Abdoulaye Bio-Tchané, ancien du FMI et de la BOAD, pose un regard lucide sur les défis économiques et sociaux que son pays doit relever.
Alors qu’un nombre grandissant d’économies africaines sont en ébullition, le Bénin peine à saisir les opportunités de développement susceptibles de faire de la croissance un instrument de réduction de la pauvreté. Climat des affaires, chute du cours des matières premières, crise au Burkina... L’économiste (et homme politique) Abdoulaye Bio- Tchané, invité de RFI et Jeune Afrique, livre son analyse.
Quelques Extraits.
Le Bénin à la traîne
« Il y a deux groupes de pays : ceux qui arrivent à susciter des investissements locaux et étrangers et ceux qui n’y parviennent pas, dont le Bénin. La confiance est une donnée essentielle : pour attirer les investissements, il faut un cadre règlementaire, notamment dans le domaine des partenariats public-privé. Or le pays n’en a pas. Ensuite se pose la question de la capacité du gouvernement à donner confiance aux investisseurs, afin que ceux-ci puissent espérer une rentabilité sans intervention de l’Etat. »
Climat des affaires
« Vous pouvez lancer toutes les poli- tiques possibles et imaginables pour attirer les investisseurs "trangers, si les investisseurs locaux ne sont pas satisfaits, comme c’est manifestement le cas au Bénin, ces actions ne serviront à rien. »
La pauvreté, ce fléau
« Le taux de croissance actuel, de 5 %, peut paraître élevé mais on estime qu’il faudrait qu’il atteigne 7 % pour parvenir à réduire la pauvreté. Avec un taux de croissance de la population de 3 %, on frôle parfois la régression. Actuellement, 47 % des Béninois vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Et les inégalités se creusent entre les franges les plus pauvres et les plus aisées de la population. »
L’exemple burkinabè
« La situation au Burkina est la conséquence des difficultés économiques que nous connaissons un peu partout en Afrique. Le chômage des jeunes devient une question de sécurité nationale. Ceux-ci représentent 70 % des personnes sans emploi. Beaucoup sont désespérés, ce qui constitue un terreau pour le terrorisme notamment. Et la population aspire à une démocratie propice au développement économique. »
La croissance menacée ?
« Je suis inquiet de constater que les prix de certaines matières premières baissent, alors que les Etats ont pourtant besoin de plus de ressources. En même temps, les investissements en infrastructures, si importants pour nos économies, dépendent désormais davantage du secteur privé. En Côte d’Ivoire, pays exemplaire du point de vue de l’énergie, il a réalisé l’essentiel des investissements dans ce dernier domaine. »
Différend avec le Nigeria
« Le Bénin et le Nigeria n’ont pas les mêmes politiques ni les mêmes approches. Mais la différence de monnaie n’est pas un obstacle, les acteurs du privé s’y sont habitués. L’intégration économique est une réalité dans le secteur informel, elle doit désormais être structurée par les pouvoirs publics. »