Il n’est de semaine sans que le groupe sunnite pour la prédication et le djihad - Boko Haram, le mouvement islamiste qui sème la terreur au Nigeria et au Cameroun -, ne fasse parler de lui. Mais aucun pays de la région ne semble disposer des moyens militaires pour en venir à bout. Le Bénin semble être dans la configuration militaire actuelle, le pays le plus vulnérable à une attaque...
Où la milice d’Abubakar Shekau passe, il ne reste que désolation.
Selon un récent rapport, la campagne de terreur menée par le mouvement insurrectionnel nigérian est à l’origine de près de la moitié de tous les décès civils enregistrés en 2014 dans les zones en guerre du continent.
Les combats auxquels le nom de Boko Haram est associé ont causé la mort de 6347 civils en 2014, a déclaré l’Acled (Armed Conflict Location and Event Data Project), une organisation qui utilise les médias pour contrôler la violence dans les conflits.
L’attaque de Baga, une localité du nord du Nigeria, perpétrée le 3 janvier dernier par Boko Haram, a fait 2000 morts.
Il s’agissait probablement de l’attaque la plus meurtrière perpétrée en une journée par le mouvement islamiste.
Crime contre l’humanité
Réagissant à l’horreur, le secrétaire d’Etat américain John Kerry, avait déclaré:
"Le massacre qu’ils ont récemment perpétré est un crime contre l’humanité, rien de moins. C’est une horrible boucherie et Boko Haram continue de poser une menace sérieuse, non seulement pour le Nigeria et la région, mais pour l’ensemble de nos valeurs et notre sens de la responsabilité en ce qui concerne le terrorisme."
Pourtant, au Nigeria, comme dans les grandes capitales de la région, la vie semble suivre son cours sans que quiconque mesure la gravité de la situation.
Au Nigeria-même, tant qu’Abuja, la capitale, n’est pas directement prise dans la tourmente des attentats meurtriers, ce qui se passe dans ce Nord lointain semble relever d’un scénario de film du Far West américain.
A Yaoundé, on est moins en joie, depuis que les insurgés ont montré leur capacité à s’infiltrer en territoire camerounais, qu’ils tiennent plus ou moins comme leur cour de récréation.
Par pragmatisme – Boko Haram opère à quelques centaines de kilomètres seulement de la frontière tchadienne -, mais aussi dans le souci de tenir le rang de puissance militaire auquel il aspire en Afrique, après ses succès et demi-succès au Mali, en RDC et en RCA notamment, Ndjamena a décidé, à la demande d’Abuja et Yaoundé, d’envoyer des troupes au front.
Le Niger, bien que n’ayant pas été directement aux prises avec les insurgés nigérians, se tient prêt et semble avoir les moyens de se défendre.
L’armée nigérienne est en effet habituée à en découdre avec la rébellion touarègue, même si ses méthodes ont maintes fois été jugées expéditives.
Le maillon faible des pays de la région potentiellement exposés à la furia meurtrière des hommes d’Abubakar Shekau, semble être le Bénin.
Le petit poucet béninois
A ce jour, certes, aucune attaque n’a été perpétrée dans ce pays, qui entretient pourtant des relations extrêmement étroites avec son voisin de l’Est.
Mais le fait que Boko Haram n’ait pas encore pensé à s’attaquer de front au petit poucet béninois n’a rien à voir avec une prétendue puissance de l’armée béninoise.
En réalité, le phénomène Boko Haram est avant tout un phénomène haoussa.
Au Nigeria, les Haoussas représentent plus de 34 millions de la population; au Niger, ils sont au nombre de 12 millions; au Cameroun, ils sont estimés à 2,3 millions.
Au Bénin, ils ne sont tout au plus que 800.000…
De plus, contrairement aux grandes villes du Nigeria ou du Cameroun généralement considérées comme majoritairement haoussaphones, aucune ville béninoise n’a, à proprement parler, une dominante haoussa.
Or, l’émirat islamique - avec une constitution inspirée de la charia et une application stricte des préceptes de l’islam, à peine plus nuancée que le wahhabisme – que Boko Haram envisage de créer dans le Nord du Nigeria, veut, au moins initialement, prendre pour base la culture haoussa.
D’où l’intérêt prononcé des insurgés pour ce Nord/Cameroun haoussaphone, qui entretient des relations étroites avec le Nord du Nigeria.
Le même argument pourrait valoir pour le Niger, mais le peu d’intérêt du moment de Boko Haram pour le Niger, tient aussi bien au fait qu’aucune grande ville nigérienne n’est située à proximité des bases du mouvement insurrectionnel, qu’à la présence des troupes occidentales dans le pays.
Français et Américains sont en effet présents à Niamey. Les premiers y disposent d’une base classique d’où leurs avions peuvent décoller pour des missions d’observation dans le Sahara profond; en plus de leur présence dans la capitale, les Américains viennent quant à eux de conclure un accord d’établissement d’une nouvelle base de surveillance des mouvements terroristes dans la ville d’Agadez, dans le centre, avec capacité de déploiement de drones Predator, qui ont déjà causé pleurs et désolation dans les rangs des djihadistes de tous crans, de l’Afghanistan au Yémen.
Le Bénin, quant à lui, n’ayant jamais représenté un enjeu stratégique important au plan militaire, est laissé à lui-même, dans cet ouest trouble.
On imagine bien, dans ce schéma qu’avec ses vingt chars, quatre canons et 12.000 hommes, l’armée béninoise ne pèse pas lourd devant la puissance de feu d’un bataillon de Boko Haram…
Selon un responsable de l’opposition béninoise, "il ne faut pas rêver."
"Déjà que pour les quelques séances d’entraînement des malfrats nigérians à Cotonou, au nez et à la barbe des forces de sécurité, toute la ville est en émoi, on imagine mal le pays tenir une journée sous le feu nourri de Boko Haram."