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La Nouvelle Tribune N° 2406 du 5/2/2013

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La responsabilité civile ou pénale personnelle des médecins et établissements hospitaliers au Bénin?
Publié le mardi 5 fevrier 2013   |  La Nouvelle Tribune


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© Autre presse par DR
Centre national hospitalier universitaire (CNHU)
Le plus grand hôpital du Bénin.


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Je voudrais proposer à la réflexion de nos compatriotes ce sujet, en étant parfaitement conscient des dangers qu’il y a de le faire, notamment du danger de se tromper de cible.


Mais de la discussion jaillit la lumière, et maintenir des sujets comme tabous ne contribue pas à l’éclairage de la société et à son progrès.

Le médecin particulier de Michael Jackson est en prison pour négligence et /ou fautes médicales.

Cela pourrait-il arriver chez nous?

Certes il s’agit d’une vedette et d’un décès spectaculaire, mais des centaines de cas de « malpractice » médical sont jugés tous les ans aux US. En Europe, les procès pour erreur médicale sont moins fréquents, mais ils existent.

Nous n’avons pas le souvenir qu’il en ait jamais existé au Bénin. Les familles pleurent leurs morts, et se résignent à la fatalité. « C’est Dieu qui donne, c’est Dieu qui reprend », « Quand ton heure sonne… » Etc… En tant que chrétien, nous croyons certainement à la toute-puissance divine, et avons l’Espérance d’un monde meilleur dans l’au-delà.

Mais en tant que citoyens, nous ne pouvons nous satisfaire d’une situation ou des vies qui peuvent être sauvées ne le sont pas, par négligence, erreur, absence de soins, manque de rigueur dans le diagnostic, le traitement et le suivi.

Le système de santé dans notre pays est défaillant, peinant àprévenir et soigner les maux les plus courants. Les changements économiques, sociaux et culturels font que de nouvelles pathologies se sont développées à la faveur des changements dans notre mode de vie, d’alimentation notamment.

Ainsi observe-t-on une prévalence accrue des maladies cardio-vasculaires, du diabète notamment, venant s’ajouter aux pathologies anciennement dominantes comme le paludisme, l’hépatite, ou récemment apparues comme le Sida.

Face à cette situation, les politiques sanitaires de prévention et de traitement ne semblent pas à la hauteur des enjeux, que ce soit en milieu urbain ou rural.

Les défis que rencontrent les médecins sont nombreux, à commencer par l’insuffisance ou l’absence d’équipementsmédicaux, de matériel de soins, la maintenance de ceux qui existent, la surpopulation des établissements de soins, etc… et nombre d’entre eux exercent un véritable sacerdoce, avec des rémunérations rarement à la hauteur des responsabilités.

La responsabilitépremière de cette situation incombe aux gouvernants qui n’ont jamais fait de la santé un secteur prioritaire et n’ont jamais mis en œuvre une politique de santé cohérente de façon suivie.

L’absence de moyens financiers ne saurait tout expliquer quand on sait que Cuba –qui est loin d’être un pays riche- a un des meilleurs systèmes de santé au monde.

Cela étant dit, on ne peut non plus passer sous silence les failles dues aux acteurs du système sanitaire, les médecins (docteurs, assistants chefs de cliniques, chefs de cliniques, chefs de services, professeurs…), auxiliaires de santé (infirmiers, sage femmes, aide-soignant etc…) et administrateurs d’hôpitaux (administrateurs, chargés de maintenance, personnel d’entretien etc…).

Les hôpitaux publics, en particulier le CNHU, sont dans un état de délabrement réel, mais la pratique des médecins - des patrons de service, grands professeurs, aux étudiants effectuant les gardes - méritent d’être interrogée et le tabou de leur position discuté.

Certes, nombre d’entre eux pourraient avoir des carrières plus lucratives en dehors du Bénin s’ils choisissaient de le faire. Mais ayant choisi de servir au Bénin, il nous semble qu’on est en droit de s’attendre qu’ils le fassent dans le respect du malade et en observant les meilleures pratiques.

1- Le Respect du malade

Donner un minimum d’information au malade et/ou sa famille et requérir son avis ou approbation avant certainesdécisions est désormais une pratique courante. Chez nous, il semble que le malade et ses parents soient les cinquièmes roues du carrosse : Peu d’information et sur insistance, la réponse standard « Patience » …

2- La Présence

C’est un fait dans tous les pays que l’accès aux sommités du monde médical (les mandarins) est difficile et rare. Mais de voir l’absence complète des professeurs chef de service de leur services est un spectacle qui interroge. Certes on comprend qu’ils ont des tâches de recherche, d’enseignement, de formation. Mais le matériau de la recherche n’est-il pas l’observation et le traitement de patients ? Quel est le sens de la responsabilité d’un service si on n’y est jamais ?

Au-delà des patrons de service, ou sont les chefs de clinique, les assistants chefs de clinique ?

Avons-nous une armée mexicaine ou tout le monde est général et personne sergent-chef ?

L’accueil et le traitement des urgences est simplement scandaleux. Les malades en besoin de soins les plus urgents sont laissés aux médecins les moins expérimentés, souvent étudiants, sans qu’ils puissent bénéficier du soutien, de l’expérience, de l’avis de supérieurs. Les interventions et décisions qui doivent être prises dans les premières heures pour espérer un traitement sont prises 2, 3, 4 jours plus tard, rendant improbable le succès de traitements futurs…

Que dire des explorations, échographie, scanner etc…

Ces aides au diagnostic, sont devenues des obstacles au traitement, à croire que l’on ne soignait pas de malades avant que ces techniques modernes d’imagerie médicale ne soient répandues dans le domaine.

Quand par bonheur, les images médicales sont obtenues, il faut attendre des semaines, voire des mois pour leur interprétation. Sans connaitre les raisons de ce retard, on peut dire qu’une imagerie médicale interprétée 4 semaines plus tard est d’une utilité marginale, voire inutile - dans un contexte d’urgence médicale, car le mal a probablement évolué, parfois radicalement, et il est préférable d’avoir un traitement informé par un diagnostic imparfait, non supporté par l’imagerie médicale, que de mourir en attentant un diagnostic amélioré, supporté par l’imagerie médicale.

3- La Coordination des traitements

Avec la spécialisation à outrance dans ce domaine comme dans beaucoup, peu de maladies, de nos jours relèvent des compétences d’un seul médecin, d’un seul service. Et pourtant dans nos hôpitaux, la coordination des soins est plus un vœu qu’une pratique effective. Chaque patron –même absent - tend à s’approprier ses malades, privant ceux-ci des soins nécessaires provenant d’autres spécialistes, spécialistes dont la disponibilité réduite va à « ses propres malades ».

On pourrait allonger la liste des dysfonctionnements. Les médecins et patients pourront certainement la compléter. Je passe volontairement sous silence la question des consultations privées, question qui existe dans tous les systèmes sanitaires, mais dont les conséquences semblent être plus dramatiques chez nous.

Ces dysfonctionnements sont systémiques et ne relèvent pas nécessairement et entièrement de la responsabilité individuelle des médecins et administrateurs.

Mais il y a de nombreuses dérives dont la responsabilité, me semble-t-il, est principalement celle des médecins, chefs de service, patrons.

Combien de patrons chez nous, font le tour des malades de leur service tous les matins ?

Combien de conférence de coordination de traitement ont lieu entre neurologues, cardiologues et diabétologues au CNHU ?

Instituer la responsabilité personnelle des médecins – à commencer par les chefs de service - et des administrateurs d’hôpitaux peut contribuer à faire percevoir à ceux-ci leurs responsabilités et à mieux les exercer, tout en mettant en lumière les nombreux obstacles auxquels ils font face.

La résignation passive devant les négligences, les erreurs médicales, l’absence de soins et de traitements, doit cesser.

Certes l’introduction du tribunal à l’hôpital n’a pas que des conséquences positives. Les médecins peuvent devenir frileux. Le coût des soins peut se renchérir du fait des assurances que les médecins se croiraient forcés de prendre. L’autorité des médecins peut être temporairement réduite avec des effets négatifs dans un pays où ils doivent déjà gérer la concurrence du bokonon et du guérisseur traditionnel.

C’est un débat que nous devons ouvrir, pour tirer le meilleur de notre système de santé – par ailleurs défaillant- et l’améliorer autant que faire se peut.

J.F.Houessou
(Atlanta Usa)

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