11 décembre 2014 L’opposition marche dans la désunion contre Yayi Wandji Ils ont le même cri de cœur : l’impasse électorale. Mais y vont en rangs dispersés. Le spectacle des marches parallèles annoncées pour le jeudi 11 décembre prochain témoigne de la réelle crise qui règne aujourd’hui dans le monde politique béninois. Le Parti du Renouveau Démocratique (PRD) qui se réclame pourtant de l’opposition vient de se démarquer de la marche des « autres » du même camp et préfère aller en solo. Tout est, en tout cas, clair depuis la conférence de presse tenue lundi dernier par ce parti, qui apparemment ne veut s’afficher d’aucune manière aux côtés de ses pairs de l’opposition pour revendiquer quoi que ce soit. « Nous comprenons parfaitement que certains dans l’opposition ne veuillent pas travailler avec d’autres ; c’est leur droit. Au PRD, nous avons et nous aurons toujours une culture de liberté et non une culture de secte », a dénoncé ce lundi, le conférencier Charlemagne Honfo, porte-parole du parti. A le croire, qu’il s’agisse de la dernière marche organisée le 29 octobre 2014 ou encore celle en vue pour le 11 décembre, la Plate-forme des forces démocratiques constituée de l’Union fait la Nation (UN), des forces sociales et autres, n’a jamais daigné associer le PRD. Autant donc ne pas se mêler aux « affaires des autres ». La position du PRD semble bien claire à ce propos. Mais, il ne reste pas sans rien faire non plus. Il entrevoit deux marches dans la même période, une pour le mercredi 10 décembre dans les rues de Porto-Novo et une autre à la date fatidique du jeudi 11 décembre à Cotonou. La foire des marches. Comme on l’observe, seule l’opposition béninoise, ou ce qu’on peut considérer comme telle, offrira deux manifestations différentes, visant la même cible : le régime Boni Yayi. Une désunion qui présage déjà de l’échec d’une action politique de grande importance en ces moments de crise électorale aigue. En ces moments où la correction de la Lépi balbutie avec une opération d’enregistrement complémentaire qui se prolonge sans cesse, confrontée à d’énormes difficultés techniques depuis son démarrage. La date du 17 décembre annoncée par le Conseil d’orientation et de supervision de la Lépi (Cos-Lépi) laisse désormais dubitative sur son respect. Par quel tour de magie, le Cos-Lépi pourra-t-il, en dix jours, régulariser toutes les incorrections notées pour prétendre livrer une liste incontestable ? L’institution, elle –même, en est sans doute consciente et devrait déjà avoir revu son chronogramme depuis le report du dimanche dernier. La marche de l’UN et consorts et du PRD se tiendrait d’ailleurs pendant que les travaux de correction de la Lépi seraient encore en cours. Mais, en réalité, l’on ne devrait s’étonner de voir le PRD et l’UN prendre des chemins parallèles pour dénoncer la même situation. C’est une querelle qui remonte à la présidentielle de 2011 où l’expérience de la candidature unique faite par l’UN s’est révélée en fin de compte amère et catastrophique, autant pour les ténors qui sont demeurés dans ce grand regroupement politique que pour Me Adrien Houngbédji (Le malheureux candidat unique) et sa bande qui ont bruyamment claqué la porte après la défaite. Les propos tenus et actes posés depuis lors par le président du PRD et ses partisans vis-à-vis de l’UN et autres partis alliés montrent à suffisance que rien ne devrait plus jamais les lier. Du moins pour le moment.
Voici l’intégralité de la déclaration du PRD sur sa sur la marche du 11 décembre
A la faveur d’une conférence de presse qu’il a tenue lundi dernier à Porto-Novo, le Bureau directeur national du Parti pour le Renouveau Démocratique ( PRD) a publiquement annoncé que sa formation politique ne sera pas aux côtés de l’Union fait la Nation et autres forces de l’opposition qui projettent d’organiser une marche de contestation contre l’impasse électorale le 11 décembre prochain. Par contre, le PRD annonce ses proches marches pour les prochains jours. La première se tiendra à Porto-Novo le 10 décembre et la seconde à Cotonou le 11 décembre. Lire ci-après l’intégralité de la déclaration du parti que dirige Me Adrien Houngbédji à cette conférence de presse.
DECLARATION LIMINAIRE DU PRD
Le Parti du Renouveau Démocratique (PRD) a toujours prôné un dialogue politique Mouvance/ Opposition. L’Union fait la Nation (UN) et le Front n’en voulaient pas : ils voulaient « les Assises Nationales » sans le pouvoir exécutif. Yayi Boni n’en voulait pas non plus : il préférait affaiblir les partis d’opposition en les divisant, en débauchant en leur sein et en les écartant complètement de la
gestion des affaires de l’Etat. Le PRD a payé un lourd tribut à cette politique. Les exemples abondent : par exemple, le nombre de nos Maires est passé de 9 à 2 sans élection ; les cadres supposés proches du PRD sont marginalisés dans l’administration publique pendant que nos hommes d’affaires sont, soit écartés des marchés publics, soit harcelés fiscalement ; etc. Notre politique de dialogue n’a trouvé d’échos qu’au sein de l’Assemblée Nationale où, sans jamais céder sur aucune de nos valeurs, nous avons réussi à faire avancer les dossiers sensibles, évitant à notre pays des blocages inutiles. Ex: loi sur la correction de la LEPI, sur la CENA, le Code Électoral. Nous tenons à remercier encore toutes les composantes de l’Assemblée Nationale pour leur ouverture d’esprit. Aujourd’hui comme hier, les faits nous donnent raison. Ceux qui ne voulaient
hier que des assises, demandent maintenant au Gouvernement de dialoguer avec eux.
Le Gouvernement qui hier ne se livrait qu’à des monologues, supplie aujourd’hui tout le monde de s’asseoir pour discuter. Les temps ont donc changé ! Et le PRD, conforté par les faits, ne peut que maintenir sa ligne. Dans notre communiqué du 12 novembre, nous avons dénoncé le cadre de concertation des institutions mis en place par le Gouvernement ; nous avons dit qu’il ne peut pas être considéré comme un cadre de dialogue Mouvance/Opposition et qu’il est inefficace pour résoudre les problèmes auxquels le Pays est confronté. Nous avons dit que ce cadre est inefficace pour régler les difficultés rencontrées par le COS-LEPI dans les tâches qui lui restent à accomplir pour que nous ayons une bonne liste électorale. Dans ce communiqué, nous avons sévèrement mis en garde le Gouvernement contre les faux-semblants, les subterfuges qu’il manigance depuis le départ pour faire échouer le COS-LEPI.
Nous avions vu juste ! Faute de concertation avec toutes les forces politiques et sociales pour une grande mobilisation populaire et pour une bonne disponibilité des outils de travail et du personnel, le COS-LEPI n’a pas pu réaliser dans le délai, les performances attendues en phase d’enregistrement complémentaire. Malgré la nouvelle prolongation d’une semaine décidée il y a quelques heures par le COS-LEPI, la plus grande incertitude continue de peser sur la tenue à bonne date des élections locales et bientôt, des législatives. Face à cette situation, le PRD entend protester. Protester au nom des populations humiliées qui n’arrivent pas à se faire enregistrer, et qui redoutent plus que tout, d’être encore flouées comme elles l’ont été en 2011. La démocratie consiste à faire des élections à bonne date, avec une liste électorale complète, transparente, fiable et juste. L’instrument que constitue la loi est bon. C’est le Gouvernement et ses prolongements dans l’exécution de la loi qui ne veulent pas jouer le jeu de l’efficacité et de la transparence. Le complot contre la démocratie se poursuit. Nous avons été les premiers à le dénoncer et les seuls à proposer à temps, la solution pour le déjouer : c’était notre proposition de loi instituant une liste électorale ad’ hoc déposée le 6 février 2014, curieusement enterrée dans les arcanes parlementaires et dont tout le monde regrette maintenant qu’elle n’ait pas été examinée et adoptée à l’époque. Huit mois après, nous avons été les premiers à alerter l’opinion publique du danger qui nous guette de voir même l’Assemblée Nationale disparaître, parce que nous n’aurions pas pu organiser les élections législatives à bonne date, faute de liste électorale : c’était le dimanche 21 septembre dernier au cours de l’émission « Zone Franche » de Canal3.
Nous remercions le peuple béninois tout entier pour sa prompte réaction : partis politiques, société civile, confessions religieuses, syndicats. A l’unisson, comme un seul homme, chacun dans son registre, ils ont reconnu l’imminence du péril, appelé à la vigilance et invité le gouvernement à prendre les mesures qui s’imposaient pour des élections à bonne date. Le point d’orgue du mouvement fut la marche pacifique du 29 octobre qui fut un succès et dont le PRD félicite ici encore, les initiateurs et les participants.
Deux mois se sont écoulés depuis l’intervention du Président Houngbédji sur Canal 3, et un mois s’est écoulé depuis la marche pacifique du 29 octobre.
Que constatons-nous ? Nous constatons que malgré les fonds injectés à retardement par le Gouvernement, malgré la mise sur pied par le Gouvernement d’un comité de suivi, lui même émanation d’un cadre de concertation des Institutions, les travaux du COS-LEPI piétinent : l’enregistrement complémentaire prévu pour être achevé le 30 novembre, n’a pas atteint les objectifs qui lui sont assignés ; la date butoir du 17 décembre fixée pour la remise du fichier électoral sera probablement repoussée. L’incertitude perdure. Et le Gouvernement persiste dans sa politique d’enfermement sur soi- même, au lieu du dialogue avec toutes les forces concernées. Pour l’ensemble de ces raisons, le PRD organisera:
- le mercredi 10 décembre à Porto-Novo, Capitale du Bénin, une marche pacifique ;
- le jeudi 11 décembre à Cotonou, une autre marche pacifique de protestation.
Nous disons bien une marche à Cotonou le jeudi 11 décembre. Nous n’emprunterons pas l’itinéraire de la marche prévue le même jour à Cotonou par les responsables du mouvement dit de « LA PLATE FORME ». Cotonou est une grande ville et il est de pratique courante que plusieurs marches se déroulent suivant des itinéraires différents dans une même ville. Donc pas de provocation en vue. Nous demanderons aux Autorités Publiques de bien vouloir inviter les 2 organisations politiques pour délimitation des itinéraires, ainsi qu’il est également de pratique courante en régime démocratique. Ce faisant, nous n’inventons rien. On peut être plusieurs partis d’opposition sans forcément penser et dire la même chose à propos de tout, sans penser et faire la même chose au même endroit. Et nous comprenons parfaitement que certains dans l’opposition ne veuillent pas travailler avec d’autres ; c’est leur droit. Au PRD, nous avons et nous aurons toujours une culture de liberté et non une culture de secte.