La Cour de Théodore Holo qu’on ne présente plus fait peur. C’est le sentiment de la plupart des Béninois qui se demandent, si elle a oublié les prérogatives que lui confère l’article 114 de la Constitution du 11 décembre 1990. Dans de nombreux cas de blocage du processus électoral et du fonctionnement des Institutions de la République, la même juridiction est intervenue en vertu des prérogatives de ce dispositif constitutionnel pour ordonner que tous les obstacles au bon fonctionnement des pouvoirs publics soient levés. Curieusement, elle reste muette sur le blocage du processus en cours dans le pays.
Que dit l’article 114 de la Constitution du 11 décembre 1990 ? « La Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ». C’est bien clair qu’il relève des prérogatives de la Haute juridiction de tout mettre en œuvre pour empêcher toute situation de blocage dans le pays. Si la Cour de Théodore Holo a peur de prendre ses responsabilités ou si c’est parce qu’elle oublie ses propres prérogatives, la jurisprudence de la Haute juridiction tranche d’avec ses méthodes. Dans le domaine précis des élections, rappelons qu’une situation de blocage du processus électoral s’est produite en 2005 sous le gouvernement du général Mathieu Kérékou. Saisie par des citoyens, la Cour de Conceptia Ouinsou a rendu la décision Dcc 05-139 du17 novembre 2005 pour contraindre l’Exécutif à mettre dans les 24 heures qui suivent, les moyens à la disposition de la Cena, bloquée pour faute d’argent. Le gouvernement Mathieu Kérékou ne s’exécutant pas, la Cour, à nouveau saisie, a contraint l’Exécutif à se soumettre à ses injonctions. Par décision Dcc 05-145 du 1er décembre 2005, elle condamne l’équipe gouvernementale et principalement le ministre de l’Economie et des finances pour avoir violé la Constitution du 11 décembre 1990. Cet exemple d’injonction de la Cour Constitutionnelle est le plus illustratif en matière électorale. C’est pourquoi, il faut s’y attarder en montrant que sur la même matière, la Cour constitutionnelle dirigée par Théodore Holo est passive. Elle est condamnable pour sa passivité et son silence face à l’imminence d’un danger qui serait la conséquence de la non organisation des élections en raison de l’absence de la Lépi. Quand on se situe dans le temps, il faut nécessairement rappeler qu’en 2005, les injonctions du juge constitutionnel sont tombées successivement le 17 novembre et le 1er décembre 2005, alors que les élections en vue doivent se tenir en mars 2006, parce que le terme présidentiel du mandat en cours étant le 6 avril 2006 à minuit. Dans le contexte actuel, les élections élégislatives constitutionnellement établies sont attendues en avril 2015 étant donné que le mandat des députés arrive à terme le même mois. Mais avant ce scrutin, les locales et les communales sont annoncées pour mars de l’année prochaine. Jusque-là, ce n’est que des annonces, puis que rien n’est sûr en l’absence de la Lépi dont la livraison a déjà fait l’objet d’interminables reports. Cette situation a créé un blocage au niveau de la Cena dont le calendrier dépend de l’achèvement de la Lépi. Tout le monde est conscient du blocage et de l’impondérable, qu’est la disponibilité de la Lépi. Alors que faire ? C’est le moment de rappeler qu’on se retrouve dans le même contexte qu’en 2005. A l’époque, le problème n’était pas que financier. Il y avait aussi le fait que la Cena n’avait pas les actes préliminaires de la Lépi. La Cour toujours saisie a intimé l’ordre au gouvernement et à l’Assemblée nationale de prendre en urgence toutes les mesures administratives et législatives nécessaires au déroulement harmonieux du processus électoral pour l’élection du président de la République en mars 2006. En se conformant à l’autorité de la chose jugée attachée à la décision Dcc 05-139 du17 novembre 2005, l’Assemblée nationale a proposé la loi rectificative de la loi 2005-14 du 28 juillet 2005 en plusieurs articles. Il en ressort que les députés pressés par la Cour constitution ont joué leur rôle pour débloquer le processus. Quant au gouvernement, il s’est obstiné à ne pas libérer les moyens à la Cena, d’où la décision Dcc 05-145 du 1er décembre 2005 pour l’y obliger.
D’autres cas d’injonctions aux institutions de la République
Quand on quitte le champ des élections, la Haute juridiction a dans de nombreux cas fait injonction aux autres institutions de la République pour empêcher le blocage de ces dernières. On se souvient que lors de la mise en place du bureau de l’Assemblée nationale en 2003, la doyenne d’âge, Rose-Marie Vieyra Soglo a suspendu le processus contre toute attente et en violation du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Suite à des requêtes à elle adressées sur ce cas, la Haute juridiction a estimé que la doyenne d’âge en agissant ainsi a violé la constitution. Alors que cette dernière accusée de bloquer le bon fonctionnement du Parlement est invitée à reconsidérer ses agissements, elle ne s’est pas conformée à la décision Dcc 03-077 du 7 mai 2003. C’est alors que la Cour dans une autre décision Dcc 03-078 du 12 mai 2003 est revenue à la charge en donnant des injonctions claires à la doyenne d’âge afin qu’elle convoque dès la prise de cette décision les députés et de poursuivre sans interruption le processus d’élection des membres du bureau de l’Assemblée nationale. En cas de résistance, la Cour a indiqué que le doyen d’âge suivant prend la direction des opérations. La même jurisprudence a fait école au Conseil économique et social (Ces) en 2004 lors que 8 conseillers ont brillé par leur absence à l’élection du bureau. Par décision Dcc 04-065 du 29 juillet 2004, le juge constitutionnel est intervenu pour indiquer le chemin à suivre afin d’éviter toute situation de blocage. L’un des exemples récents dans notre mémoire, c’est l’injonction faite par la Cour constitutionnelle de Théodore Holo aux députés afin qu’ils votent avant le 31 décembre 2013, le vote du budget général de l’Etat, exercice 2014. Sur ce coup, on a vu la même équipe aujourd’hui incapable de prendre ses responsables jouer son rôle.
Qu’attend Holo ?
Une question revient sur toutes les lèvres : attend la cour constitutionnelle pour prendre ses responsabilités en vertu de l’article 114 de la Constitution afin de faire injonction aux Institutions (Gouvernement, Assemblée nationale et Cos Lépi) pour leur demander de tout mettre en œuvre en vue de l’organisation à bonnes dates des élections. Personne ne lui demande d’aller au-delà de ce que la Constitution lui confère comme pouvoir. Elle n’a qu’à montrer qu’elle est soucieuse du bon déroulement du processus électoral au lieu de s’enfermer dans un mutisme coupable. Et pourtant, dans un communiqué d’août 2014, l’équipe dirigée par Théodore Holo suite à un entretien avec les membres du Cos Lépi, a insisté sur l’impératif délai de fin novembre 2014 pour livrer la Lépi. Cette échéance est passée, on a rien vu et la Cour n’a pipé mot. Il y a eu une nouvelle date annoncée, hier 17 décembre. Il n’y a rien eu. On attend de voir si elle va enfin réagir pour taper du poing sur la table. Au regard de l’article 114 de la Constitution du 11 décembre 1990, la Cour constitutionnelle est le seul organe en mesure de sortir le Bénin de l’impasse. C’est tout ce qu’on espère des sept sages de la Haute juridiction. Il faut qu’elle donne des gages d’assurance, parce que malgré quelques éclaircis, notamment sur la question de la révision opportuniste de la Constitution béninoise, elle ne rassure toujours pas.