Il y a quelques semaines, notre compatriote et ami Benoît ILLASSA avait envisagé voire souhaité cette hypothèse. Voilà que cela revient sous forme de « confidentialité » ! Pourquoi pas ? Après tout n’importe quel citoyen béninois a le droit de se présenter à la magistrature suprême. Aussi Patrice TALON en a bien le droit comme tous les autres candidats déjà déclarés et ceux qui se tapissent encore dans l’ombre. Mais par-delà ces supputations, la question mérite d’être posée.
Il y a quelques semaines, notre compatriote et ami Benoît ILLASSA avait envisagé voire souhaité cette hypothèse. Voilà que cela revient sous forme de « confidentialité » ! Pourquoi pas ? Après tout n’importe quel citoyen béninois a le droit de se présenter à la magistrature suprême. Aussi Patrice TALON en a bien le droit comme tous les autres candidats déjà déclarés et ceux qui se tapissent encore dans l’ombre. Mais par-delà ces supputations, la question mérite d’être posée.
Mon parcours tant universitaire, associatif, militant que politique de ces quarante dernières années et surtout les responsabilités diverses et variées que j’ai assumées à des niveaux très élevés ces vingt dernières années, m’amènent à prendre les choses avec beaucoup de recul et à introduire beaucoup de nuance et de réserves dans les événements qui se bousculent quotidiennement à nos yeux surtout quand les médias dominants les orientent toujours dans le sens souhaité par les puissances politiques et d’argent qui les financent.
Aussi, je poserai le problème différemment. En quoi une possible candidature « TALON » peut se différencier des autres candidatures déclarées ou potentielles ? Certainement pas dans les professions de foi que chaque candidat confie à des bureaux d’études et paie des communicants pour nous les « vendre ». Je le dis d’autant que mon expérience de la politique française m’amène aujourd’hui à dire que même cette démocratie très ancienne et effectivement très républicaine, a perdu ses meilleurs principes depuis que sa classe politique dominante, de droite comme de gauche, a découvert les lambris dorés des palais de la République que les vents dominants de la mondialisation ont transformé en lieux de jouissance. Les promesses électorales sont très vite oubliées dès qu’ils viennent aux « affaires » car la politique est devenue une « affaire » que les puissances d’argent confient aux « politiques ».Très souvent, c’est le peule qui est verni et trinque.
Sous les tropiques, c’est encore pire car les « sous-préfets » que les dirigeants du Nord installent n’ont même pas l’intelligence d’exercer avec un minimum de cohérence le pouvoir qu’on leur confie en fonction de leur allégeance et qu’ils découvrent souvent par hasard. Ils s’installent en bons « rois nègres » et obéissent dès que ceux qui les ont installés claquent du doigt. Ils ne se rendent même pas compte qu’ils sont à la tête de pays qui peuvent avoir des intérêts. De temps en temps, leur peuple les ramène à la raison comme en 1990 au Bénin avec la première « Conférence Nationale » qui obligea MITTERRAND à convoquer « sa conférence de la Baule » quelques mois plus tard pour dire à ses « sujets » d’avoir une ouverture pour quelques années avant que l’habitude ne reprenne le dessus ou au Burkina Faso avec les deux journées insurrectionnelles de la fin du mois d’octobre 2014 qui ont amené le protecteur de COMPAORE à l’extirper de la colère dévastatrice de son peuple.
On aura compris que les candidats aux présidentielles sous les tropiques sont souvent des « individus seuls » qui ne doivent surtout pas s’embarrasser d’un parti politique ayant une idéologie encombrante discutée et arrêtée par vote démocratique des instances du parti. Les acteurs politiques ont pris l’habitude de créer leur propre parti pour négocier de futurs postes ministériels. Aussi s’étonne-t-on que nos Républiques bananières disposent de plusieurs centaines de partis politiques dont le rayonnement ne dépasse pas souvent le village des acteurs ou certains quartiers de ville.
Par contre une fois le président élu, tout le monde se retrouve dans le même parti surtout pour « aller mieux boire à la rivière financière » des subsides et autres prébendes qu’accordent les puissances d’argent à l’heureux élu. Le résultat de cette gabegie est tellement catastrophique que cinquante ans après les indépendances nominales des années soixante accordées aux États francophones d’Afrique, aucun d’entre eux n’a connu un développement économique et social susceptibles d’élever un tant soit peu le niveau de vie de leurs populations.
Il suffit de visiter les capitales des pays africains francophones pour voir l’étendue du désastre : pas de routes dignes de ce nom, pas de chemin de fer même le réseau colonial n’a pas su être maintenu et entretenu, pas d’industries même de transformation, des hôpitaux très peu équipés dont la salubrité laisse à désirer, des universités demeurées de gros lycées où les technologies et la recherche sont rudimentaires, des étudiants formés émargeant plutôt au chômage parce que l’insertion professionnelle est un langage inconnu pour ces dirigeants, etc. Enfin, quand ils arrivent au pouvoir, c’est pour y rester à vie avec la possibilité de le léguer à leurs progénitures y compris douteuses. Dans ces royaumes-là, c’est la loi du profit maximum. Quand il leur arrive d’être contraint de quitter le pouvoir, on s’arrange pour que le successeur soit un affidé qui enterre les affaires scandaleuses comme l’affaire FAGBOHOUN, peut-être ICC Service et autres CENSAD demain !
Un peuple pauvre a des cadres pauvres. A part quelques rares candidats qui sont venus à la politique après s’être enrichis sous d’autres cieux, la quasi-totalité des autres sont « tuteurés » par les anciennes puissances coloniales surtout s’ils ont bien fait ce qu’on attendait d’eux dans des banques (BOAD, Banque Mondiale, FMI, etc.). Ainsi ce sont ces institutions qui désignent les candidats qui sont bons pour leur pays et elles leur donnent la manne financière nécessaire pour se faire élire non seulement par achat de conscience mais surtout pour trouver les moyens de trafiquer les résultats. Ensuite les hommes d’affaires qui s’enrichissent sur commandes publiques prennent le relais.
D’ailleurs les mauvaises langues imputent le financement de la deuxième campagne de YAYI BONI conduisant au fameux KO technique à Patrice TALON, lequel sans doute pris de remords, n’aurait pas voulu accéder dans la foulée au souhait d’achat des consciences des députés en vue de changer la constitution pour un troisième mandat ; cela aurait conduit à la colère du roi et à l’exil forcé du faiseur de roi. Nous savons ce qui advint par la suite : rocambolesque complot où l’aéroport CDG serait devenu une place tournante d’éléments radioactifs présentés à la télé avec des mains protégées par des gants en plastique, ce qui n’émeut nullement le commissaire de son État malgré la surprise du journaliste éberlué par une telle légèreté de présentation de preuves douteuses !
Si tout cela était vrai, pourquoi continuer de financer une tierce personne qui n’aurait même pas la reconnaissance du ventre et ne pas se présenter soi-même aux présidentielles ? Patrice TALON est suffisamment intelligent pour se poser cette question.
Il est vrai que le métier d’homme politique est bien différent de celui d’un homme d’affaires, si tant est que la politique fût un métier mais en Afrique les hommes politiques ont-ils conscience d’exercer un métier où la considération de l’intérêt général devrait en être la boussole ?
Plus sérieusement, pourquoi une candidature de TALON peut paraître légitime :
• Il n’est interdit à aucune catégorie socio-professionnelle de se présenter en citoyen libre à une élection quelle qu’en soit la nature dès lors qu’il jouit de ses droits civiques.
• Parce qu’au Bénin et en Afrique en général, un parti se réduit à son leader qui en détermine l’idéologie et le financement, les hommes politiques avaient l’habitude de nous vendre leur activité professionnelle notamment si elle relève des finances (Banque Mondiale/FMI pour SOGLO, BOAD pour YAYI BONI, BOAD pour ABT dont la candidature devient évanescente avec la disparition de son mentor le Burkinabé Blaise COMPAORE etc.) ou de l’armée comme le Général GBIAN qui se positionne ou de l’université pour tel ou tel Professeur. En quoi alors les activités professionnelles que Patrice TALON a exercées le disqualifieraient – ils surtout qu’elles l’ont amené à connaître mieux que le citoyen lambda toutes les arcanes du pouvoir avec une expérience très utile pour une meilleure sinon une autre gouvernance ?
• Une campagne électorale coûte de l’argent, ce qui fait de nos gouvernants des chiens en laisse des bailleurs de fonds occidentaux qui prennent soin de sélectionner les plus dociles malheureusement les plus nuls pour la fonction. M. TALON doit en savoir quelque chose.
Par voie de conséquence on peut penser qu’avec Patrice TALON, sa surface financière qu’il lui arrivait de mettre à disposition des politiciens non reconnaissants le mettrait plus à l’abri des chantages de l’ancienne puissance coloniale qui a bien conscience que la perte des richesses du sous-sol africain signera son décrochage du cercle des pays du G8 et la condamnerait à ne plus avoir les moyens financiers de sa politique économique. Cela pourrait être le début d’une politique de coopération équilibrée avec prise en compte des intérêts des pays du Sud. Mais cela sera surtout bénéfique pour le budget national béninois car on peut penser que celui qui n’a plus beaucoup soif ira moins souvent « boire à la rivière ».
• Par ailleurs, un candidat comme Patrice TALON issu du monde de l’entreprise comprendra mieux que quiconque qu’un État a besoin de ses propres citoyens chefs d’entreprises surtout ceux qui ont réussi, pour construire leur pays et accompagner les projets de développement, d’abord parce qu’ils sont sources de soutien financier à l’investissement qui rendra le pays moins dépendant des banquiers en général, de la Banque Mondiale et du FMI en particulier qui ne sont pas des philanthropes ; puis même si les chefs d’entreprises locaux « se font de l’argent », tout ne prendra pas le chemin de l’étranger comme actuellement et les retombées dans l’économie locale feront le bonheur des Béninois. On ne peut pas ne pas penser au dernier scandale où l’investisseur autochtone Samuel DOSSOU-AWERET s’est vu retirer le marché de l’Épine Dorsale relative à la construction du chemin de fer Cotonou – Parakou – Malanville alors qu’il en a fait toute l’étude préalable, au profit de l’étranger BOLLORE déjà maître à bord de tous les ports de l’Afrique occidentale dont le seul intérêt est d’assurer ses arrières pour rapatrier son uranium du Niger par le Bénin ou la Côte d’Ivoire au cas où l’un des deux pays deviendrait moins sûr. De plus, il est proprement ahurissant de donner tout un marché de construction du chemin de fer du Bénin en Côte d’Ivoire par le Niger et le Burkina Faso à un seul opérateur ! Il faut être des Chefs d’État complètement asservis pour ne pas avoir l’intelligence de comprendre qu’ils s’installent dans un chantage permanent de l’opérateur unique qui pour toute raison injustifiée peut arrêter à tout moment les travaux.
• Ce serait de plus l’occasion de donner un peu plus de lueur d’espoir et surtout de confiance à investir davantage encore chez eux aux quelques rares autres chefs d’entreprises comme Sébastien AJAVON, Président du Conseil National du Bénin (CNPB), aujourd’hui contraint de beaucoup plus développer ses affaires ghanéennes que béninoises.
• Enfin, un candidat à la présidence de la République qui n’a pas de parti couvrant l’étendue du territoire gagnerait à avoir une notoriété incontestable et soit connu. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Patrice TALON ayant fait ses preuves dans le domaine du coton notamment et autre PVI avec la création de milliers d’emploi n’est pas un inconnu des forces vives et actives du pays. Les centaines de Béninois qui ont perdu leur emploi n’attendent que son retour.
Il y a sans doute d’autres raisons qui rendent légitime une candidature TALON. Dès lors Info ou Intox, je crois plutôt qu’une telle candidature est une hypothèse tout à crédible, sérieuse et intéressante que je soutiendrai volontiers si l’intéressé se décidait. Pour le reste, il faudra qu’il s’entoure dans tous les compartiments de gestion d’un État, d’équipes solides intellectuellement avec une probité sans faille, sérieuses, bosseuses, expérimentées et ayant un sens aigu de l’intérêt général.
Faustin AÏSSI
Professeur émérite de
l’université du littoral côte d’opale (ULCO)
Communauté d’universités et d’établissements
de Lille - Nord de France (COMUE-LNF)
B.P. 70008 59651 Villeneuve d’Ascq Cedex
faustin.aissi@outlook.fr