Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Benin    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article




  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles



Comment

Société

Lettre Ouverte à MM. Adjavon, Dossou-Aworêt, Fagbohoun, Houngbédji et Talon, pour un Aréopage de Salut National.
Publié le mercredi 26 novembre 2014   |  24 heures au Bénin




 Vos outils




Messieurs,
Je suis un Béninois, tout ce qu’il y a de plus ordinaire, et c’est en cette qualité que je me permets de vous écrire, Bien que membre de la diaspora vivant à l’extérieur depuis plusieurs années, je suis très présent au Bénin » et tout ce qui concerne le pays me touche de près.

Je voudrais tout d’abord vous remercier de bien vouloir prêter attention à mon propos, malgré vos nombreuses et ô combien importantes occupations. J’ai choisi de m’adresser à vous sur une liste assez restreinte de personnalités publiques dont le sens patriotique ne fait l’ombre d’aucun doute, ainsi que la capacité d’action sur les événements du Bénin en vue d’orienter son destin dans la bonne voie. La concision de cette liste va de pair avec le souhait d’efficacité de l’objet de mon propos.

Au Bénin, comme chacun sait, une crise politique dure depuis plusieurs mois. Cette crise se noue actuellement autour du double nœud de l’organisation des élections à bonne date, et de la confection d’une liste électorale fiable. La liste électorale permanente informatisée prétendument confectionnée dans le cadre des élections de 2011, aux dires de ses promoteurs mêmes, relève plus de la fiction que de la réalité, bien qu’elle ait servi au pouvoir à gagner ces élections. Il est question de la corriger. Et ce travail de correction a été entrepris avec des atermoiements, des tergiversations, et maint blocage dilatoire de la part du pouvoir. Pendant plusieurs semaines, alors que le principe du financement de la LEPI a été acté, et que la COS-LEPI a été installée, le président de la république, n’a pas fait du zèle pour l’assurer. Au contraire, il a exprimé publiquement le scepticisme financier de son gouvernement au regard de l’organisation des élections qu’il juge coûteuse et un luxe pour notre pays. Cette position a été perçue par le peuple, les partis de l’opposition et les organisations de la société civile comme le début d’un plan de pérennisation au pouvoir de M. Yayi Boni, plan dont l’un des volets pourrait s’appuyer sur la non-organisation des élections à bonne date. C’est pour cela que la vigilance du peuple et des organisations de la société civile a conduit à une réaction collective sous la forme d’une manifestation le 29 octobre 2014 à Cotonou. Une manifestation d’envergure, intervenue à la veille du soulèvement historique du peuple frère burkinabé pour des raisons à peu près similaires, et dont le message a trouvé par-là un relais médiatique et symbolique tout à fait inespéré. Depuis lors, il semblerait qu’à l’instar de maints gouvernements africains, le gouvernement du Bénin et son chef aient compris le risque potentiel de jouer avec la constitution. Sans préjuger de la sincérité de M. Yayi Boni qui ne renoncera à son plan de pérennisation que contraint et forcé par les circonstances, il est toutefois permis de spéculer sur les perspectives électorales pour 2016.

De ce point de vue, un autre aspect - et non des moindres - de ma décision de vous écrire porte sur la manière dont les choses s’esquissent sous le rapport des élections présidentielles de 2016. Élire un président de la république - surtout dans le contexte d’un régime présidentiel comme le nôtre - c’est choisir collectivement un homme qui présidera aux destinées de la nation. L’une des exigences de ce choix réside dans les capacités de l’homme ou de la femme qui en sera l’objet. Comme l’ont montré les errements de M. Yayi depuis 2006, nous devons en finir avec le culte de l’oiseau rare qui s’avère une illustration tragique du fait que l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. Nous ne devons plus choisir un homme inconnu du sérail politique, sorti de nulle part, qui n’a jamais fait une once de discours devant une section du peuple ; un homme que nous choisissons seulement parce qu’il serait « Docteur », « Général » ou « Fonctionnaire international ». Cette façon de tromper le peuple par un consensus mythique doit être définitivement remisée au musée des erreurs de casting politique inévitable dans toute démocratie balbutiante, mais dont la répétition est tout aussi évitable. C’est dire que, loin d’un deus ex machina, le prochain président doit être l’homme extraordinaire d’un parti politique ordinaire ; un homme connu de tout le peuple pour son caractère, ses idées, son tempérament, ses capacités et sa probité. Et le peuple ne devrait plus avoir à donner le bon Dieu sans confession à son futur président, mais au contraire s’être assuré à l’avance de l’homme qu’il aura à élire. L’autre dimension du choix du président de la république réside dans son caractère spéculaire, c’est-à-dire dans le fait que le président élu ressemble à la moyenne des Béninois, et notamment à la grande majorité de ses électeurs.

Cela sous-entend l’épineux problème du régionalisme sous l’ombre portée duquel hélas se déroule la vie politique en Afrique. La ressemblance du président avec la majorité de ceux qui l’ont élu suppose aussi que le président puisse émaner de n’importe quelle région du pays. Or, depuis 50 ans, une fatalité structurée dont la logique est bien connue a voulu que le président béninois provienne d’une région à l’exclusion de l’autre. Les deux régions rivales sous ce rapport sont le Nord et le Sud. Et, en bientôt 55 ans d’indépendance, la région du sud n’a pu être l’origine d’un président de la république que durant une petite dizaine d’années. Cette situation est d’autant plus paradoxale que la vie politique béninoise est marquée par le régionalisme et que le rapport démographique sud/nord est de l’ordre de 60/40 en faveur du sud. L’une des raisons de ce paradoxe est qu’il y a pléthore de candidats politiques au sud qui, dans une culture de division héritée de l’histoire, préfèrent se départager en nouant volontiers des alliances extrarégionales à des fins bassement personnelles, allant des postes ministériels à toute une flopée de faveurs à l’ombre du pouvoir. Or ce marché de dupes qui ne fait pas l’affaire des peuples est à l’origine des interminables crises politiques qui agitent le pays. Il est aussi la source de la corruption et des scandales dont est émaillée la gestion des affaires publiques ; enfin il est la source première de la frustration politique du peuple qui n’y trouve pas son compte. Il serait donc souhaitable d’agir dans le sens d’une équité régionaliste pour une alternance régionale au sommet de l’Etat lors des prochaines élections présidentielles. Ce souhait n’est pas seulement moral, il est aussi corroboré par la réalité statistique et ne pourra que permettre de desserrer l’étau des pratiques malsaines qui, depuis des décennies, étouffe la vie politique nationale. Or, c’est justement en vue de cette action, dans la perspective des prochaines élections, que l’idée m’est venue de vous écrire. Quand on regarde un peu ce qui se passe déjà, à plus d’une année de l’échéance électorale, on voit se dessiner la même configuration fatale qui affecte l’équité régionale, selon un piège dans lequel tombent toujours les mêmes personnes. On voit au sud la féerie des postures clientélistes marquées par une ribambelle de candidatures qui, chacun sait, ne visent que des positionnements personnels en vue de faveurs négociées sur le dos des peuples. Au Nord, en revanche, certes servie par la sociologie et l’histoire, la tradition d’un nombre raisonnable de candidatures n’est pas démentie dans les faits.
Le statisticien de formation que je suis s’est amusé à classer les candidatures et à extraire de ces classements quelques chiffres qui, pour le coup, n’ont plus rien d’amusant tant ils sont apparus matière à inquiétude. En effet, à plus d’une année des échéances, on peut compter déjà jusqu’à 28 candidatures du sud aux élections présidentielles de 2016, pour seulement trois ou quatre candidats potentiels sérieux originaires du Nord. Avec le ratio de 60/40 entre le sud et le nord, on arrive facilement à un score moyen de 2,5 % pour les candidats du sud, et pour le meilleur candidat du sud une certitude très élevée de rester loin en deçà du seuil crucial d’un nombre à deux chiffres. Or, dans le même temps, quand on répartit 40 % entre les trois ou quatre candidats potentiels du Nord, on se situe dans une fourchette allant de 10 à 13 % avec pour le candidat le moins populaire du nord une probabilité là aussi très élevée d’un score moyen au-dessus du seuil décisif d’un nombre à deux chiffres. Avec la frénésie égocentrique qui s’est emparée des candidats du sud, on entrevoit la frustration électorale dans laquelle la grande majorité de nos concitoyens risque de se retrouver à leur corps défendant. Ce risque est d’autant plus sérieux que le facteur qui l’empêchait depuis plusieurs élections -la candidature de poids de Me Adrien Houngbédji- ne sera plus, pour lors et les raisons que l’on sait, de la partie. Certes, on est en droit d’espérer qu’au-delà de la personnalité de Me Adrien Houngbédji, le candidat éventuel de son parti bénéficie de son aura et du tirant électoral de son parti. Mais, dans une élection si marquée par le poids des personnalités, rien n’est moins sûr. Par ailleurs, après avoir joué assidûment et à ses frais les moutons sacrificatoires du jeu politique national depuis bientôt trois décennies sans y rien gagner d’autre que des cabales et des haines tenaces de la part de ses frères régionaux, rien ne dit que le PRD soit disposé encore à jouer les loosers du système. L’attitude que ce parti adoptera et son choix -à moins d’être suicidaires- devront être directement indexés sur leurs intérêts stratégiques de survie- et cela, on peut le comprendre.

Face à ce tableau inquiétant, il est urgent d’agir afin d’éviter à notre démocratie le rabougrissement létal dans lequel elle s’est installée depuis bientôt une dizaine d’années et qui risque de s’aggraver si les prévisions et hypothèses considérées ici venaient à se réaliser. Et cette action, ne peut avoir d’efficacité que si elle est menée par un groupe restreint de personnes haut placées, et jouissant d’une autorité et d’une capacité indéniables. Car l’action pour enrayer le danger qui guette la démocratie béninoise à l’orée des prochaines élections présidentielles de 2016 est une action d’autorité adossée à une crédibilité financière et politique dont vous avez les moyens. Le peuple béninois n’en doute pas. Votre choix et votre entrée en scène seront reconnus par lui à la fois comme une divine providence et une évidence nationale. Je voudrais ici humblement vous exhorter à prendre langue les uns avec les autres, en vue de la constitution d’une plateforme de concertation pour la désignation d’un candidat aux élections présidentielles qui remplirait les conditions de concordance politique énoncée plus haut. Le cas échéant, le premier effet de votre action consistera à calmer la fièvre numérique qui s’est emparée de la candidature dans le sud du Bénin, fièvre qui risque d’être fatal à cette région, ruineuse pour la démocratie, et à terme nuisible pour le pays tout entier. Car le Bénin ne peut pas continuer à se bâtir sur un sable de frustration perpétuelle. Et aucun fairplay politique, fût-il d’inspiration morale, ne peut conduire à faire d’une seule région l’origine naturalisée du Président de la République. Le deuxième effet consistera à donner consistance à une candidature solide, valable, et qui en impose aux yeux du peuple, et à la face du monde, au lieu des petits jeux égoïstes auxquels on nous prépare. Le but est de négocier patiemment mais fermement la trêve des affairistes électoraux, des marchands de voix tribales ou pseudo-régionales pour permettre enfin à la politique d’être véritablement au service du peuple c’est-à-dire du plus grand nombre, de contribuer, au lieu de le diviser, au raffermissement du tissu social, et à l’articulation saine entre les régions et la nation. Nombre d’entre vous étant des hommes d’affaires ou des politiques confirmés, si ce n’est les deux à la fois, l’initiative que vous prendriez, bien qu’elle soit d’abord et avant tout d’intérêt national, sera en toute cohérence avec vos intérêts bien compris par le peuple.

L’idée sous-jacente est que, en fonction de leurs qualités et de leurs potentialités, il y a de la place à tous les patriotes du Bénin, désireux d’investir en son avenir. Et cet investissement ne peut qu’être doublement bénéfique : bénéfique à leurs affaires, mais aussi bénéfique au Bénin et à son peuple qui a longtemps espéré, longtemps attendu, longtemps souffert ; un peuple qui attend l’aube d’une espérance réalisable.

Messieurs, membres éminents de cet aréopage de salut national que j’appelle de tous mes vœux, voilà ce que j’avais à cœur de vous dire. Depuis plusieurs dizaines d’années, bien qu’étant membre de la diaspora, je suis en permanence d’esprit et de corps au Bénin, j’observe les péripéties de la vie sociopolitique nationale. Et je souhaite pour mon pays qu’il arrive un jour à la hauteur de ses capacités. Mais depuis une dizaine d’années, le chemin que suit la gestion politique et économique du Bénin est peu lumineux, et ne risque pas de conduire à cette capacité. L’étape des prochaines élections, après la parenthèse absurde qui se ferme, sera décisive. Mais elle suppose pour être féconde que chacun prenne ses responsabilités, et que nous abandonnions la posture stérile de ceux qui attendent tout du ciel ou des autres. Car, comme le disent mes amis Français, les cailles ne tombent pas toutes rôties du ciel. Nous avons connu en 2011 une élection calamiteuse qui a été décriée comme un K.-O. électoral, et dont le pays peine à se sortir. Ce qui se prépare, à l’horizon de 2016, si rien n’est préparé, sera encore plus grave que le K.-O. électoral de triste mémoire. C’est pour cela que j’ai pensé m’adresser à vous, citoyen ordinaire que je suis, à un aréopage d’hommes en capacité et nationalement reconnus en tant que tels. Ce faisant, je n’ai fait que prendre mes responsabilités. Frantz Fanon, le grand intellectuel, combattant de la liberté et visionnaire de l’émancipation des damnés de la terre nous a prévenus : « chaque génération, dans une relative opacité, doit découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir », a dit ce grand héros de notre race. En m’adressant à vous, en ma qualité de citoyen ordinaire, j’ai voulu modestement accomplir ma mission du moment. Et je n’ai pas l’excuse de la moindre opacité car les risques qui guettent notre pays dans les mois à venir et le type d’action qu’il convient d’entreprendre pour les enrayer sont éclairés par la conscience collective.

Messieurs, en conclusion de cette lettre qui vous est collectivement adressée, j’ose espérer que les considérations soulevées ici ainsi que la suggestion formulée d’une action concertée pour une intervention responsable dans la donne électorale de 2016, auront à vos yeux rang et valeur de mission. Et, dans l’espoir que vous ne trahiriez pas cette noble mission, je vous prie d’accepter Messieurs, mes salutations citoyennes et mes remerciements sincères.

Dr Bertin Dakpogan,
Statisticien, Strasbourg, France
Email : bertin.dakpogan@hotmail.com

 Commentaires