Quatorze ports cernés en Afrique, 113 millions de doses de médicaments illicites saisies. C’est le butin d’une opération de répression menée entre mai et juin dernier par l’Organisation mondiale des douanes. Chaque année, c’est plus de 10 milliards de faux médicaments de contrefaçon qui seraient introduits sur le continent. Ces chiffres rappellent l’ampleur du trafic de médicaments et du danger qu’il fait peser sur la santé des consommateurs.
Yêdafou KOUCHÉMIN
L’industrie mortelle des médicaments contrefaits est florissante au Bénin. Les produits introduits sur le marché national à partir du Togo, du Nigeria et du Ghana se vendent bien malgré l’éducation des cibles. Distribué à la vue et au su de tout le monde à Adjégounlè, au cœur du grand marché de Dantokpa, ils sont vendus à la crié. Mais, avec ces médicaments de la rue, les gens ne savent jamais ce qu’ils prennent.
Contrefaits, falsifiés ou de qualité insuffisante, ces médicaments peuvent menacer la vie des patients. Un certain nombre d’entre eux contient des substances toxiques ou périmées.
Les populations les plus démunies sont les plus touchées. Attirées par les faibles prix par rapport aux médicaments vendus en officine, la sensibilisation n’a pas pris le dessus sur l’accessibilité des marchands d’appoint vendant souvent les produits à l’unité.
Les autorités sanitaires ont pris conscience de la gravité de ce fléau. Ce défi pour la santé publique entraine des actions pour son élimination. L’appel de Cotonou contre les faux médicaments signé par onze chefs d’État sous l’égide de la Fondation Jacques Chirac en 2009 est une preuve. En revanche, ce marché semble particulièrement lucratif pour les faussaires.
Le développement de ce marché parallèle et illégal de faux médicaments se développe par un certain laxisme de l’État et peut-être la corruption. L’immense majorité des produits passe les douanes sans encombre et est distribuée par voie terrestre dans le reste du pays et vers les pays voisins. Les contrôles et régulations sont pratiquement inexistants.
En revanche, la rumeur révèle qu’une partie de ces produits fallacieux parvient également à pénétrer le circuit légal. De même, on retrouve des produits manufacturés par des fabricants locaux sur le marché illicite. Difficile de dire à l’œil nu s’il s’agit d’un "faux". L’étiquetage et l’emballage se ressemble à la perfection.
L’indignation du Président Jacques Chirac
« L’économie criminelle des faux médicaments me révolte.
• Parce qu’elle s’attaque aux pays les plus pauvres, et, en leur sein, à des familles sans protection sociale et sans moyens ;
• Parce qu’elle concerne les médicaments les plus indispensables à la santé individuelle et collective : ceux qui soignent le paludisme, la tuberculose, le SIDA ;
•Parce qu’elle s’insinue partout, sur les marchés des rues, comme sur Internet, et qu’elle grossit au point que ses revenus dépassent ceux du trafic de la drogue ;
• Parce que les faux médicaments ne se contentent pas de tromper l’espérance des patients et qu’ils sont souvent des poisons qui tuent ou handicapent. »
L’appel de Cotonou contre les faux médicaments
« Nous, chefs d’État, ou anciens chefs d’État, responsables politiques et citoyens des nations d’Afrique, des Amériques, d’Asie et d’Europe, réunis à Cotonou ce lundi 12 Octobre 2009 à l’invitation de son Excellence Monsieur Thomas Boni Yayi, Président de la République du Bénin, et à l’initiative de la Fondation Chirac,
•Considérons que l’accès universel à des soins et des médicaments de qualité est un droit fondamental ;
• Considérons que dans la plupart des pays en développement, des franges importantes de la population n’ont pas accès à ce droit fondamental, ce qui est contraire à la dignité humaine et constitue une injustice génératrice de déséquilibres et de tensions ;
• Considérons que la production et la vente de faux médicaments constituent un crime et une atteinte à l’ordre public ;
• Considérons que le trafic international des faux médicaments nuit gravement aux relations pacifiques entre les États ;
• Considérons qu’un terme doit être mis le plus rapidement possible à la production, au trafic international et à la commercialisation illicites des faux médicaments ;
En conséquence :
• Exprimons le vœu que les États mettent en œuvre, sans délai, des politiques sécurisées d’accès universel à des médicaments de qualité, en cohérence avec les Objectifs du Millénaire pour le Développement ;
•Exhortons les chefs d’État et de Gouvernement, les responsables d’organisations internationales et d’organisations non gouvernementales à prendre la pleine mesure des enjeux de santé et de sécurité publiques liés au fléau des faux médicaments et à décider au plan national de mesures appropriées :
- la mise en application stricte des textes législatifs et réglementaires dans les Etats qui en disposent ; et l’instauration d’un cadre législatif et réglementaire, là où il fait défaut ;
- la mise en place, sur le terrain, d’instruments efficaces de lutte contre le trafic ; avec des personnels formés et des dispositifs répressifs adaptés à la réalité du trafic des faux médicaments ;
- le renforcement des capacités des personnels de santé dans la prévention et la lutte contre les faux médicaments ;
- la sensibilisation et l’information du public sur les méfaits des faux médicaments ;
À cet effet,
•Nous engageons à œuvrer ensemble en vue d’éradiquer la production, le trafic et le commerce illicites des faux médicaments ;
•Appelons à la responsabilisation de tous les acteurs, y compris des populations, pour mettre en œuvre les dispositions qui s’imposent ;
•Proposons d’accroître la mise à disposition de médicaments génériques de qualité pour tous, notamment ceux de la liste des médicaments essentiels établie par l’Organisation Mondiale de la Santé.
•Invitons les chefs d’État et de Gouvernement, les responsables d’Organisations internationales, d’organisations non gouvernementales et les chefs d’entreprise concernés à se réunir à Genève en 2010 pour une conférence mondiale visant à arrêter les principes de base d’une Convention internationale de lutte contre les faux médicaments. »