Après plusieurs reports, l’affaire qui oppose le député Orou-Sé Guéné, à la juge des libertés et de détention de Parakou, a été vidée, hier mardi 02 décembre 2014. Le député, élu Fcbe dans la 7ème circonscription électorale, écope de six mois ferme de prison assorti d’un mandat d’arrêt pour avoir insisté et plaider « le non placement en détention » de certains inculpés, dans une affaire d’assassinat, de coups et blessures volontaires.
Le député Orou Sé Guéné ne sera plus libre de ses mouvements suite au verdict rendu le mardi 02 décembre 2014 par le Tribunal de Parakou. Poursuivi pour « pression sur magistrat », le parlementaire a brillé une fois encore par son absence ainsi que ses avocats. Cette fois-ci, le procès n’a pas été reporté pour une 4ème fois. Le député de la mouvance présidentielle est reconnu coupable d’avoir fait pression sur la juge des libertés et de la détention, Baco Aleyya Gouda. L’élu du peuple, connu pour ses invectives, est selon la justice, dans les cas, du flagrant délit. La cour a eu pour président, Ali Abdou Ramane et le ministère public, représenté par le procureur, Jules Chabi Mouka. Après avoir rappelé les faits, la cour rend son arrêt. L’honorable écope de 06 mois de prison ferme assorti d’un mandat d’arrêt, et de 500 mille francs d’amende. La sentence est lourde, évoquent des voix pour dénoncer un acharnement judiciaire. Mais, Gery Ronald Akueson, 1er substitut du procureur, près le Tribunal de première instance, première classe de Parakou, a laissé entendre que c’est le droit qui est dit. Le condamné est un député et bénéficie donc de l’immunité parlementaire. Mais à ce sujet, les textes de loi soulignent que l’immunité parlementaire dont jouit le député au terme de l’article 90 de la Constitution du 11 décembre 1990, ne couvre pas les cas de flagrant délit. L’article 3 de la loi n° 2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin dispose : « La justice est rendue au nom du peuple béninois. Les juges ne sont soumis dans l’exercice de leurs fonctions qu’à l’autorité de la loi. Le juge ne doit faire l’objet d’aucune pression de quelque nature que ce soit dans l’exercice de ses fonctions. Toute immixtion dans le jugement des affaires pendantes devant une juridiction est interdite. Toute infraction aux présentes dispositions est punie d’un emprisonnement de six à douze mois. Le tout assorti d’une amende de 50.000 à 500.000 de nos francs ou de l’une, de ces deux peines seulement. Selon des sources bien introduites, Orou Sé Guéné n’a pas encore fait appel ». Mais, ses avocats, absents à l’audience pourraient revenir pour faire appel de cette décision de justice.
Rappel des faits
L’affaire est survenue, il y a quelques mois, lorsqu’un individu a tiré sur une nourrice qui en est décédée dans la commune de Kalalé. Après les investigations, le suspect arrêté par la brigade de gendarmerie aurait déclaré être l’auteur de la bavure et aurait été tabassé à sang par certaines personnes. Ces dernières identifiées ont été mises aux arrêts. Rentré au pays après un séjour en France, le député est allé voir la juge des libertés pour plaider le relâchement des personnes arrêtées. Des personnes qui, aux dires du député, ne sont que ses militants. Pour Orou Sé Guéné, la juge lui aurait dit qu’elle n’avait pas encore pris connaissance du dossier. Mais quelques instants plus tard, elle demande à un gendarme de l’écouter. Ce qui fut fait mais il sera mis sous convocation pour le vendredi 07 novembre 2014. C’est ainsi que commence alors une série de reports du procès. Le 11 novembre, le député se fera représenter par ses avocats. Me Sadikou Alao introduit une demande de récusation de neuf des dix juges que compte le Tribunal de Parakou. Le dossier est renvoyé au 18 novembre puis au 25 novembre pour indisponibilité des avocats. Le mardi 02 décembre, le dossier est vidé. Le député Orou-Sé Guéné est condamné à 06 mois d’emprisonnement avec mandat d’arrêt et 500 mille francs d’amende.
« (Rires) …Ce sont mes avocats qui devraient répondre. Vous savez, c’est un acharnement sur ma personne. Donc, il vaut mieux que mes avocats réagissent. De toutes les façons, je n’ai commis aucune infraction… »
Saka Fikara, député de l’opposition : « …Je voudrais féliciter le courage de la justice »
« …Depuis 24 ans que le Parlement existe, je crois que c’est la deuxième fois qu’on parle d’emprisonnement de député. Mais, c’est regrettable. Nous devons aussi nous comportez très bien en tant que députés par rapport aux hommes de justice. J’espère qu’il y a des voies de recours que l’Assemblée prendrait. On va étudier ça. Mais nous devons respecter les hommes de justice et la loi. C’est nous qui votons les lois et nous devons respecter la loi. Je voudrais féliciter le courage de la justice. Que mes collègues m’en excusent. Nous devons savoir que nous sommes tous des justiciables, députés, ministres et président de la République… »
Basile Ahossi, député de l’opposition : « Je vais lui présenter mes compassions… »
« …Orou Sé Guéné, c’est un ami. Nous avons créé et animé le G13 en 2008. C’est vrai qu’il a fait défection. Je ne saurais lui en vouloir pour ça. Ce qui lui arrive me fait de la peine, mais cela nous apprendra, députés, ministres et président de la République à savoir poser les actes. Nous devons savoir que la justice est là et est la même pour tous. C’est dommage ! Mais, la loi est la loi. Je crois que si je me résume, je suis peiné. Le verdict est tombé. On n’y peut rien. Je crois que je vais lui présenter mes compassions… »
Martin Assogba, Président de l’Ong Alcrer : « ... Il va en souffrir »
« Cet acte qu’il est allé poser est un flagrant délit. On ne peut pas aller corrompre tout le monde dans le pays. Tout le monde n’est pas corruptible. Il y a des exceptions dans le pays. Il y a des gens qui ne sont pas corrompus. Si on dit que les magistrats sont corrompus, c’est faux ! Tout le monde n’est pas corrompu. Tous les magistrats ne sont pas corrompus. On doit faire la distinction. Il y a des magistrats intègres. Il y a des magistrats qui connaissent la loi et qui font leur travail selon la déontologie. Je dis bravo aux magistrats. Cela va apprendre à tout un chacun de nous, surtout à ceux-là qui pensent qu’on peut tout faire avec l’argent. Celui qui casse des verres le paiera. Le député a créé des ennuis. Il va en souffrir. Et il paiera pour ce qu’il a fait. Cela servira de leçon à tout le monde »
Jacques Migan, avocat à la Cour : « Le délit est consommé »
« Il y a une différence entre un délit couvert par l’immunité et l’autre qui ne l’est pas. Ce n’est pas sur un coup de tête. C’est ça qu’on appelle le flagrant délit. Il fallait s’y attendre. C’est comme si on prend quelqu’un sur le fait. Le délit est consommé. Ce n’est pas couvert pas l’immunité »
Michel Adjaka : « Il a des avocats qui doivent lui indiquer le chemin à suivre »
« L’article 3 de la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin dispose que « La justice est rendue au nom du peuple béninois. Les juges ne sont soumis dans l’exercice de leurs fonctions qu’à l’autorité de la loi. Le juge ne doit faire l’objet d’aucune pression de quelque nature que ce soit dans l’exercice de ses fonctions. Toute immixtion dans le jugement des affaires pendantes devant une juridiction est interdite. Toute infraction aux présentes dispositions est punie d’un emprisonnement de six (6) à douze (12) mois et d’une amende de cinquante mille (50.000) à cinq cent mille (500.000) francs ou de l’une de ces deux peines seulement. » En application de cette disposition, le Tribunal de première instance de première classe de Parakou a condamné le député Orou-Sé Guéné, par décision réputée contradictoire, pour les faits de pression sur juge, à six mois d’emprisonnement ferme et à cinq cent mille (500 000) FCfa d’amende. Le Tribunal a par ailleurs décerné un mandat d’arrêt contre le député Orou-Sé Guéné.
Il a des avocats et il revient à ces derniers de lui indiquer le chemin à suivre.
Aux dernières nouvelles, le député Guéné recueille activement les signatures de ses collègues pour jouir des dispositions de l’article 90 de la Constitution du 11 décembre 1990 qui prévoient que « Les membres de l’Assemblée nationale jouissent de l’immunité parlementaire. En conséquence, aucun député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis, par lui, dans l’exercice de ses fonctions.
Aucun député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale, sauf les cas de flagrant délit. Aucun député ne peut, hors session, être arrêté qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée nationale, sauf les cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive.La détention ou la poursuite d’un député est suspendue si l’Assemblée nationale le requiert par un vote à la majorité des deux tiers » .
Serge Prince Agbodjan, juriste : « ...L’immunité tombe »
« Pour ce que je sais, l’article 90 de la Constitution est bien clair. La jouissance de l’immunité parlementaire tombe en cas de « flagrant délit ». Ce qui est le cas du député Orou Sé Guéné. La seule chance que l’article 90 proposait et qui devrait aider notre député est d’obtenir une suspension de la détention ou de la poursuite si l’Assemblée nationale le requiert par un vote à la majorité des deux tiers. En clair, une suspension de la poursuite ou de la détention était possible si notre député obtenait un vote à la majorité des deux tiers, ce qui suppose que certains députés de l’Un et du Prd acceptent d’émettre un vote en sa faveur pour qu’il rassemble les deux tiers. A tout cela, faudrait-il se demander si l’article 90 de la Constitution est encore opérant dans la mesure où nous ne sommes plus à la phase de la poursuite ou de la détention car, les juges ont déjà vidé ce dossier qui est déjà une condamnation. La phase de poursuite est déjà passée et notre député n’est pas pour l’instant en détention. Peut être que s’il obtenait les signatures, il ira en prison et évoqué sa détention pour obtenir cette décision de suspension. La loi est dure, mais c’est la loi ».
Laurent Metognon : « Nul n’est au dessus de la loi »
« Je crois qu’il s’agit de flagrant délit. Alors, il n’y a plus rien à dire. Je viens de relire moi-même cet article 90 de la Constitution pour me rassurer. Je demande aux signataires d’aller prendre eux-mêmes la Constitution pour s’en convaincre. Ité missa est. Il devient un fugitif ou il se rend et va passer tranquillement sa première nuit en prison. Nul n’est au-dessus de la loi. Le peuple, surtout sa jeunesse, comprend que désormais notre Assemblée ne sera plus le refuge des malfrats. C’est ce que je crois ».