Nous voulons des élections ! Depuis le 9 janvier dernier avec la décision Dcc 15-001 de la Cour constitutionnelle, les sept sages ont sorti de leur gibecière la potion magique pour dissiper les gros nuages qui s’amoncelaient dans le ciel de l’organisation des élections au Bénin. Maintenant, le doute n’est plus permis. Les élections communales auront bel et bien lieu en 2015. Et ceux qui craignaient les pires scenarii en ce qui concerne les législatives peuvent dormir tranquille. Il n’y aura pas d’Assemblée nationale constituante entre 2015 et 2016. C’est l’essentiel. L’impasse est évitée. Pourtant, il y a encore des Béninois qui n’hésitent pas, par rapport à la dernière décision de la Cour, à verser l’eau du bain et le bébé. Sans faire la part des choses et d’abord rendre à César ce qui est à César, ils reprochent à cette décision d’avoir mis entre parenthèses le dialogue politique et d’avoir ordonné à la Cena d’organiser les prochaines élections sur la base de la liste de 2011 si le Cos-Lépi ne boucle pas sa correction avant le 15 janvier. Comparaison n’est certes pas raison. Mais que valent le dialogue politique et l’ordre des élections devant la nécessité d’aller aux urnes pour élire ses dirigeants ? C’est l’essence même de la démocratie et c’est le plus important. Mieux, devant l’impasse qui se dessinait, on est même tenté de dire que peu importe que la liste soit corrigée ou non.
Pour autant, cela ne veut pas dire que les remarques des uns et des autres ne sont pas pertinentes et que tous les patriotes n’ont plus intérêt à croiser les doigts pour que le Cos-Lépi tienne parole et qu’en dépit de la décision de la Cour, le dialogue politique ne soit pas rangé aux oubliettes. Ce qui est certain, il n’y a pas ce Béninois qui ne souhaite pas que la liste corrigée ne soit pas disponible pour les prochaines élections. Mais, cela suffit-il pour gloser sur une décision libératrice qui a l’art de mettre tous les acteurs impliqués dans l’organisation des élections dans le même panier ? Qui a intérêt à entretenir une polémique inutile et à jeter l’opprobre sur la Cour quand on sait qu’à tous les niveaux du processus, les acteurs ont péché ? Qui est à condamner si le Bénin en est là et si l’impasse advenait ? A moins que certains feignent d’ignorer les priorités de l’heure que sont les élections, il est clair que les sept sages ont fait ce qu’ils avaient de mieux à faire.
La priorité : éviter le pire
En effet, si le législateur, le Cos-Lépi et l’Exécutif avaient convenablement joué leur partition, le peuple n’en serait pas à se poser autant de questions sur le pourquoi de la non organisation des élections à bonne date et à les réclamer. La Cour non plus n’aurait pas eu l’occasion de rappeler aux acteurs politiques qu’elle a des prérogatives et que face à l’imminence de l’impasse, elle a le devoir de prendre ses responsabilités. Elle les a prises. Tout le monde n’est pas content. C’est le contraire qui aurait étonné. Mais, que peut-on reprocher à la Cour quand soi-même on n’a pas été à la hauteur de la tâche républicaine qui est la correction consensuelle de la Lépi ? Les acteurs politiques, qu’ils soient de la mouvance présidentielle ou de l’opposition, n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Ils ont pris tout leur temps à faire de la politique politicienne, à privilégier leur intérêt au détriment de ceux du peuple et à faire courir à la démocratie béninoise, le risque d’une mort par asphyxie. L’arbitre constitutionnel n’a fait que constater dans le processus électoral les antijeux et les siffler avec les cartons appropriés aux joueurs fautifs. Qui dit mieux ?
Les politiques libérés par la Cour
Maintenant, à chacun son appréciation des cartons. Il ne nous revient pas de répondre à ceux qui pensent que la Cour a privilégié un camp au détriment de l’autre. Peut-être sont-ils dans le secret des dieux. Mais, il y a une certitude : la Cour n’a pas failli dans ses prérogatives. Les Béninois peuvent être rassurés. Holo et ses collègues veillent. Et, ils ont démontré à merveille à ceux qui pensent qu’ils pactisent avec le diable, qu’ils sont bien debout dans leurs bottes, déterminés à veiller au bon fonctionnement des institutions de la République et surtout sur la démocratie béninoise.
Le moins qu’on puisse dire aux lendemains de la dernière décision de la Cour, c’est que la situation électorale est décantée. Les acteurs politiques savent désormais à quoi s’en tenir. Et ceux d’entre eux qui ont de véritables ambitions politiques doivent comprendre que la page des inquiétudes, des incertitudes est tournée et qu’ils doivent dorénavant se concentrer sur le travail sur le terrain. Les élections, c’est déjà demain et la vraie bataille, ce n’est pas d’obtenir un tel ou tel ordre d’organisation des élections. Mais d’avoir le privilège de pouvoir y participer et de convaincre les électeurs en vue d’en sortir vainqueur. La Cour Holo a fait ce qu’elle avait à faire pour ouvrir le boulevard des élections à ceux qui, jusqu’ici, disaient qu’ils en étaient assoiffés. Que reste-t-il ? Rien. Sauf que de dire merci à la Cour Holo et lui demander de continuer, au besoin, à casser des œufs pour faire des omelettes nécessaires pour la survie de la fragile démocratie béninoise.