Le texte ci-dessous est celui de la communication présentée jeudi 18 décembre au Chant d’oiseau par le professeur Olade Moise Laleye professeur de droit public à l’Uac dans le cadre de la conférence publique organisée par le Front pour la sauvegarde des acquis démocratiques. Un véritable brûlot aux antipodes des idées reçues véhiculées par une certaine classe politique sur la Lépi qui ne manquera pas de secouer le microcosme politique.
Affirmer et dire en République du Bénin et ce d’une manière très formelle depuis 2005 que les élections doivent se tenir sur la base d’une liste électorale permanente informatisée (LEPI), nous insistons sur la proposition “d’une liste électorale permanente informatisée’’ n’est nullement une décision, ni une injonction encore moins une invention de la Cour Constitutionnelle. Elle est une délibération, un choix libre et souverain de l’Assemblée Nationale, sanctionnée par le vote d’une loi. Dans ces conditions, la LEPI en son principe n’a de caractère ou de valeur juridique dans notre droit positif que celui ou celle d’une loi ordinaire, à savoir une norme législative, dont le Président de la République a concurremment l’initiative avec les membres de l’Assemblée Nationale, en vertu de l’article 105 de la Constitution de 1990.
Par conséquent, elle ne postule aucune exigence ou hiérarchisation normative dans l’ordonnancement juridique de notre Etat de droit, qui soit supra législative, concurrente ou équivalente à la primauté d’une disposition constitutionnelle. Cela étant, clamer ou soutenir que la Cour Constitutionnelle a décidé par sa jurisprudence que désormais au Bénin qu’il n’y aura plus d’élection sans la LEPI est faux et archi-faux. C’est un pieux mensonge ainsi que nous avons été inspiré par cette citation de STENHDAL : « … Les prêtres voyant que les armées françaises menaçaient d’une invasion les Etats de l’Eglise commençaient à répandre le bruit que l’on voyait les statues de bois du Christ et de la vierge ouvrir les yeux ; la crédulité populaire accueillit avec confiance ce pieux mensonge… »In Souvenir d’un gentilhomme italien cf. Le Grand ROBERT définition du mot mensonge (version électronique)
La découverte soudaine de la vaste supercherie de la liste électorale de 2011 par le peuple béninois a, semble-t-il contraint bien d’acteurs de la vie politique nationale à diffuser obstinément ce gros mensonge, afin de couvrir l’inacceptable fuite en avant du parlement instrumentalisé d’une part, et le déroulé d’une nouvelle duperie pour surprendre la vigilance citoyenne comme en 2011, d’autre part.
En effet, depuis quelque mois, plusieurs acteurs politiques et de la société civile dans une scandaleuse aisance discursive clament haut et fort que la Cour Constitutionnelle a irrémédiablement subordonné l’organisation de toute élection en République du Bénin à la LEPI.“Pas d’élection sans LEPI’’ aurait-elle décidé. Cette incantation distillée de manière lancinante dans l’opinion publique, est devenue rapidement le slogan mortifère de toute organisation transparente et à bonne date des élections au Bénin, ce notamment depuis 2013. L’horrible matraquage communicationnel au soutien de cette ignoble fausseté finit par convaincre malheureusement les plus incrédules des concitoyens.
Plus préoccupant, le lourd silence de la haute Cour qui néanmoins depuis quelques temps nous a habitués à ses sorties explicatives et prises de position, même impromptues.
Du reste, quelle est l’économie de la question ? La réponse à cette interrogation va s’articuler autour des deux axes ci-après : le fantasme à découvert (A) et la tromperie du peuple en marche(B). Cette articulation permettra de mettre en perspective les motivations de ce boniment avec les incongruités et pièges du code électoral pour y découvrir le dispositif de fraude en place, dont le double objectif est de perpétuer l’usage d’un simulacre de liste électorale, dite permanente et informatisée en vue d’organiser de frauduleux scrutins.
A) Le fantasme à découvert
Ainsi qu’il a été annoncé dans l’introduction ni le concept d’une liste électorale permanente informatisée encore moins son choix pour servir de base à l’organisation des consultations électorales au Bénin n’a été le fait, ni une prescription constitutionnelle. Ce n’est, non plus une décision de la Cour Constitutionnelle. Cela ne pouvait en être autrement, sauf les survenues des dérives auxquelles nous ont habitués les récentes mandatures militantes de la haute juridiction ces derniers temps. Dans tous les cas, dans aucun pays civilisé, le choix d’un modèle d’une liste électorale ne peut s’imposer au peuple au point de conditionner de façon dirimante l’organisation d’une consultation. La Cour Constitutionnelle d’ailleurs dans un considérant de sa décision DCC 10-049 citée abondamment au soutien du pieux mensonge énonce clairement : “ … que depuis 1999, à la veille de chaque élection, une loi dérogatoire vient prescrire le recours, à titre ponctuellement provisoire à la liste manuelle”, puis elle ajoute : “qu’ainsi, la loi n° 2009- 10 du 13 mai 2009 est la première à organiser la LEPI” ; ….Cela étant, cette dernière proposition de la haute juridiction signifie tout simplement que la loi 2009-10 est la seule qui fournit le manuel de procédure en vue de l’établissement d’une LEPI. Une telle loi résulte des dispositions législatives des articles 4 et 7 de la loi n°2010-33 du 07 janvier 2011 portant règles générales pour les élections en République du Bénin que synthétise plus précisément l’ alinéa 3 de l’article7du Code électoral, ainsi qu’il suit : “La liste électorale permanente informatisée permanente (LEPI) est le résultat d’opération de recensement électoral approfondi (RENA) et de traitement automatisé d’informations nominatives, personnelles et biométriques obtenues sur l’ensemble du territoire national et à l’étranger, dans les ambassades et consulats de la République du Bénin…” Autrement dit, selon la Cour Constitutionnelle la loi 2009-10 par ses dispositions paraît la plus expressive de la modélisation de la liste électorale prescrite par la loi.
Dans ce cas précis, ce manuel de procédure, s’il faut convenir de cette terminologie aux fins d’une meilleure compréhension, n’est pas au fond plus qu’une norme législative et du coup relève des prérogatives exclusives du pouvoir législatif. Plus est, cette loi en soi énonce la procédure de l’établissement de l’outil électoral, qu’est la liste. Ce n’est que la conceptualisation juridique de la LEPI. Partant en quoi peut-elle à ce stade constituer un droit acquis, d’autant plus qu’il faille attendre la mise en application de ses prescriptions pour réaliser l’instrument ? C’est dire qu’à l’époque de la décision de la Cour en 2010, l’établissement de la LEPI était entièrement de l’ordre du virtuel. Il est bien curieux qu’en ce moment la LEPI soit source d’un droit acquis pour la garantie de la transparence en matière électorale. C’est l’une des prouesses imaginative et spéculative de la Cour Constitutionnelle.
Somme toute, il est indéniable que la loi organisant la LEPI à l’instar de toute loi ordinaire est susceptible d’être modifiée, complétée, dérogée et même être abrogée.
De ce point de vue, la décision de la Cour exploitant malencontreusement “l’effet cliquet’’ du juge constitutionnel français demeure critiquable, en tout cas inappropriée. Pour autant, force est de constater que le juge constitutionnel tout en interdisant au législateur d’exercer la plénitude de son pouvoir constitutionnel ne s’est jamais prononcé dans le sens de la prescription “Pas d’élection sans LEPI’’. Cela n’existe nulle part dans le dispositif de la décision indexée, ni dans l’un quelconque des considérants fondateurs de ladite décision. Ce n’est qu’une déduction fautive pour les besoins d’une cause, comme les lignes ci-dessous de la réponse du Président de la République à l’instruction de la Cour, objet de sa décision DCC 14-103 du 27 mai 2014, elle aussi abondamment citée, sont tellement révélatrices : II Disponibilité de la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI). La Cour Constitutionnelle, dans sa décision DCC 10-049 du 05 avril 2010 a dit jugé que ‘’la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la Loi 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du Recensement Electoral Approfondi (RENA) et établissement de la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI), votée le 18 mars 2010 par l’Assemblée Nationale est contraire à la Constitution’’ Il s’en déduit qu’il ne peut plus avoir d’élection au Bénin sans la LEPI. Les Députés dans le but de corriger la LEPI qu’ils estiment erronée, ont prolongé sine die le mandat des Conseillers communaux et municipaux et locaux élus en 2008 par la Loi n°2013-07 du 04 juin 2013 portant dispositions transitoires dérogatoires à l’article 86 de la Loi n°98-OO6… Il est à souligner que la Loi n° 2013-07 du 04 juin 2013, avant sa promulgation, fait l’objet de contrôle de constitutionnalité par votre haute juridiction… »Il se confirme que la Cour Constitutionnelle n’a jamais pris la décision à elle imputée, de même l’origine de cette vague morbide pour la démocratie est découverte aux termes de ces lettres présidentielles. Il est dès lors compréhensible toute l’insidieuse exploitation faite par les auteurs de cette tromperie de la décision DCC 14-103, laquelle passe pour la confirmation de la DCC 10- 049. Au demeurant, par quelle alchimie à l’aulne d’une extraordinaire hypothèse favorable à ce grotesque mensonge, le refus de la Cour Constitutionnelle de faire injonction au Président de la République de convoquer le corps pour la tenue des élections communales, municipales et locales équivaudrait à la mise en application par elle de sa supposée prescription “Pas d’élection sans LEPI’’. Cela parait bien gros pour la logique primaire d’une personne capable de discernement
En résumé, la défense faite aux députés par la Cour leur interdisant d’abroger la loi 2009-10 était tout simplement d’opportunité, sinon abusive. Dans tous les cas, Il est clair que la décision DCC 10-049 dans aucune de ses dispositions n’a édicté la norme “Pas d’élection sans LEPI’’. Non plus, la décision DDC 14-103 du 27 mai 2014 brandie ne comporte une telle disposition. Dans cette dernière décision, la haute juridiction a exprimé une position d’attente. Or, en vérité à l’analyse cette position couvre son incompétence naturelle dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité. En la matière, elle ne peut faire injonction au Président de la République pour convoquer le corps électoral pour les communales municipales et locales. Le principe intangible de la séparation des pouvoirs que complète celui de la compétence d’attribution s’impose radicalement au juge constitutionnel. Aussi convient-il de préciser une fois pour toute que le juge constitutionnel n’est pas une source de droit. De même la Constitution béninoise de 1990 n’a jamais conféré à la Cour Constitutionnelle une compétence générale. Elle ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du législateur. Par conséquent les dispositions de l’article 114 in fine de la Constitution de 1990 ne peuvent ériger la Cour Constitutionnelle en un potentat comme cela se projette, se soutient et se vit au Bénin depuis quelques temps. A cet égard, la mise en application de la mission de régulation de la juridiction constitutionnelle faut-il insister est bien enfermée dans les dispositions de l’article 23 de la Loi Organique sur la Cour Constitutionnelle. Les experts de la matière par ailleurs vont admettre qu’une disposition constitutionnelle ne peut s’appliquer en l’absence, ou en dehors d’une loi organique, ou tout moins d’une loi ordinaire. Dans la présente cause, il y avait visiblement une incontestable méprise, quant à sa saisine par le requérant. Ce qu’elle devait relever d’office en se déclarant simplement incompétente, ou en prononçant l’irrecevabilité du recours. Mais une fois encore hélas !
Dans le cas d’espèce, la requête est relative aux élections communales municipales et locales, par conséquent, le contentieux en cette matière relève constitutionnellement de la Cour Suprême. Il est donc inacceptable de substituer la mission de régulation de la Cour Constitutionnelle à la compétence constitutionnelle du contrôle de la régularité de la Cour Suprême en vertu des dispositions de l’article 114 de notre loi fondamentale. Cela procède d’une violation flagrante de la Constitution de 1990.
Somme toute, il n’existe nulle part une décision de la Cour édictant la norme “Pas d’élections sans LEPI’’ jusqu’à preuve du contraire. Elle n’a jamais pu prendre un tel diktat, qui lui est imputé merveilleusement, sans sa réaction.
Par contre, dans l’hypothèse favorable à ce discours de charlatan, il est toutefois très difficile de s’opposer à l’évidence. Celle-ci permet de découvrir que la Cour Constitutionnelle après avoir imposé au peuple en multipliant des décisions aussi partiales que partisanes pour les tenues des dernières élections majeures de 2011sur la base d’une LEPI inexistante a été finalement contrainte de s’en débarrasser. Elle n’a pas pu s’en servir pour proclamer les résultats desdites consultations. Aussi a-t-elle déclaré sans aucune gêne : “avoir relevé par elle-même le nombre d’électeurs inscrits’’ lors de sa proclamation des résultats provisoires de la présidentielle, le 20 mars 2011. Plus poignant, la Cour dans le préambule de son fascicule intitulé “Election Présidentielle 2011’’, sous la signature de son président avertit formellement le peuple béninois en ces termes : “Les chiffres obtenus à l’issue du délibéré de la Cour servent de fondement à la proclamation provisoire des résultats… Ces chiffres donnés par la Cour sont les seuls officiels pour toute la République et s’imposent à tous”. Le rejet de la LEPI par la Cour est incontestable et constitue un aveu de cette juridiction quant à l’inexistence de la LEPI 2011. Ce n’est qu’un simulacre de liste électorale.
De toute façon, la Cour Constitutionnelle n’a pu s’en servir. Et ce n’est qu’un secret de polichinelle que de lire et de le dire ainsi. La LEPI n’a jamais servi pour les proclamations des résultats des différentes élections majeures de 2011. Cela s’est confirmé d’ailleurs par la promptitude avec laquelle certaines lois, dites correctives ou d’amélioration de la supposée LEPI 2011 ont été successivement validées par la Cour Constitutionnelle, y compris la loi prorogative des mandats des élus communaux et locaux, ainsi que le Code électoral.
Au vu de l’ensemble de ces décisions et comportements de la Haute Cour, il s’avère qu’elle est non seulement convaincue que la LEPI est légalement, techniquement, technologiquement et matériellement inexistante au sens de la loi 2009-10, déclarée par elle comme ‘’la seule loi l’ayant organisé complètement’’, mais aussi, le cas échéant, sa correction est impossible. Aussi-a-t-elle motivé par exemple sa décision EP 11-29 du 07 mars 2011 comme suit : “Considérant qu’aux termes de l’article 5 alinéa 1 et 2 de la Loi n°2009-10 du 13 mai 2009 … ; qu’en outre les articles 23 et 26 alinéas2et 5 de la même loi énoncent…
Considérant qu’il découle de lecture combinée et croisée de ces dispositions que l’établissement de la liste électorale permanente informatisée (LEPI) exige du citoyen l’observance des trois étapes opératoires successives que sont l’étape de la cartographie censitaire, l’étape du recensement des citoyens et l’étape de l’enregistrement des électeurs ; qu’ainsi, aucun citoyen ne peut accéder à la phase suivante s’il n’a pas accompli la phase précédente ; qu’il ressort des éléments du dossier que Messieurs… n’ont pas effectué la première étape de la cartographie censitaire qui donne lieu à la délivrance, par l’organe en charge de recensement, de la carte de ménage, document nécessaire pour l’étape de recensement des citoyens, que dès lors, le ménage des requérants n’ayant pas été dénombré, il ya lieu de dire et juger que les recours de Messieurs… doivent être rejetés”… » Il apparait clairement qu’il n’existe aucune possibilité de rattrapage pour le citoyen qui a été omis à une quelconque étape du processus rigoureusement articulée de l’établissement de la liste. Cette motivation de la Cour Constitutionnelle met en lumière une fois de plus, le caractère hypothétique de toute correction de la LEPI.
Finalement, c’est la Cour Constitutionnelle qui, par ses décisions et interventions, indique au peuple béninois que la LEPI 2011 est factice et de correction impossible.
Dans ces conditions, un audit organisationnel et financier du processus d’établissement de la LEPI 2011et une relecture de la loi 2009-10 s’imposaient et l’on aurait évité aujourd’hui l’impasse actuelle. Mais l’obstination du régime et ses affidés au parlement qui a prévalu empêchait toute initiative proactive, puisqu’il fallait maintenir en place le système frauduleux. C’est dans cette optique que toutes les tribulations et tripatouillages ont été organisés et sont en cours. Le vote du code électoral en est une manifestation poignante.
B)La tromperie du peuple en marche.
Contrairement à l’attente du peuple et malgré les discours flatteurs des laudateurs, le code électoral se laisse découvrir à maints égards sous le prisme d’un véritable scandale.
A l’analyse, l’on constate que ce code vise deux objectifs fondamentaux. Le premier consiste à continuer par faire main basse sur la liste électorale sous le fallacieux prétexte de sa modernisation. Le second a pour but la confiscation du droit de vote du citoyen. Le dispositif du code a été savamment articulé à ces fins. De sorte que, en plus du contrôle de la liste, l’exécutif sous l’ombre de sa majorité agissante au parlement avec quelques autres complicités va contrôler de manière légalisée l’ensemble des opérations électorales en République du Bénin. Dans ce sens le Code électoral manifeste bien d’une loi scélérate.
Sans approfondir outre mesure la réflexion, il importe toutefois de mettre en évidence quelques incongruités et pièges de ce code électoral. Ainsi, une lecture même sommaire de ses dispositions permet de relever entre autres que :
• les actuels travaux sont prescrits par le chapitre III, intitulé : DES DISPOSITIONS TRANSITOIRES RELATIVES AU LIVRE II du code et selon notamment l’article 319, les actions spécifiques et l’organisation à mettre en œuvre visent seulement, à obtenir une version optimale de la LEPI à utiliser pour les élections communales municipales et locales de l’année 2013. Il résulte de ces lettres que visiblement le COS-LEPI n’a pas pouvoir pour établir une liste électorale, mais plutôt, il a pour mission de réaliser actuellement une version optimale de la supposée ancienne LEPI, à l’usage exclusif de la tenue des communales et locales2013. Pas plus ! Ni moins ! Mais le déroulé actuel des travaux et selon l’affirmation du président du Cos-LEPI montrent la reprise d’une LEPI. Lorsqu’il est en outre constaté que le Cos-LEPI en place évolue dans une parfaite illégalité au regard des dispositions in fine de l’article 219 du Code électoral, le caractère illégal de la liste qu’établit actuellement le Cos-LEPI coule de source. De toute évidence, le Cos-LEPI est hors la loi et la liste qu’il est en train de confectionner n’a aucun fondement juridique par conséquent inexploitable au sens du droit,
• nulle part le code n’a jamais défini ni la notion de correction abondamment usitée, encore moins indiquer le mode opératoire de la correction. Par contre, l’article 322 du code électoral confie exclusivement à l’Assemblée Nationale la confection d’une version optimale de la LEPI devant servir pour les communales et locales. Enfin de compte de quoi parle-t-on depuis des mois et qui mobilise tant d’énergie ou nécessite tant d’investissements dans un gouffre financier ?
• la lecture combinée des articles 11, 79, 80 et 216 du code met en évidence la défense faite à l’électeur sauf dérogation pour des personnes ciblées en mission le jour du scrutin de voter en dehors de sa résidence habituelle, pourtant, l’audit participatif a autorisé le contraire. Le code au travers de ses articles 42 et suivants prescrit l’investiture des candidats aux élections par les partis ou alliances de partis,
• grosso modo aux termes de plusieurs articles du code la systématisation du tripatouillage du fichier électoral et de la liste sous le prétexte d’une révision annuelle par le parlement est consacrées.
• Le code a mis en place une grosse machine institutionnelle budgétivore au service d’un “parlement mouvancier’’. La raison d’être de cette machine se lit dans la détermination du pouvoir en place à contrôler de bout en bout tout le processus électoral à travers une maitrise sans faille de la liste électorale. L’objet de la présente réflexion visant à alerter l’opinion sur la trappe qu’incarne ce code, on ne pourra pas aller plus loin, dans la multiplication des cas d’incohérence et des manèges dont il est truffé.
En guise de conclusion de la présente réflexion, il parait précieux de rappeler certains fondamentaux du régime de démocratie des libertés auquel le peuple béninois depuis ses origines est resté toujours attaché.
B.1 Quelques rappels
D’emblée faut-il le faire observer, le présent rappel postule beaucoup plus d’une mise au point quant à certaines affabulations entretenues, notamment sur la signification et la finalité d’une liste électorale.
1.1 L’Etat de droit.
Généralement, l’Etat de droit selon les théories développées par plusieurs auteurs est celui qui respecte et doit respecter les règles et principes prescrits par la Constitution, le pacte social de la société, la Loi fondamentale ou la Loi suprême en vigueur dans l’Etat de droit.
L’Etat de droit démocratique quant à lui se caractérise par la réunion des trois traits distinctifs, ci-après :
a)L’effectivité du choix libre des gouvernants par les gouvernés ;
b) Les gouvernants doivent disposer de capacités décisionnelles suffisantes pour gouverner ;
c)La responsabilité des gouvernants devant les gouvernés dans le cadre d’organisations régulières d’élections et à échéances également régulières.
Il se fait donc que l’Etat de droit démocratique exige in fine la désignation démocratique des gouvernants par les gouvernés. Par conséquent, l’élection apparait dans la modernité contemporaine universelle comme l’unique mode de désignation des gouvernants par les gouvernés. Cela suppose la reconnaissance et l’établissement du droit de vote au bénéfice du citoyen. Par suite, l’exercice de droit de vote exige la réunion de conditions, dont d’une part, l’établissement de la liste électorale, document permanent, et d’autre part, des aptitudes requises du citoyen, constitutives de la qualité de l’électeur ainsi que le prescrit la loi. D’autres exigences complémentaires sont requises le cas échéant, de l’électeur candidat à un mandat du peuple.
I.2. La liste électorale
Dans un Etat moderne contemporain la liste électorale se définit comme le catalogue alphabétique des électeurs. A la vérité, la liste électorale par sa nature est dynamique, tandis que le catalogue est un document statique par convention. La liste électorale sous la forme d’un document permanent a essentiellement deux utilités. C’est ce document qui permet dans un premier temps de déterminer ceux des citoyens qui sont des électeurs. (En France le lieu de rattachement de l’électeur est la commune et l’arrondissement pour les grandes villes comme Paris et Lyon).Dans un second temps, le jour du scrutin il permet de vérifier que celui qui se présente pour voter est un national et jouit effectivement de son droit de vote.
C’est pourquoi la loi exige de l’électeur certaines qualités, lorsqu’elle oblige le citoyen à s’inscrire sur la liste électorale ou s’y maintenir. A l’effet, il est généralement requis de ce dernier des aptitudes civiques, intellectuelles ou psychologiques et morales. Elles se résument à une maturité du citoyen à choisir sans aucune contrainte, en électeur libre, capable légalement, jouissant de ses facultés mentales et morales.
Partant, il apparaît qu’à la vérité les mineurs en général ne sont pas concernés par les élections. En d’autres termes, le droit de vote est véritablement ouvert à une personne légalement, psychologiquement et moralement accomplie comme la loi l’exige.
De ce point de vue, l’établissement d’une liste électorale respectueuse d’un formalisme juridique et technique ne peut souffrir de manipulations politiciennes, ni d’amateurisme technique ou technologique. De même, le document portant liste électorale sous ses diverses formes est soumis à des traitements très réglementés durant sa validité conventionnelle. Il doit être mis à l’abri des manipulations et interventions correctives intempestives.
Il se fait donc qu’en opposant au peuple cette supposée décision de la Cour Constitutionnelle, on tente vainement de justifier l’inaction coupable du parlement à prendre une loi dérogatoire pour établir une liste électorale fiable et à bonne date. Dans une logique sous-jacente se profile le plan machiavélique consistant à imposer au peuple la LEPI 2011 sous les oripeaux d’une correction et actualisation, que l’on sait soi-même impossible, en vue d’organiser les législatives 2015. Ayant conduit inexorablement le peuple dans une impasse calendaire sous les manœuvres dilatoires du COS-LEPI, il ne restera que constitutionnellement, l’unique possibilité de la tenue, sous contrôle, des législatives. De suite, la prochaine configuration du parlement sera maîtrisée et bravo la révision opportuniste de la constitution avant 2016. Le peuple sera de nouveau dupé par la faute de ses enfants insatiables et inconséquents.
Au total, il est regrettable qu’au moment où le peuple célèbre le vingt quatrième anniversaire de la Constitution, qu’une certaine classe politique s’évertue à confisquer le droit de vote du citoyen pour des intérêts bassement personnels. Il est temps de cesser de mentir au peuple.
Oladé O. Moïse LALEYE, Professeur de Droit Public et Science Politique à l’Université d’Abomey-Calavi.