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La Nation N° 6133 du 11/12/2014

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La Constitution béninoise : Maurice Ahanhanzo-Glèlè à propos de l’an 24 de notre loi fondamentale «La Constitution béninoise est un trésor mais peut être améliorée»
Publié le vendredi 12 decembre 2014   |  La Nation


Le
© Autre presse par DR
Le Ministre de l`Environnement, Blaise Ahanhanzo-Glèlè


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11 décembre 1990-11décembre 2014, la Constitution béninoise souffle une bougie de plus ce jour. 24 ans après, ce produit issu de la Conférence nationale des forces vives de février 1990 tient toujours debout malgré tout. Le professeur Maurice Ahanhanzo-Glèlè, président de la Commission ayant rédigé cette loi fondamentale fait revivre ici le cheminement qui a conduit à la mise en place de cette Constitution, et se prononce sur le parcours de cette loi sans oublier les difficultés relatives à sa révision maintes fois manquée.



Propos recueillis par Thibaud C. NAGNONHOU


La Nation : La Constitution béninoise a 24 ans. Quels sont vos sentiments en ce jour anniversaire ? Maurice Ahanhanzo-Glèlè : Je rends grâce au seigneur de m’avoir permis de participer à la Conférence nationale et d’avoir été le président de la Commission constitutionnelle et des Affaires politiques. Nous avions siégé au stade de l’Amitié de Kouhounou puis au PLM Alédjo de Cotonou. Je n’étais même pas dans la salle quand j’étais élu président de cette commission qui a été chargée de rédiger et de mettre en place la Constitution du 11 décembre 1990. Nous étions 16 membres dont Antoine Détchénou et feue Grâce d’Almeida. Chacun a donné le meilleur de lui-même et nous sommes arrivés à obtenir l’actuelle loi fondamentale. Pour parler de mes sentiments, il faut que d’abord chaque Béninois se dise que c’est sa Constitution. Ce n’est pas par orgueil ni par paternité que je le dis. C’est notre constitution parce que c’est la Conférence nationale qui a choisi ses options fondamentales, notamment le genre de régime présidentiel avec des institutions de contre-pouvoir, la liberté d’aller et de venir, la libre expression, le respect des droits de l’homme. Le choix de ces options fondamentales visait à nous permettre d’avoir un Etat de droit et de démocratie libérale pluraliste ayant comme pivot le respect de la personne humaine. C’est à dire un Etat dans lequel nul n’est au dessus de la loi.


Quel était le cheminement suivi par la Conférence nationale ? Le cheminement suivi était simple. La Conférence nationale a voulu résolument tourner le dos au Parti révolutionnaire populaire du Bénin (PRPB) du système du marxisme-léninisme. Une fois qu’on a élaboré la Constitution sur la base des options faites par la Conférence nationale, nous avons procédé à sa vulgarisation et à sa popularisation. Nous sommes passés dans chaque département. On a mobilisé toutes les cellules de base et on leur a montré le contenu du texte retenu par la Conférence nationale. Les gens l’ont discuté et ont fait des amendements, des propositions. J’ai été sidéré par l’intervention d’un vieux à Dogbo lors des séances de vulgarisation.


Celui-ci m’a demandé si on a mis dans le projet de texte constitutionnel qu’on ne peut pas se lever et arrêter les gens n’importe comment. C’était la meilleure leçon de droit public, de droit constitutionnel et science politique que j’ai eue dans ma vie. Parce qu’elle vient de quelqu’un qui n’est pas censé connaître cela. Donc après la popularisation, nous avons tenu une grande réunion sous l’égide de monseigneur Isidore de Souza qui était le président du Haut conseil de la République (HCR) qui jouait en quelque sorte le rôle de l’Assemblée nationale. J’étais aussi membre. Nous avons fait le point des principales observations faites par les différentes couches de la population. Nous avons touché le texte de la Constitution retenu par la Conférence nationale et intégré les points saillants des observations des populations à la base. C’est pour dire que le peuple a été au commencement, pendant qu’on élaborait la Constitution et avant son adoption par le HCR. Le peuple était toujours présent puis il y a eu un référendum.


Apparemment le professeur tient à la participation populaire lors de l’élaboration de la Constitution. Pourquoi cela? Oui. Je tiens à rappeler tout le processus qui a conduit à l’adoption de la Constitution du 11 décembre 1990 parce que j’ai été, il y a quelques années, désigné par le président de la République, Boni Yayi pour présider la Commission de relecture de cette loi fondamentale. J’ai vu que la procédure suivie n’a pas respecté les formes et les règles imposées par la Conférence nationale. La population a été associée au processus en 1990 grâce au rôle que les mass-médias ont joué pendant la Conférence nationale. J’ai vu des gens qui allaient à vélo dans leurs villages et avaient leur poste radio collé à leurs oreilles et ils suivaient les débats retransmis en direct par la Radio nationale. Aussi, avons-nous fait donc ce travail dans nos langues nationales. Tout cela a fait que les populations ont massivement participé à la mise en place de cette Constitution. Donc on ne saurait l’ignorer dans le processus de révision constitutionnelle.


24 ans après l’application de cette loi fondamentale, les fruits ont-ils tenu la promesse des fleurs ? Je crois qu’en 24 ans, la Constitution nous a aidés à avancer. Elle nous a amenés à connaître la vraie liberté, la liberté d’aller et venir, la liberté de s’exprimer, le respect de la dignité humaine. Ce sont des acquis de la Conférence nationale et des produits de cette Constitution. Je suis fier d’avoir contribué à mettre en place cette Constitution et à en assurer l’application. Car, j’ai été deux fois membre de la Cour constitutionnelle. Une fois cinq ans sous le président Nicéphore Soglo et une autre fois cinq ans sous le président Mathieu Kérékou. J’ai non seulement participé à la rédaction de la Constitution mais en plus je m’y suis investi personnellement pour sa popularisation. Je fais partie de ceux qui ont travaillé à la légitimisation de la Cour constitutionnelle.


Je suis heureux que la Constitution du 11 décembre 1990 ait pu nous aider à maintenir la paix et l’équilibre au Bénin. C’est vrai, nous déplorons par exemple le régionalisme. Il faut qu’il disparaisse complètement. Mais cela dit, je crois que du point de vue de la reconnaissance de l’un par l’autre on se sent de plus en plus Béninois. J’ai exigé au président Boni Yayi qu’on suive ce que nous appelons dans le jargon juridique, le parallélisme des formes. Si on veut réviser la Constitution béninoise, qu’on dise clairement ce qu’on veut réviser pour telle ou telle raison. Et on soumet les dispositions devant faire l’objet de révision au peuple pour lui demander s’il est d’accord ou non tel que nous l’avons fait au départ. C’est cela le sens de mon combat contre une révision opportuniste de la Constitution. J’exige le respect des formes.


La révision de la Constitution n’est pas seulement l’affaire de la classe politique ou des gens qui savent lire et écrire. Il faut associer le peuple qui a été au commencement de son élaboration. Donc vous êtes toujours fier de cette loi fondamentale ? Je suis fier de cette Constitution qui a fait son chemin et qu’on peut améliorer. La Constitution elle-même a prévu cette amélioration. Il y a le titre XI qui y est consacré. Mais en respectant les principes de sa révision, notamment la consultation du peuple souverain. C’est important. On ne peut pas revenir sur les acquis de la Constitution du 11 décembre 1990 qui sont des avancées terribles par rapport à ce qui se passe dans la plupart des pays d’Afrique. Je pense par rapport au respect de la personne humaine puis le respect de la chose publique. Déjà plusieurs tentatives de révision qui ont échoué. Ce qui fait pratiquement de la Constitution béninoise un modèle pour l’Afrique. Quel est le secret que vous y avez mis pour que sa révision ne soit pas aussi facile quand bien même elle a été prévue? Le secret c’est que nous avons adopté par référendum ce que le peuple voulait. Honnêtement, la Constitution telle qu’elle est là reflète les aspirations profondes de notre population en 1990. Elle répond au besoin du peuple. Ensuite c’est une Constitution équilibrée. Il y a l’équilibre des pouvoirs ; nous avons adopté le principe de la séparation des pouvoirs. Ce n’est pas nous qui l’avons inventé. Nous nous sommes référés à Montesquieu. Parce que tout homme qui a du pouvoir a tendance à en abuser. Et c’est pourquoi, pour l’équilibre des choses, il faut que le pouvoir arrête le pouvoir. Mais chacun doit rester dans son domaine de compétence. Au nom de la séparation des pouvoirs, on ne doit permettre à aucun président, aucun gouvernement de faire à sa tête. Car, nul n’est au dessous de la loi. Certains reprochent à la Commission ayant rédigé cette Constitution d’avoir importé des idées d’ailleurs.


La Constitution béninoise serait une copie conforme de celle française. Que répondez-vous ? C’est de n’importe quoi. Ceux qui le disent n’ont jamais été à l’école. Je mets quiconque aux défis pour me produire un article de la Constitution du Bénin tiré de celle de la France ou d’autres pays de l’Occident. Nous avons rédigé cette Constitution en tenant compte des réalités de notre pays. Je les invite à un débat contradictoire sur un plateau de télévision ou de radio pour discuter de ces âneries. Cette confrontation va permettre de clarifier les choses. La Constitution autorise certes les gens à parler mais pas à dire de n’importe quoi. Je regrette que le peuple ne connaisse pas suffisamment cette Constitution. On ne se l’approprie pas correctement. C’est quand il y a problème qu’on s’y intéresse. La Constitution c’est l’affaire de nous tous. Elle régie notre vie. C’est pourquoi à son article 40, il est fait obligation à l’Etat d’assurer sa diffusion et son enseignement.


Qu’est ce qu’on en a fait ?


La Constitution béninoise est un trésor. Il faut que tout le monde sache ce qu’elle contient. L’autre regret que j’ai est que certains textes prévus pour une bonne application de cette loi fondamentale, n’ont pas toujours été pris jusqu’à ce jour. Le chef de l’Etat et l’Assemblée nationale qui ont concurremment l’initiative des lois n’ont rien fait pour que ces textes d’application soient pris. Quels conseils avez-vous à prodiguer pour une révision constitutionnelle apaisée et réussie ? Comme je l’ai dit plus haut, la Constitution béninoise peut être améliorée. L’article 154 in fine de cette même Constitution a prévu la procédure de sa révision. L’article 154 dit clairement que «L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République, après décision prise en Conseil des ministres, et aux membres de l’Assemblée nationale. Pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision doit être voté à la majorité des trois quarts des membres composant l’Assemblée nationale». Et l’article 155 de préciser : «La révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a été approuvé à la majorité des quatre cinquième des membres composant l’Assemblée nationale». Ainsi dit, la révision constitutionnelle doit respecter les règles de l’art.


On ne doit pas reculer par rapport aux acquis de la Conférence nationale. L’un de ses acquis est que le chef de l’Etat élu ne doit pas dépasser deux mandats. Pour changer cela il faut expliquer aux populations les raisons de la modification. Donc on ne peut pas se lever tout seul et dire qu’on veut réviser la Constitution béninoise. Le peuple a son mot à dire.

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