Depuis plusieurs mois déjà, les seules sorties publiques au cours desquelles Me Jacques MIGAN, ancien Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Bénin ne parle de la nécessité d’organiser les élections avec une loi dérogatoire, restent les activités du Centre International en Afrique de Formation des Avocats Francophones A plusieurs reprises par divers canaux, le Bâtonnier Jacques MIGAN a invité la représentation nationale à prendre ses responsabilités par le vote d’une loi dérogatoire pour mettre fin à l’impasse électorale dans laquelle végète le Bénin depuis plus d’un an. Le président de la Cour Constitutionnelle, le professeur Théodore HOLO vient de lui donner raison il y a seulement 24 heures. Et, le Bâtonnier revient à la charge…
Le cours normal du processus électoral est le principal indicateur de la vitalité démocratique d’un pays. Au Bénin, on note depuis près de deux ans le blocage du processus électoral justifié essentiellement par l’inexistence d’instrument fiable devant conduire à l’organisation crédible et transparente des élections.
D’aucuns avaient suggéré la possibilité de se passer de la liste électorale permanente informatisée (Lépi) pour organiser les élections. A cette fin, l’Assemblée Nationale a voté une loi (loi 2012 – 12) portant abrogation de la loi n° 2009 – 10 du 13 mai 2009 ayant institué le Recensement Electoral National Approfondi (RENA) et de la loi du 18 mars 2010 établissant la liste électorale permanente informatisée (LEPI).
A la suite du vote de cette loi, le gouvernement et certains députés de la mouvance avaient saisi la Cour constitutionnelle d’une requête tendant à faire déclarer par ladite Cour l’inconstitutionnalité de la loi abrogeant la LEPI.
Dans l’exercice de son pouvoir d’opportunité, la Cour Constitutionnelle a, par décision en date du 5 avril 2010, conclu à l’inconstitutionnalité de la loi N° 2010 – 12 portant abrogation de la loi instituant la LEPI. Ce faisant la Cour Constitutionnelle a réaffirmé (voir sa décision DCC 09 -107 du 10 septembre 2009) le besoin permanent pour le peuple béninois de se doter d’une liste crédible, transparente et efficace d’organisation des élections, ce d’autant que depuis 1999, toutes les lois portant règles générales pour les élections en République du Bénin ont affirmé le principe de la LEPI et du RENA et en ont même fixé avec précision le contour général.
La haute juridiction constitutionnelle avait conclu que la suppression de cet outil serait un recul pour la vitalité de notre démocratie.La Cour en sa qualité de garant de la constitution et en vertu de son rôle de gardien de la loi avait l’obligation de veiller à ce que la loi qu’elle a déclarée conforme à la constitution soit respectée et appliquée.
La sortie de l’impasse relève de l’initiative concurrente des députés de l’Assemblée Nationale (proposition de loi) et du gouvernement (projet de loi), car pour contourner la décision de la Cour Constitutionnelle, il suffit que l’Assemblée Nationale vote une loi dérogatoire pour éluder l’application de l’article 5 du code électoral.
Ce dispositif prévoit, au premier alinéa, que : « L’élection a lieu sur la base d’une liste électorale permanente informatisée (Lépi). » cette loi ayant été déclarée conforme à la Constitution, la Cour, ne peut donc plus se dédire en demandant d’organiser les élections sans la Liste électorale permanente informatisée (Lépi). Cette position que nous avions défendue dans nos précédentes réflexions a étéconfirmée par le Président de la Cour constitutionnelle aux hommes des médias en marge de la tenue du séminaire portant sur le « contentieux électoral et les médias » (Voir le quotidien Le Matinal du 22 décembre 2014).
Il est désormais constant qu’il appartient aux députés et au gouvernement qui exercent concurremment l’initiative des lois de résoudre la grave crise politique qui s’est installée.
Ils peuvent le faire en modifiant ou en abrogeant les dispositions de l’article 5 du code électoral sus-cité.
Une telle solution est fondée sur un précédent. Cette pratique législative a déjà été appliquée le 20 décembre 2005.
En effet, en décembre 2005, alors que le Bénin devait organiser en mars 2006, les élections présidentielles, cette organisation des élections se heurta au respect du délai de 6 mois prescrit par la loi électorale en vue de l’organisation du Recensement Electoral National Approfondi (RENA).
Pour éviter l’impasse (le mandat du Président étant un délai préfixe, non susceptible de modification, ni de prorogation), le délai prescrit par la loi électorale ne pouvant plus être respecté, les députés ont procédé le 20 décembre 2005 à la suspension du Recensement Electoral National Approfondi (RENA)pour permettre la tenue à bonne date des élections en 2006.
Saisie, pour apprécier la constitutionnalité de cette loi qui a suspendu le RENA, la Cour Constitutionnelle par décision en date du 27 décembre 2005 a jugé conforme à la constitution la loi 2005 – 41 portant suspension pour l’élection présidentielle de mars 2006 par la loi n° 2005 – 14 du 28 juillet 2005 portant règles générales pour les élections en République du Bénin.
Fort de cet antécédent et pour éviter tout blocage qui pourrait provoquer une situation politique très tendue et assurer des élections transparentes, la LEPI ne pouvant plus être corrigée faute de moyens, il est du devoir des députés de voter une loi modifiant ou abrogeant la loi instituant la LEPI dite complète.
Cette mesure préventive constituera un palliatif contre tout blocage. Concrètement, il faudra revenir à l’état d’avant l’institution de la Lépi et prévoir une loi dérogatoire qui servira de base à l’organisation des élections comme ce fût le cas en 2001 et en 2006.
Cette solution sera sans nul doute entérinée par la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle sera saisie pour se prononcer éventuellement sur la conformité de ladite loi à la constitution. Car à la vérité, l’objectif recherché en définitive, est de limiter au maximum le manque de transparence liée à l’organisation des élections qu’elles soient communales, législatives ou présidentielles sur la base de la LEPI.
Par ailleurs, face à l’urgence, deux mesures supplémentaires paraissent nécessaires pour donner de l’efficacité au vote de cette loi dérogatoire : la suppression du Cos-Lépi, institution budgétivore et inefficace d’une part, et la convocation par le gouvernement du corps électoral, d’autre part.
Avec la suppression du Cos –Lépi, l’organisation pratique des élections serait confiée à la CENA.
Ainsi, la convocation par le gouvernement dès à présent du corps électoral mettra les députés en face de leurs responsabilités afin qu’ils s’acquittent de leur mission, savoir le vote de la loi dérogatoire.