François Hollande a profité de sa deuxième visite présidentielle à Dakar pour tenter de refermer, en marge du sommet de la Francophonie, les blessures du passé entre la France et le Sénégal, égratignant au passage son prédécesseur Nicolas Sarkozy, qui compte bien redevenir son rival en 2017.
Depuis la capitale sénégalaise, M. Hollande a décoché samedi sa première flèche contre l'ex-chef de l'Etat au moment même où celui-ci était en passe de reprendre les rênes de son parti, l'UMP.
Saluant la mémoire de l'ex-président Léopold Sédar Senghor, un Africain qui "avait le sens de l'Histoire", M. Hollande a saisi l'occasion pour critiquer, sans jamais le citer, son prédécesseur en évoquant son discours controversé de
2007.
"L'Afrique est non seulement dans l'Histoire mais l'Afrique est, si je puis dire, aussi une partie de notre avenir", a proclamé le président de la République, prenant l'exact contrepied de M. Sarkozy qui de Dakar également,
avait lancé il y a sept ans: "L'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire". Une phrase restée comme un outrage dans la mémoire de nombre d'Africains.
"Je n'oublie pas que l'Afrique, c'est le berceau de l'humanité. C'est l'Afrique qui a fait notre propre histoire (...) Ensuite c'est l'Afrique qui montre qu'elle va être le grand continent de l'avenir", a insisté M. Hollande au sortir du cimetière de Bel Air où il venait de fleurir la tombe de l'écrivain sénégalais, un des pères fondateurs de la francophonie.
Lors de sa première visite au Sénégal en 2012, dans la foulée de son élection, le chef de l'Etat avait tenu des propos similaires contre son prédécesseur.
Mais cette fois-ci le moment était particulièrement choisi. A l'instant où M. Sarkozy était proclamé vainqueur à Paris, le président lançait une phrase à double sens devant la communauté française.
"C'est toujours un moment délicat de quitter la vie publique", a-t-il dit en saluant Abdou Diouf, qui a montré l'exemple en Afrique en renonçant
définitivement au pouvoir après sa défaite à l'élection présidentielle de 2000 et quitte à présent la tête de la Francophonie, avant d'ajouter: "Il y en a qui ne s'y résignent jamais".
- 'Avoir des résultats' -
En se rendant sur la tombe de Léopold Sédar Senghor, M. Hollande a aussi
voulu réparer l'absence remarquée de Jacques Chirac et de Lionel Jospin à ses
obsèques il y a 13 ans.
En 2001, "il n'y avait pas eu, c'est vrai, la présence du président de la République, du Premier ministre, et je crois que cela avait été mal compris par les Sénégalais", a expliqué le chef de l'Etat français, entouré de membres de la famille du défunt, ministre sous De Gaulle et membre de l'Académie française.
"Il était très important que plusieurs années après, je vienne au nom de l'ensemble de mes prédécesseurs et au nom du peuple français pour dire ce que nous avons comme reconnaissance et comme gratitude à l'égard du président Senghor", a-t-il lancé.
Dimanche après-midi, M. Hollande devait poursuivre son oeuvre de réparation en rendant hommage aux tirailleurs sénégalais tués par l'armée française en 1944 au camp de Thiaroye alors qu'ils protestaient contre le non-versement de leurs arriérés de solde.
Sur le sol africain, M. Hollande, qui bat des records de mécontentement en France, s'est aussi offert, comme souvent lors de ses déplacements sur ce continent, une cure de popularité.
Acclamé en Guinée où il s'est arrêté vendredi pour témoigner la solidarité de la France à ce pays durement touché par l'épidémie d'Ebola, il a savouré dans la capitale sénégalaise quelques bains de foule réconfortants, avec une leçon à la clé: pour être aimé, il faut "avoir des résultats, toujours des résultats".
"Ici on les montre, les résultats, parce que quand il s'agit de répondre à un fléau sanitaire, de lutter contre le terrorisme, les Africains voient bien qui est auprès d'eux: la France", a-t-il fait valoir, appelant les Français à avoir la "même fierté" de leur pays.