Le président de l’Union fait la Nation inspiré par le mauvais vent qui souffle sur le pays, a présenté les symptômes d’un Bénin atteint dans son existence. Apparu convaincu de son combat et de celui de ses compagnons, Bruno Amoussou porté par la ferveur des militants et revigoré par la bravoure des organisations des travailleurs, de certains partis politiques, d’une élite de la Société civile, appelle le peuple à ne pas baisser la garde face à la politique du déclin du président Yayi Boni. Lire son discours à la 4ème Convention de l’Union fait la nation samedi 22 novembre 2014 au Palais des congrès de Cotonou.
Honorables invités
Mesdames et Messieurs
Chers Délégués à la Convention,
A l’ouverture de cette 4ème Convention, je veux partager avec vous la conviction que notre pays est atteint. Il l’est dans son unité, dans sa cohésion sociale, dans sa dignité, dans ses valeurs fondamentales, dans ses Institutions, bref dans son existence même. Il n’est que d’observer l’actualité nationale et le comportement de chacun de nous pour s’en convaincre. Au lieu d’une nation en quête de sa place et de son rayonnement dans le monde, nous nous retrouvons dans une constellation de seigneuries dont les princes mendient auprès du Roi bienveillant les faveurs pour eux-mêmes, pour leur terroir et pour leurs sujets.
Ce sont là les principales conclusions que nous avons tirées des nombreuses séances de travail avec les militants à travers tout le pays, en préparation à la tenue de la présente Convention. Les délégations qui ont sillonné le pays et renoué le contact avec nos structures décentralisées ont rapporté une moisson dont nous étions loin d’imaginer la richesse.
Bien que l’effondrement de notre économie et la sévérité de la misère de nos populations soient des éléments de grande préoccupation, que la faim sévisse dans nos villes et dans nos campagnes, que les soins de santé et les frais réels attachés à l’enseignement assombrissent l’avenir d’une large frange de la population, ces préoccupations n’ont pas occupé le premier rang dans les prises de parole lors des rencontres. Le laborieux peuple béninois s’estime en mesure de relever ces défis dans un délai très court, pourvu qu’un cadre incitatif soit créé. Il est convaincu que la conduite d’une politique cohérente dans les domaines économique et sociale ouvrira très rapidement de nouvelles perspectives dans ces domaines.
« Le Pouvoir exercé au nom d’un groupe, d’une communauté »
Il en va tout autrement en ce qui concerne les relations sociales, les préjugés, les habitudes, le regard que chacun porte sur l’autre, le comportement des communautés qui vivent sur le territoire national. Il n’est un secret pour personne que les oppositions et les clivages hérités de notre histoire ont été ravivés, remués, élargis, amplifiés pour devenir des éléments d’une politique de destruction de la cohésion nationale si bien qu’en l’absence d’un projet national partagé, notre pays se présente aujourd’hui comme un rassemblement d’entités autonomes concurrentes sinon adverses. Le pouvoir n’est plus exercé au nom de la République mais pour le compte d’un village, d’un arrondissement et, dans le meilleur des cas, au nom d’une communauté.
Aussi, à leur prise de service, les ministres s’en vont-ils présenter leur trophée à leurs parents pour solliciter leurs bénédictions et les inviter à exprimer leur infinie gratitude au Président miséricordieux. Dans le même esprit, les officiers nommés généraux affirment n’avoir aucun mérite et déclament ne devoir leur promotion qu’au bon plaisir du Chef de l’Etat à qui ils vouent une déférence digne des plus célèbres courtisans. Les directeurs d’entreprises publiques ou d’administrations centrales se livrent au même rituel honteux.
L’habitude s’est ainsi établie pour les titulaires de responsabilités au niveau national, de se considérer comme des bénéficiaires de libéralités que le Chef de l’Etat leur a octroyées, sans que leur mérite y soit pour quelque chose. Ils osent même inviter Dieu à bénir leur égarement et leur indignité. Il est à souhaiter, quel que soit le nombre de moutons sacrifiés ou de messes célébrées, que le Seigneur châtie sévèrement ceux qui tentent d’utiliser les religions pour obtenir les faveurs du Prince du moment ou pour éviter ses colères et ses punitions. Vraisemblablement, de tels comportements se maintiendront au delà du régime actuel qui en a fait la promotion.
Les mêmes difficultés surgiront lorsqu’il s’agira de reconstruire notre administration car c’est de cela qu’il s’agira dans l’avenir. A force d’être ballotté d’un ministère à l’autre, à la faveur des multiples remaniements, les services publics n’accumulent aucune expérience et se retrouvent dans l’incapacité d’établir et de consolider des procédures qui facilitent leur fonctionnement. Cet état de fait est aggravé par le remplacement fréquent de leurs responsables et la nomination de cadres inexpérimentés pour des raisons politiques. Redresser une telle administration publique ne sera guère une tâche facile.
Le pays est donc gravement atteint, affirmons-nous. Dans une telle circonstance, il serait suicidaire de toujours s’arrêter aux phénomènes, aux apparences, sans s’attaquer aux déviances qui se sont sédimentées dans l’inconscient collectif. Certaines organisations de la société civile, notamment celles des confessions religieuses, ont été infectées par des virus qui les paralysent et les détournent de leurs véritables missions de veille citoyenne. Des têtes couronnées se livrent en spectacle dans les médias et adoptent des attitudes de soumission peu glorieuses.
« Les organisations des travailleurs n’ont baissé la garde, de même que….. »
Parce que les racines de ces comportements sont très profondes, les instruments habituels ne sauraient suffire à leur éradication. Les partis politiques régionaux, qui ont permis de réels progrès dans l’approfondissement de la démocratie, ne disposent pas des ressorts et des tire-forts qu’appelle le relèvement de ces nouveaux défis. Ce sont finalement les organisations des travailleurs qui n’ont pas baissé la garde, quelques partis politiques, une frange vigilante de la société civile qui ont organisé la résistance. Ces entités, hier assez réduites, deviennent plus nombreuses de nos jours du fait de la dégradation continue des conditions de vie des populations et de l’émergence de forces nouvelles.
Les espoirs viennent de femmes engagées ; ils surgissent aussi de certaines composantes de la jeunesse qui ne se laissent plus manipuler. Le succès de la marche de protestation contre la non organisation des élections est un indicateur de ce sursaut que le Pouvoir a décidemment tort de sous-estimer. Au lieu d’engager un dialogue fécond avec les forces en lutte, il s’enferme avec les Présidents des Institutions pour, dans l’illégalité et l’opacité, organiser un complot contre le paisible peuple béninois. Ne pas débattre publiquement et de façon ouverte des questions électorales relève d’une démarche qui s’apparente à de la conspiration.
Pour leur part, les militantes et les militants de l’Union fait la Nation sont fiers d’avoir contribué au succès du mouvement du 29 Octobre 2014. Ce test de combativité réussi traduit l’aspiration de notre peuple au rassemblement des forces sociales afin de disposer d’instruments efficaces en mesure d’impulser et d’orienter les combats futurs. Il constitue un encouragement pour les membres de l’Union qui, depuis 2009, s’efforcent d’intégrer leurs structures à la base afin d’asseoir une organisation politique unifiée.
La conviction de l’Union fait la Nation
Il est vrai, qu’en l’état actuel du développement de la conscience politique de nos populations, il est plus payant, électoralement parlant, d’opposer les communautés les unes aux autres. Il est plus payant de se placer en position de défenseur des intérêts d’un groupe ethnique. Les partis politiques identitaires peuvent gagner plus aisément les prochaines élections communales et législatives. C’est donc en toute connaissance de cause des dangers qui nous guettent que nous, membres de l’Union fait la Nation, avons choisi le rassemblement des forces sur la seule base des intérêts des laissés pour compte et des sans voix. Il est donc possible que nous ne soyons pas compris aujourd’hui. La conviction d’une victoire certaine dans un proche avenir est notre inépuisable carburant.
Je voudrais donc saisir la présente occasion pour féliciter les militantes et militants de l’Union fait la Nation. Pour s’être opposés à la politique de déclin du Président Boni Yayi, ils subissent chaque jour les châtiments réservés aux insoumis : affectation arbitraire, humiliations de toute sorte, privation de droits acquis, redressements fiscaux intempestifs et fréquents, élimination systématique des marchés publics etc. Mes remerciements aux députés pour leur honorable tenue à l’Assemblée nationale, pour la qualité de leurs contributions aux débats dans l’Hémicycle et pour les sacrifices qu’ils consentent sur leurs indemnités parlementaires. Que tous les chefs des partis politiques membres de l’Union tirent orgueil et fierté de leur engagement dans la voie de l’édification d’une force politique capable d’élaborer un programme politique, de prendre le pouvoir et de conduire une politique cohérente avec une équipe qui ne se découvrira pas à la faveur des conseils de ministres.
Je formule le vœu que d’autres forces nous rejoignent. C’est dans cet esprit que nous avons engagé des discussions avec certaines d’entre elles de manière à conclure des partenariats qui tiennent compte de leurs intérêts et respectent leurs spécificités. Je les remercie pour l’accueil qu’ils ont réservé à nos délégations et je reste persuadé, qu’ensemble, nous ouvrirons une ère nouvelle dans l’histoire de notre pays. Seule une recomposition du paysage politique en vue de bâtir de véritables partis politiques nationaux peut aider notre peuple à relever les défis qui l’attendent. L’expérience en cours en Tunisie nous conforte et les récentes conquêtes du peuple burkinabé nous stimulent. Honneur donc au peuple tunisien et au peuple burkinabé qu’accompagnent notre admiration et notre soutien aux dirigeants des mouvements populaires qui se développent dans ces pays.
L’épineuse question des élections
Chers invités,
Camarades délégués à la Convention
Notre pays est atteint au point de ne pouvoir organiser des élections. Pour éviter une telle situation, le Groupe parlementaire Union fait la Nation s’était opposé, en vain, à la prolongation sans limite du mandat des Maires. Il s’était opposé, en vain à l’adoption de la loi qui confie la correction du fichier électoral aux techniciens acteurs zélés des tripatouillages en 2011. Il s’était retrouvé seul à dénoncer l’inscription de milliers d’électeurs sans aucune pièce officielle qui prouve leur nationalité, leur âge ou leur existence. L’entêtement de la majorité présidentielle, obéissant aveuglément à son Chef le Président Yayi, a conduit notre pays dans une impasse dont on ne perçoit guère la porte de sortie.
Des manœuvres repoussent chaque jour le dénouement de la situation. Les cafouillages, régionalement ciblés, qui s’observent, en ce moment, lors de l’enregistrement complémentaire, participent de la stratégie de ceux dont on aurait coupé la tête si le processus se déroulait dans la transparence. L’Union fait la Nation maintiendra sa pression pour l’organisation des élections municipales, communales et locales dans les plus brefs délais à l’aide d’une liste optimale établie dans des conditions acceptables. Poursuivre sa correction après ce scrutin, qui servira d’audit, constitue à nos yeux la solution la moins mauvaise pour déjouer les complots en préparation. Notre peuple pourra ainsi s’éviter les aventures dont il n’a pas besoin. La paix ne se proclame pas ; elle se construit.
Appel aux militants
Militantes et militants de l’Union fait la Nation, il vous appartient d’en être les artisans. Dès votre retour sur le terrain, après cette Convention, vous devez dégager en votre sein celles et ceux qui porteront nos couleurs lors des prochaines consultations communales. Ils proviendront de nos seuls rangs ou des alliances en cours de discussion avec d’autres forces politiques. Ils ne seront pas imposés par les organes centraux mais recevront leur première investiture de comités qui, au niveau de chaque commune, regroupent les délégués de tous les partis impliqués. Choisir nos candidats en fonction des seules appréciations des populations est l’unique voie de succès. Nous en avons besoin pour poursuivre la construction de l’Union fait la Nation.
Notre pays est atteint mais un de nos célèbres artistes chantait déjà qu’il s’agit d’un mauvais vent qui a déraciné certains arbres. Fort heureusement, ajoutait-il, d’autres arbres sont encore debout et n’acceptent pas de subir ce qui se présente comme une fatalité. Grâce au courage et aux sacrifices de vous tous, l’Union fait la Nation s’est imposée comme l’une des forces politiques significatives dans notre pays. Faire grandir son influence est une tâche de haute portée patriotique devant laquelle nul ne peut reculer.
Rejoignez-nous, jeunes et femmes, vous qui refusez l’enfermement dans des structures politiques dépassées.
Rejoignez-nous si vous voulez mettre votre enthousiasme et notre vigueur au service du peuple meurtri et humilié.
Rejoignez-nous, compatriotes de la Diaspora si vous voulez retrouver la fierté d’être béninois.
Notre pays est atteint. Mais la ferveur qui brille dans les yeux de vous tous, assis devant moi, est la preuve que la fin est proche.
Vive l’Union fait la Nation
Vive le Bénin
Vive l’Afrique démocratique et libérée.