à l’article 7 du décret N°2005-376 qui dispose que :« En cas de non conciliation, le Maire a l’obligation de réunir sans délai le Conseil communal ou municipal pour enclencher le processus de destitution prévu à l’article 53 de la loi n°97-029 du 15 janvier l999 ». Malheureusement, plus de quinze jours après ce constat d’échec de conciliation, le Maire ne se décide pas à convoquer la session extraordinaire, mais s’active plutôt à mettre en danger la cohésion et la tranquillité existant au sein des différentes communautés vivant pacifiquement dans les localités de la commune par l’entremise de la diffamation, de l’intoxication, de menaces, d’incitation à la révolte, etc. Fort heureusement, il n’est plus en odeur de sainteté auprès de la quasi-totalité de cette population pour réaliser son dessein.
Cependant, nous avions pourtant légitimement pensé qu’avec les échanges que vous avez eus avec nous le l5 mai 2013 à Tanguiéta, les dispositions urgentes seraient prises pour faire appliquer les textes à la date limite du 21 mai 2013 que vous avez fixée en nous exhortant au calme et à la patience surtout en reconnaissant la pertinence et l’opportunité de notre demande. En effet, l’esprit de l’article 8 du décret N°2005-376 est bien sans équivoque. Il vise clairement à éviter de faire perdurer la crise après l’échec de la conciliation et à rétablir impérativement la tranquillité pour le bien de la majorité dans le sens du respect des principes démocratiques auxquels nous avons souscrit dans la constitution du 11 décembre 1990. En effet, cet article dispose qu’en cas d’urgence et d’inaction du maire, l’autorité de tutelle se substitue à lui d’office pour procéder à la convocation de la session de destitution. »
Il importe de rappeler que le Conseil communal de Tanguiéta a été installé en avril 2009, sur une base viciée. En effet, le Maire élu, bien qu’appartenant à la formation Fcbe majoritaire au sein du Conseil communal, avait eu besoin de l’appui de la formation adverse minoritaire pour prendre le contrôle de la mairie. La nouvelle autorité de la commune une fois installée, a donc ainsi placé son mandat sous le signe de la suspicion.
Le temps est passé, et l’équipe de direction pour ne pas dire le Maire n’a pas réussi à démontrer quoi que ce soit sinon de prouver sa capacité à dire des contre vérités et à travestir les choses, seul domaine dans lequel il excelle et continue, avec l’appui de ses alliés politiques, à tromper le Chef de l’Etat et son entourage.
C’était dans cette ambiance qu’en 2010, une première tentative de destitution fut entreprise par un groupe de Conseillers, déçus de ce qu’aucune lueur de développement de la Commune ne se dessinait à cause des pratiques ci-dessus décriées. La procédure de conciliation initiée dans ce cadre par l’autorité de tutelle ayant échoué, il s’en suivit une longue période d’observation au cours de laquelle les activités de la mairie qui ne reposaient plus sur aucune base légale, avait été mise à profit pour le débauchage de deux conseillers parmi les contestataires. A cette époque déjà se posait la question de la préoccupation réelle de l’autorité de tutelle pour le développement de la commune, eu égard au traitement donné par lui au dossier.
Actuellement, les soussignés se trouvent à nouveau confrontés au même scénario. La question qu’ils sont en droit de se poser encore est celle de la place des populations dans les agissements de ceux qui dans l’ombre tirent les ficelles à savoir, le Préfet et les alliés occultes du Maire.
L’article 2 de la Loi visée plus haut dispose que : « La Commune constitue le cadre institutionnel pour l’exercice de la démocratie à la base. Elle est l’expression de la décentralisation et le lieu privilégié de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques locales. » Mais malheureusement, les pratiques instaurées par le Maire dans la conduite des affaires de la commune et lesquelles sont dénoncées par les conseillers signataires de la lettre en date du 28 mars 2013 ne favorisent aucunement la participation des conseillers communaux et encore moins des citoyens à la gestion des affaires de la cité.
Sinon comment comprendre l’attitude de l’autorité de tutelle qui, interpellée par deux fois dans une situation de crise exigeant la destitution du Maire, à chaque fois bloque le dossier en violation flagrante des textes et ce sans aucun apport d’une solution de rechange ? L’on ne peut qu’en déduire la manifestation d’une complicité entre les deux niveaux de pouvoir. En effet, soit le Maire est l’objet d’accusations mensongères et en ce cas la preuve doit en être rapportée. Soit alors les reproches qui lui sont adressés sont fondés et il s’impose de faire appliquer rigoureusement les textes. Si hier, on se cachait derrière le fait de l’opposition pour masquer les tares de la gestion communale, après les législatives de 2011, où il n’existe plus d’opposition dans la commune de Tanguiéta, quel subterfuge devra-t-on encore inventer ? Au total, qu’est-ce qui retient le Préfet des Départements de l’Atacora-Donga pour faire appliquer les textes de la décentralisation ? Quelle main occulte se cache derrière cette détermination pour ne pas respecter le jeu démocratique imprimé par la Constitution du 11 décembre 1990 ? Pourquoi accorder son soutien à un maire qui n’a de considération ni pour ses collègues conseillers qui l’ont porté à la tête du Conseil communal, ni pour la population qui lui a exprimé son suffrage qui l’a fait conseiller, ni même pour l’autorité de tutelle ?
Pour preuve, si nous reprenons le document intitulé « Memorandum portant engagement du Maire de Tanguieta pour une sortie de crise au sein du conseil communal » issu de la tentative de destitution de 2010, et ce à la lumière des faits reprochés par les onze (11) signataires, sur les deux volets mis en exergue, aucun des points dudit mémorandum n’a connu une solution définitive. Dans ces conditions, quelle leçon de démocratie veut-on donc donner à la jeunesse et à la population sinon plutôt une prime à la désobéissance et à la violation des lois de la République ? Pourquoi veut-on laisser dans l’opinion publique le sentiment selon lequel que c’est en violant, en opprimant les autres (conseillers, employés et usagers) et pourquoi pas en trichant en permanence que l’on est un bon dirigeant de la commune ?
Monsieur le Préfet des départements de L’Atacora-Donga, les maires des autres communes de vos départements vous observent. Quel type de développement rêvez-vous imprimer à vos administrés ? A moins qu’étant éloigné d’eux, vous ne vous sentiez pas concerné par ce qui leur arrive ? Car les populations de la commune de Tanguiéta et leurs conseillers considèrent, à la manière dont leurs préoccupations sont prises en compte par vous, qu’elles sont laissées pour compte, sans défense et sans voie de recours. Voulez vous les laisser croire qu’il ne leur reste qu’à prendre eux-mêmes leur destin en main ? Comment chercher à étouffer la volonté de onze conseillers sur les quinze que compte le conseil communal ? Où se trouve la loi de la majorité qui fonde les grands principes de la démocratie ?
Quel dessein démocratique ! Puisque le Préfet feint ne rien connaître des agissements et pratiques mis en œuvre sur le territoire de la commune, aux seules fins de préserver quoi qu’il en coûte le fauteuil de « son ami et protégé » le maire Simba K. Bio Kouagou. Comment comprendre et interpréter les actions qui ont été menées par certains cadres et responsables politiques de la circonscription électorale dans la commune de Tanguiéta au cours du long week-end de la Pentecôte avec votre assentiment ? Ceux-là ont exprimé clairement leur démarche de blocage de
notre revendication et leur volonté de mettre la commune de Tanguiéta s’il le faut, dans la situation qu’a connue Natitingou avec feu le maire Adolphe Biaou. Ce que nous vivons après leur passage, compromet ainsi votre engagement de régler la question au plus tard le 21 mai comme exprimé lors de la rencontre avec les conseillers signataires le 15 mai 2013.
Où vous situez-vous par rapport à la vision de son Excellence le Président de la République, le Docteur Yayi Boni qui ambitionne de faire de la décentralisation le principal levier de développement des communes ?
Monsieur le Préfet, le Conseil communal de Tanguiéta se trouve aujourd’hui paralysé dans ses activités d’animation de la vie de cette unité administrative par votre refus de faire appliquer les textes de la décentralisation notamment les dispositions de la Loi et du décret cités plus haut. C’est pourquoi, nous conseillers signataires de la présente, déclinons toute responsabilité et vous tiendrons responsable de tout ce qui pourrait advenir à cause de votre passivité et indifférence coupables face à la crise que traverse la Commune depuis quelques mois.
Dans l’espoir que notre démarche à travers la présente lettre ouverte vous incitera à prendre la décision salutaire susceptible de sauver la démocratie et remettre la commune de Tanguiéta sur le chemin d’un vrai épanouissement au profit des populations, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Préfet, l’expression de nos sentiments déférents et patriotiques.