Au cours de ses vingt ans de carrière au Crédit lyonnais, Roland Riboux, a enchaîné les postes en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, notamment au Cameroun, de 1973 à 1975, et au Nigeria, de 1991 à 1996. Cette année-là, le Français décide de rejoindre le monde de l’industrie et accepte la proposition du holding agroalimentaire Tgi : il devient le Président Directeur Général de la nouvelle filiale, Fludor Bénin (ex-Ecotrade), pour diriger le projet d’installation de l’huilerie du groupe à Cana, à 120 km au nord de Cotonou. L’usine entre en production en mai 2000 avec un concours de la Banque ouest africaine de développement, présidé alors par le Dr Thomas Boni Yayi.
La même année, déterminé à développer le secteur et conscient de ses enjeux financiers et socio-économiques pour la région, Roland Riboux est passé premier président de l’Association des industriels de la filière oléagineuse des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Aifo-Uemoa).
En 2002, il fonde le Conseil des investisseurs privés au Bénin (Cipb), qui réunit aujourd’hui une quarantaine de grandes entreprises, dans l’objectif de contribuer à l’amélioration du climat des affaires dans son pays d’adoption. Changement des mentalités dans les administrations, meilleur fonctionnement de l’appareil judiciaire, réforme de la fiscalité… Les axes de réflexion et les propositions ne manquent pas. Il défend dans la filière coton, le mode de gestion axé sur une scission des régions cotonnières appelé zonage. Dans cet entretien qu’il nous accorde, il revient sur ses convictions quant à l’amélioration du rendement chez les cotonculteurs comme seul moyen pérenne pour l’amélioration des conditions de vies de ces derniers.
Vous rentrez d’une réunion organisée par l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa), dont le but est la validation de l’étude complémentaire d’élaboration d’un programme détaillé de promotion de la filière oléagineuse, qui comprend en Afrique de l’Ouest trois grandes spéculations (palmier à huile, arachide et la graine de coton). Quelles sont les enjeux essentiels des industries oléagineuses à base de graine de coton dans cette zone ?
Sn-Sitec (Oleol-Ci), Nioto, Fludor et Shb, pour les cinq sociétés concernées membres de l’Aifo, les problèmes sont identiques : d’une part les quantités disponibles de graines et d’autres part le prix de cession de celles-ci. Dans le cas de notre pays, le problème de la quantité des graines disponibles est bien présent : il faut tout d’abord qu’il y ait une production de coton suffisante c’est à dire au minimum 300.000 tonnes pour satisfaire à peu près les deux unités existantes; il faut également, que les quantités disponibles ne soient pas systématiquement exportées. Quant au prix, nous avons assisté durant les années 2000 à une augmentation régulière de ce prix, soi-disant pour rattraper le niveau des prix que les européens sont prêts à payer pendant une courte période de l’année et depuis trois ans nettement au-dessus de ce prix international en abusant de la position de quasi-monopole de l’égrenage.
Dans le cas de votre pays le Bénin, on a été témoin d’une grosse querelle depuis maintenant deux campagnes quant au prix et à la qualité des graines cédées. Qu’en est-il ?
Lors de la dernière année du quasi monopole du privé, c’est à dire la campagne 2011-2012, en l’absence de réaction des autorités, il nous a été imposé un prix de 85 F Cfa/kg acculant les triturateurs béninois à la perte. Malheureusement, l’année suivante, les autorités de l’Etat ayant repris le contrôle de la filière nous ont appliqué ce même prix, manifestement pour aider à boucler la campagne sans déficit. Malheureusement, ces graines étaient d’une qualité exécrable de sorte que cela revenait à nous faire payer l’équivalent de 100 F Cfa/kg de bonne graine.
Lors de la dernière campagne, le prix est resté de 85 F Cfa /kg mais dans des sacs Sonapra, comme si nous étions des acheteurs européens. Nous avons pu choisir les quantités que nous considérions comme saines et marchandes mais nous n’avons pu acheter que 35.000 tonnes sur les 65.000 tonnes contractées, ce qui s’est ressenti sur notre chiffre d’affaire.
Comment appréhendez-vous la nouvelle campagne ?
Par rapport à l’an dernier, les usines d’égrenage sont prêtes à fonctionner, si l’on excepte qu’il reste encore quelques stocks de graines de l’an dernier à déclasser. Il est impératif maintenant que les négociations sur le prix et les quantités à céder soient ouvertes avec triturateurs, de façon à ce que les graines soient enlevées dès l’égrenage, sans qu’il y ait à les stocker sur le carreau des usines d’égrenage, exposées aux intempéries. Les quantités seront là ; quant au prix, il est inévitable qu’il soit revu à la baisse au regard des cours mondiaux du tourteau de soja toujours déprimés, dont la graine de coton est le substitut.
La volonté politique affichée du président de la République d’évoluer vers le zonage reste inéluctablement, la seule de sortie pour cette filière en proie à une profonde crise. Sa mise en place devrait permettre une amélioration très sensible des rendements et donc garantir le mieux-être des populations concernées.