Il n’est point un secret pour personne que depuis plusieurs semaines, flics et étudiants se défient sur le campus d’Abomey-Calavi. La pomme de discorde entre étudiants et autorités rectorales reste la question de la double inscription. Chacun est campé sur sa position et on est loin d’imaginer la fin de la crise. Nous avons reçu en interview, l’un des responsables étudiants en la personne de Davi Kodjo Kévin. Il nous parle de la situation actuellement sur le campus.
Depuis quelques semaines l’université d’Abomey-Calavi est secouée par des évènements, c’est-à-dire des affrontements entre étudiants et flics. Cela est dû à quoi réellement ?
Vous avez vu de loin, il a effectivement des mouvements sur le campus d’Abomey-Calavi. Ceci est dû uniquement au paiement de
la double inscription et des reprises. Hors, ceci est un acquis depuis 2008, où le gouvernement même a fait sortir un décret. Nous savons que tous les étudiants non secourus et non boursiers ne doivent pas payer les inscriptions.
C’est le gouvernement qui prend ça en charge. Mais depuis l’année passée, l’équipe rectorale de Brice Sinsin a essayé d’étouffer ce décret en inventant un faux décret. C’est à cause de cela que l’année passée, il y a eu des mouvements sur des mouvements jusqu’à ce que le ministre de l’enseignement supérieur était obligé de prendre ses responsabilités pour dire que les étudiants ont raison. On avait pensé que c’était fini. Mais cette année encore, les mêmes choses sont revenues. Pour cette fois, on exige le paiement des doubles inscriptions mais également le paiement des reprises. Alors qu’on sait qu’il y a un système qui est introduit maintenant qu’on appelle LMD (Licence Master Doctorat), qui ne respecte pas l’ancien programme. C’est au nom de ces anciens programmes que les inscriptions se font. Quand on prend aujourd’hui les camarades étudiants qui sont dans les écoles (comme l’ENAM, l’ENEAM, la FSS, la FSA etc. Ndlr), la double inscription devient quelque chose de spéciale pour eux. Ils doivent forcément s’inscrire avant de bénéficier des allocations pour ceux qui remplissent les critères. C’est pour cela que nous, on a dit non.
C’est à travers un arrêté que le rectorat veut faire imposer cette mesure, et nous devons voir claire dans cette affaire. Parce que, ce que nous savons, on ne peut pas prendre un arrêté pour annuler un décret gouvernemental. Il n’y a qu’un autre décret gouvernemental
qui puisse abroger les dispositions précédentes, là on saura que c’est le gouvernement qui décide. Tant que cela ne sera pas fait et c’est le rectorat seul qui va prendre ses dispositions, nous, on est prêt à lutter jusqu’au bout. Donc voilà ce qui occasionne les mouvements sur le campus.
Aujourd’hui le rectorat est campé sur sa position, les étudiants également. Si la situation allait de mal en pis que comptez-vous faire ?
Le jeudi surpassé, il y avait eu une séance de travail qui a réuni les responsables étudiants. Le directeur de la Dbsu, le conseil rectoral, les syndicats de l’enseignement du supérieur. On a échangé le jour-là et, aucune organisation syndicale n’était d’accord avec tout ce qui se passe. Il a été proposé qu’on réinstalle une nouvelle commission pour se pencher sur la situation. Et pour cela, on avait
décidé lors de cette séance qu’on suspende d’abord les inscriptions et que les hommes en uniforme quittent le campus, parce que ça aussi constitue un point de revendication. On avait accepté que tout cela sera fait, mais nous, on a constaté que c’est du dilatoire. Rien
n’a été respecté. Si c’est que cela était respecté, il n’y aurait plus de
mouvements sur le campus.
Le rectorat tient responsable le gouvernement qui a pris le décret, et donc il est le seul qui peut décanter la situation. Vous acceptez cela ?
Le recteur sait ce qu’il fait. C’est un faux décret. C’est depuis l’année passée que nous avons sorti plusieurs communiqués pour démontrer que le décret est faux et que cela ne correspond à rien. Même les aînés des syndicats de l’enseignement ont reconnu que ce décret ne porte pas. Nous avons vu le décret gouvernemental, mais ce que le rectorat nous présente, ce n’est pas ça.
Si le gouvernement se met dans la danse et abroge le décret précédemment signé, qu’allez-vous faire ?
Laissez-moi vous dire qu’un acquis c’est un acquis. Le paiement des doubles inscriptions, c’est une invention. Le non-paiement c’est déjà un acquis on ne peut plus revenir sur ça. Si le gouvernement tente d’aller dans le même sens que le rectorat, on ferme l’université et puis c’est fini. C’est depuis 2008, que c’est devenu un acquis et ceci grâce à des luttes. Donc on ne peut plus revenir en arrière. Nous, nous sommes prêts à aller à la fermeté.
Mais quand on suit l’équipe rectorale dans son raisonnement, c’est que cette affaire de double inscription a d’énormes conséquences qui créent un manque à gagner pour l’Uac. Des étudiants s’inscrivent mais ne viennent pas composer. Vous ne voyez pas qu’il y a aussi quelque chose qui ne va pas au niveau des camarades étudiants ?
Je crois que tout ça, c’est des inventions pour pouvoir décourager les étudiants dans leurs mouvements. Comment un étudiant peut s’inscrire dans une faculté et ne pas aller composer ? Moi je faisais
partie du conseil des étudiants de la Flash et on leur avait demandé de nous donner le nom de ces camarades qui se sont inscrits et qui ne sont pas venus composer. Mais on a constaté que c’est du faux. L’ancien système et le LMD ont des choses en commun, mais au fait, ils ont embrouillé les choses. En LMD par exemple ils parlent de crédit et plein d’autres choses. Il y a même des professeurs qui ne sont pas bien outillés par rapport à ce système. L’application de ce système fait que des camarades redoublent en pagaille. On a conclu que le LMD n’est pas adapté aux réalités du terrain. Ce système ne doit pas être appliqué à un grand effectif. Alors qu’à
l’Uac, nous dépassons 100. 000 étudiants. Normalement on doit tenir compte de tout ça avant de commencer. C’est ça qui fait que après les inscriptions, beaucoup de camardes ne maîtrisent pas la suite. Ils sont étonnés d’apprendre qu’ils doivent encore faire une inscription pédagogique. A ce niveau, on crée encore de faux vrais. Et quand tu ne le fais pas, c’est que ton nom et tes notes ne sortent pas.
Il y a quelques jours on a appris la mort d’un étudiant lors des affrontements. Vous confirmez ?
Oui, c’est l’étudiant Miwanou René de la 2e année de philosophie. C’est suite aux tortures des policiers qu’il a succombé
Mais lors d’une conférence de presse, le secrétaire général de l’Uac Léon Bani Bio Bigou et le vice-recteur chargé des affaires académiques ont dit que cet étudiant n’était pas sur le campus au moment des manifestations.
Ces gens-là ne sont pas sur le terrain, ils sont dans leurs bureaux. Nous nous sommes sur le terrain et voyons ce qui se passe. Nous avons les preuves, des gens ont même filmé. L’étudiant était venu sur le campus, il ne savait même pas qu’il y a affrontement le jour-là. Il allait au niveau du centre commercial et les policiers l’ont attaqué. Ils l’ont frappé jusqu’à ce qu’il vomissait du sang. Des gens ont même témoigné. Je ne sais pas ce qui se passe maintenant et ils nient les faits. Ça sent du dilatoire. En tout cas le rectorat a mis sur pied une commission d’enquête. Nous poursuivons nos enquêtes aussi pour que jaillisse la vérité.
La situation est comment sur le campus actuellement ?
Nous nous sommes campés sur notre position. La dernière fois on devrait mettre de l’eau dans nos vins afin que l’autorité joue sa partition, mais nous avons vu que l’autorité a déjà boycotté le processus. C’est pour cela que nous sommes en train de lancer d’autres initiatives et dans les prochains jours, il y aura d’autres mouvements plus endurants. Si rien n’est fait, dans quelques jours, l’université sera encore au feu.
Un mot pour conclure
Les autorités rectorales doivent revoir leurs copies afin qu’il y ait la stabilité dans notre université. Ce n’est pas de notre gré d’être souvent en mouvement. Il faut suspendre les inscriptions et dialoguer.