Le gouvernement a effectué, il y a quelques semaines, un déploiement des volontaires d’expertise professionnelle dans les établissements secondaires. Cette initiative, depuis sa mise en vigueur, n’a cessé de créer des remous tant dans le rang des enseignants vacataires que du côté des centrales et confédérations syndicales.
Ça grogne dans les établissements secondaires publics du Bénin. Les enseignants vacataires sont sous la menace d’un éventuel licenciement au profit des volontaires déployés depuis quelques semaines dans les collèges d’enseignement général (Ceg) par le gouvernement. Avec la mise en œuvre de cette mesure, la panique s’installe dans le rang de ces enseignants. Pendant que certains volontaires prennent déjà fonction, d’autres sont mis en attente, histoire de mettre à profit les congés de fêtes de fin d’année pour faire le ménage. Louis, professeur vacataire de français au Ceg Gbégamey hausse déjà le ton et mobilise ses collègues à ne céder à aucun remplacement. Pour lui, il n’est pas question de renvoyer des enseignants qui ont une certaine expérience en la matière au profit des novices. Déjà, au sein des établissements, de petits groupes se forment, et la question circule sur toutes les lèvres, sans que l’autorité ne soit informée. Parmi les enseignants vacataires concernés, il y en a qui ne veulent pas s’exposer au risque de se faire identifier et renvoyer. Laure, enseignante vacataire au Ceg Zogbo, n’est pas encore fixée sur son sort, mais elle craint de se faire renvoyer, environ trois mois après son recrutement. « Je viens de faire deux mois et demi dans le métier, et déjà, je ne sais quel sort m’est réservé », se lamente-t-elle.
Comme Laure et ses collègues, beaucoup d’enseignants vacataires se trouvent actuellement dans une situation délicate. Ils seront appelés à laisser leur place aux volontaires qui ont été répartis dans les établissements secondaires. Ceux qui espéraient bénéficier, dans un futur proche, de la faveur du gouvernement pour une éventuelle sédentarisation ou un reversement, comme ce fut le cas les années antérieures, ont vu leur espoir étouffé. Pour Charles, enseignant vacataire en français, il faut s’en remettre au sort. « J’ai enseigné, en tant que vacataire, pendant environ 6 ans. Je ne peux imaginer que je puisse être aussi facilement remercié. Après tant d’années d’expériences, voilà comment on nous remercie…. », laisse-t-il entendre.
Les dessous de l’initiative
De nombreux enseignants vacataires seront remerciés par les établissements secondaires. Pour Aziz, professeur certifié d’Anglais au Ceg Gbégamey, une vingtaine d’enseignants seront remplacés par environ 7 volontaires. A l’en croire, les volontaires se verront attribuer par semaine 18 heures de cours et deux heures d’Animation pédagogique. « Un volontaire envoyé dans un établissement secondaire doit obtenir 18 heures de cours plus 2 heures d’Animation pédagogique par semaine. Or, les enseignants vacataires engagés au cours de cette année scolaire 2014-2015 n’ont que 6 heures de cours à exécuter par semaine. Ainsi, le volontaire, dans sa nouvelle fonction, sera bien obligé de faire partir 03 enseignants vacataires », explique-t-il. Mais, Aziz retient à travers cette analyse qu’il y aura plus de départs que d’entrées. Salifou, professeur certifié des Sciences de la vie et de la terre (Svt) au Ceg Le Nokoué craint pour sa part que le nombre d’enseignants vacataires remerciés dépasse trois fois plus celui des volontaires qui vont prendre fonction.
La compétence des volontaires remise en cause
Les confédérations et centrales syndicales trouvent en cette mesure un véritable cafouillage dans le secteur de l’éducation au Bénin. Selon le Secrétaire général de la Confédération des Organisations syndicales indépendantes (Cosi) Noël Chadaré, les partenaires sociaux n’ont pas été associés au processus de déploiement des volontaires par le ministère de la jeunesse. Il remet en cause la compétence de ces volontaires car, selon lui, aucun travail de fond n’a été fait à la base. « On envoie dans nos établissements des gens qui n’ont jamais eu de contact avec la craie. Pendant que nous décrions le très faible niveau de notre système éducatif, le gouvernement vient de l’enterrer », dénonce-t-il. Aussi confie-t-il qu’il y a eu des propositions formulées à l’endroit du gouvernement lors des dernières négociations qui ont eu lieu le 15 septembre dernier. « Nous avons suggéré au gouvernement un plan de sédentarisation, c’est à dire, puiser parmi les enseignants vacataires un effectif donné afin de les sédentariser, et de renforcer leurs capacités, puisqu’ils ont déjà acquis un certain nombre d’expériences… ; mais le gouvernement a fait la sourde oreille, et a recruté des connaissances et des parents… », déplore-t-il. Le Secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin, Pascal Todjinou pense, quant à lui, que le gouvernement ne veut pas assumer les charges. Et pour parvenir à ses fins, il est obligé d’adopter cette démarche, encore que selon lui, le volontariat n’est pas la promotion de l’emploi.
3.000 vacataires au chômage
Les actions engagées par le gouvernement en faveur des jeunes, en l’occurrence, le déploiement des volontaires dans l’enseignement secondaire, vue de l’extérieur, paraissent salutaires et méritent des ovations à tous égards. Yayi et les siens viennent de marquer un grand pas, dira-t-on. Mais à y voir de près, il ne s’agit que d’un marché de dupe. Si une personne en arrive à faire partir trois autres, 1000 volontaires recrutés pour le compte de l’enseignement secondaire vont donc mettre 3000 enseignants vacataires dans la rue. Il y a donc lieu de s’interroger sur l’opportunité des réformes engagées par le gouvernement en matière de l’emploi des jeunes. Il y a une sorte de ‘’un pas en avant, deux pas en arrière“ qui se note. Pour ainsi dire, le gouvernement ferme un trou et crée en même temps plusieurs. Les enseignants vacataires voient, à travers cet acte du gouvernement, leurs revendications relatives à leur sédentarisation plongées dans un coma profond. A travers le déploiement des volontaires, non seulement ils n’auront plus gain de cause, mais également ils seront renvoyés. Un nouveau grenier de jeunes chômeurs se crée et le gouvernement doit s’expliquer sur la situation.