Par décret N°2013-255 du 06 Juin 2013, le chef de l’Etat a transmis à la représentation nationale le projet de loi portant révision de la constitution. Depuis, les passions se déchainent. La polémique bat son plein. Des fronts se constituent tous azimuts contre le projet. Pourtant, la réforme constitutionnelle figure parmi les grandes priorités du candidat Boni Yayi lors de la présidentielle de 2011. Pourquoi cherche- t-on alors à empêcher le chef de l’Etat de mettre en œuvre le programme à l’aune duquel il a été , du reste, élu dès le premier tour de ce scrutin ?
« Le prochain mandat sera véritablement celui des grandes réformes, que je souhaite mettre en route au cours des douze premiers mois, pour engager la transformation politique, sociale et économique du Bénin. Elles porteront notamment sur la constitution…La révision de la constitution est envisagée dans le sens du renforcement de l’Etat de droit et des bases légales de notre système démocratique, en vue d’instituer un Etat plus juste, équilibré, fondé sur le respect des libertés démocratiques et sur les valeurs citoyennes … ». Ces propos, tirés du discours de candidature de Boni Yayi, prononcé au stade de l’amitié le samedi 29 Janvier 2011, traduisent manifestement la volonté du chef de l’Etat d’engager la réforme constitutionnelle en cas de sa réélection. C’est ce projet de gouvernement qui a été défendu pendant la campagne. C’est ce projet de société qui a séduit les Béninois à accorder leur suffrage au candidat de la Refondation à hauteur de 53%, maintenant ainsi Boni Yayi au palais de la Marina dès le premier tour du scrutin de 2011.
Il apparait bienséant que le chef de l’Etat respecte sa parole en mettant effectivement en ouvre son programme. C’est la lecture qu’il convient de faire de la volonté du président de la république d’engager la relecture de la constitution du 11 décembre 1990.
Un texte caduc à maints égards
Nombreux sont les constitutionnalistes qui soutiennent que la loi fondamentale du Bénin, conçue dans une conjoncture de suspicion et de méfiance, doublée de règlement de comptes à certains acteurs de première heure qu’il fallait écarter par tous les moyens de la scène politique, en l’occurrence Hubert Maga, Justin T. Ahomandégbé et Emile Derlin Zinsou, est largement caduque. Il faut donc la réviser en vue d’y apporter les correctifs nécessaires dignes d’un Etat moderne. On se souvient encore des égarements dus au désistement d’un candidat au second tour de l’élection présidentielle ; on observe l’impossibilité de la Haute Cour de Justice à s’autosaisir ; on constate la non constitutionnalisation de la Chambre des Comptes, pourtant recommandée par la CEDEAO ; sans oublier l’institutionnalisation de la CENA, appelée par certains acteurs politiques de tous leurs vœux.
Dans la nouvelle mouture proposée par le chef de l’Etat, figurent tous ces éléments. Mieux, les fondamentaux issus de la Conférence nationale des forces vives de février 1990 ne bougent pas d’un seul iota. Ici, on fait allusion à la limitation du mandat et aux conditions d’âge, sans oublier le régime politique et la laïcité de la République.
La grande innovation du projet soumis par le président de la République réside dans l’imprescriptibilité des crimes économiques. Désormais, avec la nouvelle constitution, les criminels économiques, gros fossoyeurs de l’économie nationale, seront poursuivis quelle que soit la durée de leur forfaiture. Adieu l’impunité dans notre pays. Et apparemment, c’est cette disposition qui choque et déroute.
D’aucuns affirment que la révision de la constitution doit faire objet de larges concertations. Soit ! Mais qui doit initier ces concertations ? Le chef de l’Etat, élu sur la base de son projet de société, n’a de comptes à rendre qu’au peuple qui l’a porté au pouvoir, justement au regard de ce projet de société. Le reste n’est que gesticulations et pérégrinations. La constitution du 11 décembre 1990 a montré ses limites par rapport aux nouveaux défis qui s’imposent au Bénin. Elle prévoit elle-même les conditions de sa révision. La balle est désormais au centre. Que chacun se consacre à son rôle. Le processus de la révision constitutionnelle est définitivement lancé. Et il est irréversible.